2.17 Sur la route du Chaos




 ⚠ Trigger Warning : Violences sexuelles 

Récit pour public averti






Max est préoccupé, mais cela ne l'empêche pas de remarquer la silhouette familière qui vient de tourner à une allure précipitée derrière les remparts qui bordent la parcelle occupée par le rejeton Oruscant.


Lorsqu'il s'engage à son tour, son inquiétude s'accroît devant la porte demeurée ouverte d'où lui provient de la musique à un volume important. Quand il pénètre  dans la petite maison, il y découvre la "Maquerelle de Windenburg" en train de remuer le bazar ambiant avec un air anxieux. Elle ne le voit pas arriver, l'entend encore moins à cause du bruit, si bien qu'elle sursaute et crie quand il attire son attention :


- " Qu'est-ce-que tu fous ?"

Sidérée sans qu'il ne comprenne pourquoi, elle ne répond pas. Il se met alors à chercher la réponse tout seul en balayant les alentours juste après avoir baissé le son et tique sur le révolver négligemment posé derrière une viennoiserie entamée.


Lorsqu'elle comprend qu'il a vu l'objet, elle tend une main tremblante vers lui en disant : 

- " Je n'ai plus d'autre choix...
- " De quoi tu parles, bordel ! Chero tu bouges pas ! Qu'est-ce-que tu comptes en faire ?
- " Je n'ai plus le choix, Max... Il est incontrôlable... 
- " Ok, ok, Chero, calme-toi... On va en discuter..."

La main dans son dos, il redoute de devoir se servir de son propre revolver. C'est une amie qu'il a en face de lui, une très bonne amie qu'il n'a jamais vue comme ça. Il se rappelle ce que lui a rapporté son homme de main et ajoute : 

- " Je suis au courant...
- " Et pourtant tu ne fais rien...
- " Je viens juste de l'apprendre. À l'instant...  
- " Si tu essaies de m'en empêcher, tu condamnes des centaines de filles à vivre dans la peur, voir dans la douleur pour certaines. Tout le monde s'en fout parce-que ce sont des putes, tout le monde s'en fout parce-que c'est un Oruscant. Il n'y a pas d'issue...
- " Ta vie est foutue si tu vas au bout de ta démarche, Chero..."

D'un geste vif, elle attrape l'arme tandis que lui dégaine la sienne. Il la tient en joue et assure : 

- " Je vais m'en occuper. 
- " Tu vas lui faire la morale. Et il s'en fout. Tu le sais aussi bien que moi..." Finit-elle au bord des larmes.

Voir cette vétérante sur le point de rupture le secoue plus qu'il ne l'aurait penser. Elle ajoute, pleine de rage : 

- " Vous pouvez pas vous passer de nous et pourtant nos vies ne valent rien.
- " Ce n'est pas vrai, Chero. Il me semblait que notre accord te convenait..."

Ses lèvres tremblent, elle fixe l'arme braqué sur elle d'un air hésitant.

- " Tu sais bien que tu peux parler librement avec moi... May... Fait pas de connerie, OK...?" Demande-t-il en rangeant doucement son révolver dans son étui.


- " Huit ans sans toi, c'est un retour de 20 ans en arrière, Max... Il a tout renégocié... La came, les filles. Et personne n'a osé rien dire.
- " T'inquiète que je vais lui chanter une autre chanson. Tu me connais ?
- " Et apr..."

Elle ne peut terminer sa phrase, une série de cris implorants leur parvient depuis l'étage. May n'hésite pas une seconde et s'élance, mais Max lui coupe le passage.


- " Tu restes là."

Son autorité naturelle et la confiance qu'elle lui accorde la font obéir, malgré ses yeux paniqués qui tentent de percer le plancher et sa main nerveusement agrippée à l'arme.


