3.
C’est
avec un état d’esprit plutôt sombre qu’elle reprit la route. Le
problème avec le « gratin », c’est qu’il fallait
toujours prendre mille précautions, veiller à ne pas froisser ces
pauvres gens, qui avaient toujours la même réaction :
« Comment osez-vous ? », « JE VEUX parler à
votre supérieur », « Ca ne va pas se passer comme ça »,
« Demain, vous pointerez au chômage Angès ». Par
contre, dès que l’on sortait de ce milieu, on pouvait crier,
impressionner, molester même, tous les moyens étaient bons. Léonor
avait toujours trouvé injuste qu’on ne puisse pas crier sur et
impressionner – pas molester parce-que cela empirait toujours la
situation, avec les avocats, les supérieurs, la famille…- tout le
monde de la même façon. Elle allait encore devoir faire des
courbettes, et cela la fatiguait déjà. D’ailleurs, en parlant de
courbettes :
Que
cherche cette personne sur mon gazon, pensa-t-elle en voyant une
femme courbée vers l’avant dans son jardin .
Elle eut
la réponse lorsqu’elle vint se garer sur l’allée du garage :
l’invitée surprise lisait tout simplement son journal.
Léonor
descendit alors de voiture et dit sans tarder à la personne qui
n’était pas troublée par l’arrivée du propriétaire du
quotidien :
-« Je
ne sais pas si on vous a dit, mais c’est 20 simflouzs les 5
minutes. »
L’inconnue
leva alors le nez et tendit le journal à Léonor :
-« Ah,
bonjour, excusez-moi mais… »
Elle
n’eut pas le temps de finir sa phrase : la jeune femme lui
arracha le quotidien des mains et le balança par terre avant de
croiser les bras sur sa poitrine d’un air mécontent. Elle regarda
l’intruse ramener ses bras frêles vers elle comme pour se protéger
et rouler des yeux vers la sortie dans le cas où elle devrait fuir.
C’est à ce moment là que Léonor eut honte.
Non
mais tu es ridicule ma pauvre fille. Passer tes nerfs sur cette femme
est vraiment pitoyable…
Elle
poussa alors un soupir en décroisant les bras et dit en tendant la
main :
-« Pardonnez-moi…
J’ai toujours un peu de mal à me déconnecter de mon travail dans
les premières minutes de mon arrivée chez moi. Ce n’est pas une
excuse pour mon comportement, mais… Enfin je suis sincèrement
désolée.
-« Et
vous faites quoi comme métier ? Gardienne de Perron ?
Répondit l’agressée d’un ton pas plus chaleureux.
-« Non…,
souffla Léonor qui ne put s’empêcher de sourire. On m’a envoyée
en renfort pour aider la police d’Atlantys.
-« A
se tourner les pouces ?
-« Non
plus… Tout le contraire même.
-« Ah
bah ça leur fera du bien remarquez, un sang vif comme le votre,
rétorqua l’inconnue en lançant malgré tout un regard
réprobateur. »
Léonor
sourit à nouveau et dit en tendant la main de nouveau:
-« On
recommence, vous voulez bien ? Bonjour, je m’appelle Léonor
Angès. A qui ai-je l’honneur ? »
Son
interlocutrice hésita un instant, puis se radoucit quelque peu :
-« Ah…
Les jeunes… Je suis Fani Bailli. Une voisine de la rue des Pinçons
juste derrière. Et je suis ravie que vous ne soyez pas
catcheuse professionnelle.»
Léonor
se mit à rire doucement et dit pour s’excuser, tout en ramassant
le journal, en remettant ses pages dans l’ordre, en soufflant un
peu dessus puis en le tendant à Fani :
-« Vous
pouvez le garder, si vous le désirez.
-« Euh,
non, ça ira merci. Vous avez l’air d’y tenir donc…
-« Allez-y
je vous en prie, le journal n’a rien à voir avec mes sautes
d’humeur.
-« Donc
vous ne vous mettrez pas en colère une fois mes doigts posés
dessus ?
-« Non,
je vous le promets. »
Fani
hésita, mais fini quand même par refuser :
-« Nan
nan, ça ira. Je préfère encore aller chez ma fille.
-« Vous
êtes sûre ?
-« Oui
oui, comme ça je verrai la petite. J’ai une bonne excuse vous en
faites pas. Par contre, je veux bien juste vérifier le tirage du
bishuno. Il faut le faire le matin sinon le bulletin est nul. »
Léonor
lui passa donc le journal et dit avant que Fani n’ait eu le temps
de regarder les résultats :
-« Venez
les regarder à l’intérieur, je vais vous servir quelque chose à
boire.
-« Prévenez
la personne qui vit avec vous d’abord. Dès fois qu’elle soit
comme vous… »
La jeune
femme rit de nouveau et se dirigea vers la maison.