Le cœur de Max cogne fort. Les suppliques qui lui parviennent le ramènent à une époque qu'il tente d'oublier depuis sa plus tendre enfance. Des perles de sueur se forment dans son dos, si bien qu'il se sent obligé de déclarer : 



- " S'il s'échappe tu le stoppes."

Il devrait monter les marches quatre à quatre mais ses pieds sont faits de plombs. Entendre les plaintes de cette pauvre fille est un véritable calvaire.


Arrivé en haut, les cris se sont brutalement tus et il peut percevoir les grognements bestiaux du tortionnaire par-delà la porte. C'est dans un état second qu'il l'ouvre et qu'il tombe sur Oruscant en train d'étrangler la prostituée.



Leurs regards à tous se croisent dans le miroir ce qui déclenche un retrait brusque du fils Oruscant qui saute du lit de manière à lui faire face et lui offrant la vue de son sexe outrageusement dressé dont la capote porte des stries de sang.
Max jette un coup d'œil à la fille qui ne le connait pas et qui ne sait pas encore si son intrusion est une bonne ou une mauvaise nouvelle. 


- " Chero t'attend en bas." Déclare-t-il simplement à son attention.

Elle glisse doucement sur la couverture, percluse de douleur, tandis que Damian est toujours muet. 

- " C'est quoi, ça ?" Interroge-t-il à son encontre.
- " C'est... C'est un jeu. C'est pour faire semblant.
- " Hey..." Interpelle-t-il avant que la prostituée ne sorte de la pièce. "Tu étais consentante ?"

La pauvre fille, toute tremblante, a le courage d'osciller négativement la tête. 

- " Tu t'es bien gavée avec mon fric pourtant poufiasse." Crache Oruscant. "Putain de ment..."

Max a dégainé et pressé la détente.


La fille hurle à lui percer les tympans. May déboule quelques secondes après et entreprend de s'occuper de sa protégée quand elle découvre avec horreur le cadavre sur le sol.

- " Mon Dieu que va-t-on devenir..."

Max, lui, est sonné et voit du coin de l'œil les deux femmes sortir de la pièce dans un flou ralenti et bourdonnant. Des larmes lui montent aux yeux quand il réalise qu'il aurait voulu que ce soit son père, par terre, qu'il aurait voulu l'exécuter à temps pour sauver sa mère. S'il avait été plus fort, à l'époque, s'il n'avait pas été cette mauviette, peut-être même que s'il était juste intervenu, sa mère serait encore vivante. Mais tout ce qu'il avait réussi à faire, c'est se pisser dessus. Il a l'impression que tout le monde a plus de couilles que lui, jusqu'à cette gamine qui a trouvé l'impossible force de dire la vérité devant son bourreau. 
Il vient d'abattre quelqu'un, pour autant il ne s'est jamais senti aussi impuissant. Sa mère est morte, Jane est morte... Buter cette raclure, par surprise, alors qu'il était à poil et vulnérable ne lui apporte aucun soulagement, même par transfert. Par ailleurs, il sait qu'il va payer très cher ce coup de sang.

Las, il redescend et contacte un de ses hommes de confiance : 


- " Tu prends Wolfang avec toi et surtout pas un mot. C'est moi qui annoncerait la nouvelle au Grand Manitou le moment venu. Si besoin, couvrez-moi pour 48h."

S'il tient 24h ce sera un miracle, mais il sait que ses hommes, non mécontents d'être débarrassés de cet enfoiré d'Oruscant, donneront de leur personne en gage de leur reconnaissance.
Une fois qu'il a raccroché, il se tourne vers May qui attendait qu'il ait terminé avant de s'échapper. Elle s'exclame aussitôt : 


- " C'est une blague, Max ? Tu ne vas quand même pas te jeter dans la gueule du loup ?
- " Tu veux y aller, toi ?
- " Mais enfin Max !!! Putain mais merde ! Tu vas pas te sacrifier pour ce connard ?!
- " C'est pas pour lui, que je le fais, Chero. C'est pour moi."


- " Nan... Nan... C'est pas possible... " Reprend-elle. "Il y a forcément une autre solution.
- " Lâche l'affaire. Allez, ils t'attendent." Ordonne-t-il en désignant la porte du menton, derrière laquelle est garée une voiture qui est venue les chercher."


- " Arrête tes conneries, Max. T'es pas sorti de prison pour te faire buter. Dis-moi au moins que tu as un plan, ou j'sais pas... Un Joker ! Quelque chose ! Il a foutu la merde avec les fournisseurs, on peut maquiller ça !
- " Et déclencher une guerre des gangs ? Tu crois vraiment que je vais foutre le feu pour me planquer derrière ?"


May ne répond pas. Elle comprend que sa décision est prise. Elle ajoute néanmoins avant de partir : 

- " Tu as rendu service à beaucoup de monde, Max. En t'en occupant, tu m'as sauvée, aussi. J'aimerais avoir l'occasion de payer ma dette."

Elle se détourne finalement après lui avoir jeter un regard suppliant, lourd de sens, auquel il répond par un ultime mouvement de menton vers la porte.
Il regarde la voiture partir à travers une des fenêtres mais son esprit est déjà ailleurs. 


Max a toujours eu envie de vivre. Il s'était mis en danger bien des fois, mais sa peur pour sa vie avait toujours eu raison de ce qui la menaçait. Avant Jane, il avait déjà cette pulsion de survie, sans vraiment chercher d'où elle venait. Avec Jane, il avait trouvé une autre raison : la protéger pour vieillir ensemble, pour écrire par dessus le drame familial. Son cœur se serre encore, sa gorge lui fait mal devant le constat de son échec. Après Jane, il le sent en son sein, il ne lui reste plus rien. La flamme a été balayée comme si quelqu'un avait soufflé sur une vulgaire bougie, réduisant toute leur histoire, tous ses espoirs à un méprisable feu de paille et faisant disparaître le peu de lumière qui persistait en lui. Le gouffre, désormais, est dévorant, et il sait que les Ombres ne vont pas tarder à fondre sur lui.


Alors il doit faire vite.




***






La paume est sèche, la poigne est franche et le regard direct. Le garçon a l'air d'aller bien pour quelqu'un qui risque de passer les vingt prochaines années en prison et qui sort d'un grave accident. C'est à la fois troublant et bon signe. 


- " Avant de commencer, je dois vous informer que cet entretien est classé "Top Secret" et que vous êtes tenu au silence sur tous les éléments qui suivront, quelque soit votre décision finale, et jusqu'à ce que la classification soit levée. Dans le cas où vous refuseriez, merci de le notifier immédiatement afin de clore cette réunion.
- " Je m'engage à respecter le secret.
- " Bien. Première question, quel type de relation entretenez-vous avec votre père ?
- " Cordiale, tout au plus. Et encore.
- " Que savez-vous de notre passif avec lui ?
- " Je sais que vous tentez d'acheter son terrain depuis 30 ans mais que pour une raison inconnue il refuse. Je sais que vous avez tenté de l'intimider, par le passé.
- " Quel est votre sentiment par rapport à cela ?
- " Cela m'est complètement égal. Ça fait longtemps que son sort ne m'inquiète plus vraiment. Et puis avec le métier que j'exerce, je serais mal inspiré de vous faire la morale.
- " Bien... Avez-vous une idée de la raison qui lui fait refuser la vente ?
- " Honnêtement, je ne sais pas. Je ne l'ai jamais compris, et vice versa. Nous sommes des inconnus l'un pour l'autre.
- " Savez-vous qu'il enquête sur le cas des explosifs trouvés au sous-sol ?
- " Je l'ignorais.
- " Me conseilleriez-vous de me méfier de lui ?
- " Encore une fois je ne sais rien de lui ou de ses motivations. Par contre, il me semble que c'est dans son intérêt de découvrir et d'enfermer les personnes susceptibles de s'en prendre à des bâtiments voisins à sa si chère demeure."