En rentrant chez elle, Léonor posa son téléphone
et découvrit son mari et son fils qui étaient visiblement arrivés dans la matinée. Après un léger baiser sur les lèvres
de son conjoint, puis sur le front du bambin qui eut un léger mouvement de recul, elle fit les présentations :
-« C’est
une de nos voisines, Ryan. Elle a eu la gentillesse de venir nous
saluer. Tu veux bien lui servir à boire ? »
Ryan
s’exécuta, et Léonor en profita pour présenter son fils qu'elle venait de prendre dans les bras :
-« Voilà
Louis. Dis bonjour Louis. Dis Bonjour à Fani.
-« e
ou Papa ?
-« Il
est allé chercher à boire. Allez, dis bonjour.
-« on
jour dame. E ou Papa ?
-« Bonjour
Louis, répondit Fani. Quel âge a-t-il ? Demanda-t-elle à
l’adresse de sa mère.
-« Deux
ans.
-« Vous
voulez des glaçons dans votre jus de fruit Fani ? demanda Ryan
en revenant de la cuisine.
-« Non
merci. »
Pendant
que son mari et son invitée – désormais - discutaient, Léonor
préféra rester avec le petit Louis. Depuis qu’il était né, elle
n’avait pas passé beaucoup de temps avec lui en raison de son
travail, et c’était une cause fréquente de dispute entre Ryan et
elle. La jeune femme était très demandée et elle était
constamment déchirée quand, le soir venu, elle devait continuer à
enquêter plutôt que de venir coucher son fils. De courtes missions
l'appelaient parfois à ne pas rentrer pendant plusieurs jours.
D'autres, plus longues, lui demandaient de s'installer dans des
appartements ou maisons loués pour l'occasion, comme c'était le cas
cette fois-ci. Au moins, Ryan n'avait pas d'obligation et il pouvait
la suivre avec leur fils dès que la durée de la mission dépassait
deux semaines.
Pour
preuve qu’elle n’était pas assez présente, le petit ne disait
jamais « Maman », bien qu’il eut été très précoce
pour dire « Papa ». Elle en avait parlé une fois à Ryan, qui avait haussé les épaules en guise de réponse. Elle se doutait que
cela n’était pas fait dans l’intention de la blesser, mais bien dans
l’espoir de réveiller chez elle un instinct maternel froissé qui
l’aurait poussée à rentrer plus tôt.
J’ai
parfaitement remarqué, Ryan, que mon propre fils ne connaît pas le
mot « maman ». J’ai parfaitement remarqué.
Léonor
fut interrompue dans ses pensées par Fani qui prenait congé.
-« Bon,
eh bien je vous souhaite une bonne installation, si vous avez besoin
de quoi que ce soit…
-« Auriez-vous
une bonne baby-sitter à nous conseiller, demanda Ryan. On en aura
besoin demain.
-« On
a bien les nounous, mais certaines ont très mauvaise réputation.
Comme la Karelle, là. Fuyez la comme la peste. Hum… Lucie a cassé
sa pipe, en plein travail en plus! Le Bazar que ça causé ça aussi. Les autres, ça va. Appelez les renseignements, ils vous
mettront directement en contact.
-« Euh…
Merci, articula-t-il.
-« Si
vous avez besoin de petites choses pour le bébé, allez chez les
Jedenfan. Leurs produits sont de qualité et sont réputés dans tout
le pays. Et pour les vêtements, Ruth Larson fait des choses pas mal.
Vous tombez dessus quand vous tournez à droite avant de prendre le
pont. Je vois que vous êtes habillés chaudement…
-« Mais
nous sommes quand même en novembre, rétorqua Léonor qui avait déjà
remarqué la tenue plutôt légère pour la saison de son
interlocutrice.
-« Ah,
ici, il ne fait froid que de fin décembre jusqu’en Février. On a
un hiver très court. Vous verrez, retirez une couche, ça n’ira
pas plus mal. Bon allez, je vais acheter un autre bulletin de
Bishuno. Je sais pas pourquoi d’ailleurs, puisque je vais encore
perdre. Un vrai attrape-nigaud ce truc. Allez, passez une bonne
journée. »
Une fois
Fani partie, Ryan s’adressa à sa femme :
-« Alors ?
Comment ça s’est passé ?
-« Pour
être honnête, c’est assez mitigé. J’ai été très bien
accueillie par le chef de la police, Germain Vasseur, mais dans
l’unique but de pouvoir me manipuler. J’ai la très mauvaise
impression qu’on ne va pas me laisser agir à ma guise. Et puis
c’est un très vieux quartier, avec des grandes familles très
influentes… C’est un peu tôt pour me faire une idée définitive,
mais clairement, il va falloir que je comprenne comment ça
fonctionne ici avant de tenter quoi que ce soit.