Victor s'esclaffe avant de répondre : 
 
- " C'est possible. Nous y reviendrons... Autre question : êtes-vous coupable de ce dont vous êtes accusé ?
- " Non. Je ne suis coupable d'aucune trahison. J'ai été trahi par un de mes coéquipiers qui était en réalité un parent du chef des insurgés. 
- " Pourquoi s'en est-il pris à vous et non aux autres ? Pourquoi êtes-vous vivant ?
- " C'est moi qui l'ai pris sur le fait. Je n'ai pas de certitude, mais je pense que j'ai servi d'avertissement. J'étais le dernier arrivé dans l'escadron, je crois que ça l'a arrangé de ne pas s'en prendre à ses anciens compagnons d'armes. Des liens se nouent au sein des équipes quand elles sont formées depuis aussi longtemps.
- " Ce n'est pas pour autant une valeur sûre visiblement...
- " C'est la première chose que l'on nous apprend en formation : personne n'est fiable à cent pour cent."

Victor sourit, amusé de voir que le garçon est capable de lui sortir une vérité embarrassante du tac au tac, sans sourciller. Il doit reconnaître que sa franchise lui fait du bien ; alors il va lui aussi droit au but : 

- " J'ai une offre à vous faire."


Il poursuit : 

- " Comme vous le savez peut-être, j'ai besoin de renforts pour sécuriser nos travaux. Mais cette sécurisation demande aussi un travail d'espionnage.
- " Je vous remercie de votre intérêt, mais je ne travaille pas sur le territoire.
- " J'ai vu avec votre employeur et il serait près à me céder vos contrats.
- " Mon refus n'a rien à voir avec mon employeur. Si j'ai postulé chez eux, c'est parce-qu'ils opèrent à l'extérieur. Par ailleurs, j'ai une couverture officielle, ici, qui pourrait encore me servir. Je souhaite la préserver."

Victor plisse les yeux, songeur et agacé. Il continue néanmoins d'un ton affable : 

- " Vous êtes conscient que votre liberté n'est pas du tout garantie à ce stade ?"


- " En revanche, le trou m'attend à coup sûr si je refuse, c'est ça ?"


Victor est quelque peu désarçonné par la question frontale si bien que son interlocuteur a le loisir d'enchaîner : 

- " Si vous vous attachez la fidélité des gens par la menace, vous pouvez être sûr qu'ils vous la feront à l'envers à la première occasion.
- " J'en déduis donc que vous êtes plus sensible à la carotte ?
- " Dans ce cas-là, rien ne me fera changer d'avis. Je ne veux pas travailler sur le terrain dans la région."

Victor s'adosse contre son fauteuil et après un temps de réflexion propose : 

- " Et si votre anonymat était garanti ? Dans le cadre d'un travail d'analyste ?"


- " Là, j'aviserais de la taille de la carotte."

L'homme d'affaire a un moment d'arrêt, percuté par ce qu'il perçoit comme une allusion grivoise. Il n'est pas certain, bien sûr, mais il ressent de l'audace en face de lui ; et s'il exècre la familiarité, il doit reconnaître que le jeune effronté ne manque pas de charme. Il répond alors avec une sobriété dénaturée par l'éclat de ses yeux : 


- " Elle est conséquente."

Victor, s'il avait eu deux ou trois expériences homosexuelles dans sa jeunesse, s'était toujours considéré comme un hétéro strict. Mais devant l'assurance et la fraîcheur de ce gars-là, il se dit qu'il se ferait bien son petit cul, voire même serait-il tenté de tester la passivité. Un petit frisson le parcourt lorsque le si bien nommé "Mojo" émet un bref éclat de rire, de ces rires de gorge plein d'assurance et si séduisants : 

- " Ok, ok. Pour un contrat à durée déterminée, on pourrait s'entendre. De quoi parle-t-on, exactement ?
- " Vous seriez amené à analyser des enregistrements ou à interroger des suspects.
- " Et mon anonymat ?
- " Vous pourrez avoir le visage masqué.
- " ... Je vois.
- " Vous aurez aussi des missions de surveillance... " Il le voit tiquer donc précise instantanément : "vous serez par équipe de deux dans le cas où il faudrait intervenir.
- " Ce n'est pas si simple... " Rétorque-t-il en haussant les sourcils.


- " Si mon binôme est en difficulté, je vais devoir m'exposer. " Reprend-il.
- " On évitera de vous mettre dans cette position, mais je suis à court de personnel. 
- " Je vois ça et vous avez besoin d'un coordinateur tactique."


- " Si tout se passe comme prévu, c'est le Capitaine Oshossi qui occupera ce poste.
- " Ok, c'est une bonne chose et ça me rassure. 
- " Une dernière chose, sachez que votre père est sous surveillance. Est-ce-que cela est un problème ?
- " Tant que vous ne m'envoyez pas le cuisiner, non. Comme je vous le disais, je n'ai aucune relation avec lui. Si je me retrouve à tournicoter dans ses pattes ça va allumer toutes ses alarmes.
- " Il y a fort à parier qu'elles le sont déjà toutes. Vous pourriez nous aider à certaines occasions. Seriez-vous prêt à le faire ?
- " Si c'est le Capitaine Oshossi qui gère l'opération uniquement.
- " Eh bien il ne me reste plus qu'à vous faire parvenir le contrat. Je peux vous demander une dernière chose ?" 


Il attrape une tablette et la lui tend.

- "Lancez la vidéo, et dites-moi si la personne interrogée vous parait dire la vérité."

John Gerold attrape l'appareil, perplexe, et commence la lecture.



Il revient plusieurs fois en arrière, zoome, dézoome, et finit par conclure : 

- " S'il ment il est très bon. Quoiqu'il en soit, si vous voulez vraiment savoir, il va falloir me mettre au parfum et je devrai aller le voir en personne."

Victor soupire. C'était à prévoir. Il enrage de ne pas pouvoir prendre en défaut le prisonnier car il veut désespérément qu'il soit coupable. Ce type, avec son histoire, ne peut être innocent. Le problème, c'est qu'il n'a aucun levier pour le pousser à parler et la situation commence à déraisonnablement s'éterniser. Il ne se sent pas, pour le moment, de tout livrer au jeune Gerold. Pour autant, si c'est trop tôt aujourd'hui, demain il sera peut-être trop tard. 
Il sort de ses pensées lorsqu'il lui est demandé : 

- " Cela pourrait m'être utile de discuter avec l'agent qui l'a interrogé."

Victor opine du chef :

- " Je vais organiser cela. Restez disponible, vous aurez rapidement de mes nouvelles.
- " Très bien."

Une fois seul, Victor reste un moment les yeux perdus dans le vague, avachi dans son siège. Il a comme une grosse envie de faire voler l'échiquier et de tout misé sur le jeune prodige. Le temps presse, c'est peut-être même déjà foutu, La CLOES a eu tout le loisir de se réorganiser. Il secoue la tête, fataliste : il faut changer de stratégie. Et tout à coup, il lui vient une idée.






***







- " C'est absolument fascinant."

Le Docteur Eire tape et clique frénétiquement sur clavier et souris pour passer d'un document à l'autre. Sans vraiment connaître le détail, Ig connait déjà les conséquences de ce qui s'affiche à son écran ; et cela l'enthousiasme beaucoup moins. Plus ils en découvrent sur Pepper, plus vite ils se rendront compte qu'elle peut retrouver sa forme humaine et ainsi être capable de communiquer avec eux sans son concours. Il regrette âprement ne pas avoir occupé de Dilgürog, car cela lui aurait bien simplifié la tâche. Pepper, malgré sa tentative de la dernière fois, n'a pas fait de geste en sa direction. Donc de ce qu'il en sait, elle n'est absolument pas intéressée par sa proposition et semble résolue à rester dans le camp d'Idril. Il se rassure néanmoins en se disant qu'à priori, si elle protège son alpha, il est relativement à l'abri puisqu'il a aidé cette dernière. Mais quelle est la durée de son sursit ? Combien de temps avant que la créature ne réalise qu'elle aura plus à gagner en s'attirant les faveurs de Victor Lalouche que les siennes ?


S'inquiétant certainement de ne pas avoir de réponse, elle se tourne vers lui et demande : 

- " Quelque chose ne va pas Dimitri ?"

Ig est tout bonnement dans l'incapacité de répondre.

- " Dimitri ?... Le Docteur Pascal Lalouche m'a demandé de reprendre nos séances de parole. Etes-vous favorable à cela ?
- "... Je ne sais pas. Peut-être.
- " Quelque chose vous travaille en ce moment-même ?
- " ... Je... Je ressens cette douleur encore... Celle du ventre et du cerveau.
- " ... L'angoisse ?
- " Oui. Je crois que c'est ça."

Gloria Eire, la bouche semi-ouverte, réfléchit avant de répondre, l'air absent : 


- " C'est un des inconvénients, en effet... Votre part empathe doit certainement amplifier le signal."

Elle fait défiler un autre document, à la recherche d'une donnée qui pourrait appuyer son propos, avant de se résigner, privilégiant le contact avec la créature. Elle se lève et fait quelques pas vers lui : 


- " Avez-vous identifié l'élément déclencheur de cette crise ?"

Rien que d'y penser lui fait serrer plus fort la mâchoire, un souvenir en appelant un autre et désorganisant son schéma cognitif, scellant par là même son outil de parole. L'incident survenu pendant le sondage tourmenté du détenu lui a vraiment causé du tort.
Le Docteur Eire soupire : 

- " Je savais bien que vous enfermer ici tous les deux était une mauvaise idée." Elle souffle à nouveau. " Ce que je vous propose, c'est d'essayer de prélever un maximum de données sur Pepper afin d'avoir suffisamment de matière pour offrir à tout le monde une pause. Vous pourriez ensuite venir me rendre visite à Strangerville. Cela vous conviendrait-il ? Il me semble que vous appréciez cette maison.
- " ... Oui."


- " Bien. Allez Dimitri... Je pense que Pepper a eu un temps de repos suffisant. Expliquez-lui doucement ce que vous allez faire, que vous allez pousser un tout petit peu plus loin aujourd'hui mais que c'est pour pouvoir l'aider mieux et plus vite. Et demain on se retrouve à la maison."

Ig hoche brièvement la tête. Il n'a pas la force d'exprimer ses doutes sur une éventuelle autorisation de sortie. 
Il glisse de la table, lourd, à la limite de la fébrilité. Il redoute ce jour son incursion psychique, habité par les stigmates du piège qu'a refermé sur lui Daniel Magnolia et dont les traces mnésiques entachent encore fugacement sa rétine.


En présence de l'autre créature, il ressent contre toute attente un soulagement soudain. Ce répit lui permet de se rappeler que la bête face à lui est un esprit simple à sonder, qu'il ne craint rien. Son angoisse diminue petit à petit et il sort de sa torpeur, effaré de voir à quel point les émotions humaines peuvent faire perdre toute lucidité. Des crises comme celles-là, il en a déjà fait deux depuis sa mésaventure avec le prisonnier. Il ne comprend toujours pas le mécanisme, mais il ressent désormais un lien entre lui et cet homme. Un lien différent de ce qu'il connaissait jusque-là, qui ne lui donne par-dessus le marché aucun avantage. Il sent juste une sorte de résonnance, une empathie nouvelle et inattendue, une certaine admiration aussi. Dans le même temps, il ressent un gouffre dans sa poitrine qu'il associe à la jeune femme blonde de ses souvenirs. Et enfin, pour ne rien arranger, il est tiraillé entre son sens du devoir envers ses maîtres et sa peur viscérale d'Idril. Les données sont là, disponibles, mais il n'arrive pas à les traiter malgré ses efforts pour se sortir de cette paralysie. Néanmoins, quand il arrive devant la Dilgürog, il s'impose de se concentrer sur sa tâche, juste après avoir formulé en son sein l'espoir d'être délivré de ces entraves émotionnelles grâce aux étonnantes compétences du Docteur Eire.
Debout devant la créature, il répète religieusement les explications concernant la procédure à suivre. Pepper le fixe en contre-bas, ses iris rouge néon lui transmettant toute la méfiance qu'il lui inspire.




Le processus lancé, Ig sent peu à peu sa confiance en lui regagner du terrain. 


Ragaillardi, il retrouve la pleine possession de ses moyens et réalise qu'il ne lui faudra pas longtemps avant d'avoir parcouru les principaux circuits. Sa priorité ? Récolter tous les renseignements possibles sur Idril. Il espère du plus profond de ses tripes y trouver une faille exploitable qui lui permette de se débarrasser de l'Originelle. Mais quand il décrypte ce qui correspond à leur dernier échange avant que cette-dernière ne laisse Pepper pour morte dans la cabane qui a failli lui servir de tombe, ce qu'il voit l'aurait fait tomber à la renverse s'il n'avait pas coupé les canaux émotionnels. 


La démonstration de puissance qu'a réalisée Idril a suffisamment impressionné Pepper pour qu'elle ne soit pas tentée de jouer les girouettes ; Pepper et lui-même. 
En remontant le canal mémoriel, il note une différence entre le début de l'affrontement et sa clôture. Il fouille, et puis il comprend.


La foudre a frappé Silvia à l'instant même où Pepper allait lui donner le coup de grâce. Il se demande par quel miracle elle a pu être sauvée par un tel coup de chance, quand l'image d'après le met sur la voie : 


C'est Idril qui a appelé la foudre à elle... renversant alors drastiquement le rapport de force. S'il en croit les données qui s'impriment sur son propre circuit, Idril s'est éveillée pour sauver son hôte. 
Alors qu'il se déconnecte, il se remémore sa dernière entrevue avec la double entité et il s'aperçoit que contrairement à lui, ce n'est pas le parasite qui prend le dessus, mais, si ce n'est l'inverse, cela ressemble à une coopération jamais vue. Il a plein de questions en suspens, mais son esprit arrive tout de même à y voir une aubaine, et même une-pierre-deux-coups : Pepper est terrorisée par Idril et ne fera rien qui la mettra en danger, c'est désormais certain. Mieux, pour s'assurer de sa collaboration, le labo va la traiter comme une reine sans qu'elle n'ait rien à donner en retour, ou rien de compromettant. Parallèlement, il sait être le seul conscient que l'erreur d'hybridation qui lie l'Originelle à l'humaine peut les mener à leur perte. Reste à savoir quel angle d'attaque adopter, et même si techniquement le temps est l'ennemi des seuls mortels, l'entêtement de Daniel Magnolia à ne rien faire comme il faut peut encore réduire à peau de chagrin son espérance de vie. Ig souffle. L'expression terrienne "Avoir besoin de vacances" vient de prendre tout son sens.










Précédent             Suivant

Commentaires

Mauy a dit…
Ah bin Oruscant n'a pas fait un pli ! Bon débarras ! Même si ça rend la situation de Max encore plus compliquée...

Sen... Aaahh Sen... Je sens que son "intrusion" dans toute cette histoire va être assez explosive... Vu qu'il va avoir accès à pas mal d'infos, je me demande comment il va réagir et vers qui il va pencher quand il découvrira la totalité de l'histoire de la fratrie Magnolia. Parce que même si il aime Nadia, on sait que Sen est assez imprévisible... Bref j'ai hâte de voir ce que tu nous aura concocté !
Eulaline a dit…
Mauvais timing pour Max qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment dans un mauvais jour :/ Il y en a toujours qui prennent plus cher que d'autres dans la vie.

Sen en revanche se retrouve à une place de choix pour faire valoir ses talents :D même Victor en est tout troublé :D et ne peut résister à la tentation :D Alala, un loup de plus dans la bergerie :D J'ai hâte de voir Sen à l'œuvre dans ce nid de vipères. Cela m'enthousiasme au plus haut point.


Je ressens de plus en plus de pitié pour Ig. Tellement de chaînes à porter :/
J'aime beaucoup le contraste entre lui, Ig, qui veut se battre pour sa pauvre vie et Max, lui, qui n'en peut plus de sa pauvre vie. Au final, l'un comme l'autre sont prêts à tout.

Un superbe chapitre, encore. Je me suis régalée. Et oh mais au secours, tes images sont vraiment incroyables, tellement justes. Merci ♥♥ et vivement la suite :p
GGO a dit…
Mauy Ah oui, une bonne chose de faite ! Même si Max s'en serait bien passé, oui...

Pour Sen ça me fait bien plaisir qu'il soit imprévisible ! :D J'ai hâte de vous montrer, et vous verrez qu'il va aussi connaître quelques turbulences !

Merci beaucoup pour ton message !


Eul Max a tout perdu en perdant Jane... Le reste n'a plus tellement d'importance, maintenant...

Ah pour Sen attend un peu, il a ses propres casseroles à traîner et je crains que ce ne soit pas une promenade de santé contrairement à d'habitude !...

Ig est en mode survie, ça c'est clair... Mais ça me fait rire de le voir dépassé :D

Un grand merci pour tes compliments ❤
Eulaline a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Eulaline a dit…
"Max a tout perdu en perdant Jane..." C'est bien triste qu'il pense ainsi: Après la colère et l'émotion devrait venir la réflexion (comme lorsque Max tue cet homme - quel dommage, il y avait tellement mieux à faire- et retrouve la lucidité d'agir), surtout qu'il y a des enfants qui ont besoin de leur père. Maintenant, oui, avec cet assassinat, Max a vraiment tout perdu :(

Bien sûr, Sen a ses casseroles mais aussi une capacité de résilience de fou et la capacité de renoncer à quelqu'un/quelque chose qu'il désire plus que tout parce qu'il trouve ce renoncement juste. Il sait lorsqu'une bataille est perdue. C'est un jeune homme très intelligent. Enfin, c'est ainsi que je le perçois :o

Oh pauvre Ig :/ Il me fait tellement de peine à moi :D

Et merci à toi surtout ♥
GGO a dit…
Eul Et oui je sais bien. Dans un autre contexte ça aurait été géré différemment mais là Max il est à bout, il sent bien qu'il ne sera pas en mesure gérer le jeune Oruscant et il ne veut pas laisser son équipe sous sa coupe. Donc il a pris l'option la plus définitive... Mais ce n'est pas son premier assassinat, à Max, attention, il est même assez au clair avec ça. Il ne le fait pas gratuitement, loin de là, mais s'il considère que la vie de son opposant est une trop grande menace pour lui ou son équipe il ne va pas tortiller.
Pour ses enfants, il a fait une croix dessus quand il a appris la mort de Jane. Sans elle, il se considère comme parfaitement incapable de les élever et même pire, il a la certitude qu'il leur fera du mal malgré lui. Donc il est bien content que sa sœur soit là.
C'est un crève-coeur d'écrire son arc, je ne vais pas te mentir ^^"

Quant à Sen, ah j'ai hâte d'en parler mais je peux pas ! Ce sera surtout pour la saison 3.

Merci merci :*