-« Tu
sais déjà un peu comment tu vas t’y prendre ?
-« Pas
vraiment… A Simcity, paradoxalement, j’avais pas de mal à
débuter puisque avec le réseau qu’on a là-bas, les informations
finissent par arriver aux oreilles de nos informateurs assez
rapidement. Ici, je suis toute seule…
-« Oui
mais tu peux utiliser les réseaux préexistants.
-« Oui.
Y’a plus qu’à les trouver… »
Après
un silence, Ryan déclara :
-« Bon,
là tout de suite, tu peux rien faire. Donc je te propose d’aller
te changer, et on attaque l’emménagement. J'ai tout stocké dans
le garage, il faudrait faire de la place pour ce qu’on va aller
acheter demain.
-« D’accord.
Je ne suis pas montée ce matin, mais y’a tout ce qu’il faut ?
-« Oui,
la salle de bain est nickel, et ils ont même installé un lit et une
table à langer pour le petit. Nous aussi on a de quoi dormir ce
soir, d’ailleurs. En voyant les canapés ce matin, j’ai eu un peu
peur, mais tout va bien… , finit-il en un sourire. »
Alors
qu’il s’apprêtait à se mettre au travail, Léonor le retint et
lui prit doucement les mains.
-« Merci,
lui dit-elle. Merci infiniment, Ryan. Je sais que ce n’est pas la
vie dont tu…
-« Chhhhh…
N’en parlons plus. On a déjà eu cette conversation, on a tous les
deux fait un pacte. Tant qu’on s’y tient, tout ira bien pour moi.
Ne t’en fais pas. »
Il posa
un baiser sur son front et disparu derrière la porte de la cuisine.
Quelques
heures plus tard :
-« Pfiou,
j’en peux plus ! s’exclama Léonor. On a fini là, non ?
-« Ouais,
y’a plus que les cartons de vêtements à monter, et on pourra se
rouler sous la couette pour…
-« Hum
hum… Excusez-moi…, dit une voix en donnant quelques petits coups
à la porte. »
Surprise,
Léonor se retourna d’un coup.
-« Excusez-moi,
la porte était ouverte…
-« Non
non, je vous en prie…
-« Je
suis votre voisine de droite, je m’appelle Anaïs…
-« Ah
oui, bonsoir ! Ravie de vous rencontrer ! Coupa légèrement
Léonor pour couvrir sa gêne. Je suis désolée, on ne vous a pas
entendue arriver. Oh ! Mais…, commença-t-elle en voyant
l’assiette apportée par sa voisine.
-« Oui,
j’ai pensé que vous n’auriez pas beaucoup de temps pour vous
préparer à manger, donc je me suis dit qu’une petite assiette de
fromage…
-« C’est
vraiment adorable ! On adore ça en plus ! Je vous en prie,
entrez, on va vous débarrasser. Installez-vous…
-« Non
merci, ça ira. Je ne vais pas vous déranger très longtemps.
-« Vous
plaisantez ? Prenez-en avec nous ! Allez venez, ne restez
pas sur le pas de la porte ! »
Anaïs
fini par se laisser convaincre et les deux femmes se trouvèrent très
vite des intérêts communs, au grand désespoir de Ryan qui mourrait
de faim.
-« Ah
oui, rien de tel qu’un bon footing pour se remettre en forme. Après
la naissance de Louis, je courrais des heures sans m’arrêter tant
j’avais souffert de rester immobile les derniers mois de ma
grossesse.
-« Pareil
pour moi. Si ça vous dit, je connais de très jolis coins pour
courir. Dès que vous avez un moment, téléphonez moi, on se mettra
d’accord pour un horaire…
-« Sans
problème. Et Vous êtes Maman aussi alors ?
-« Oui,
d’une grande fille de 17 ans.
-«C’est
vrai ? … »
Et ainsi
de suite. Un sujet en amenant un autre, Ryan décida que pour sa
propre survie il fallait qu’il agisse, et fini par glisser :
-« Bon,
les filles, si ça vous embête pas, je commence… »
Au bout
d’une bonne heure, les deux nouvelles amies se décidèrent aussi à
grignoter quelque chose, sans perdre le débit du dialogue. Ryan
tenta un :
-« Si
ça intéresse quelqu’un, je vais me coucher… »
Qui
capta quand même l’attention de sa femme :
-« Ah
oui ? Déjà ?
-« Léo,
répondit-il. Il est presque 23h, j’ai déplacé des meubles toute
la journée…
-« Oh
excusez-moi, intervint Anaïs, j’abuse de votre gentillesse…
-« Non,
je vous en prie, prenez votre temps, la rassura Ryan. C’est quand
même grâce à vous qu’on ne va pas se coucher le ventre vide.
Bonne nuit. »
A peine
eut-il tourné le dos que la conversation reprit de plus belle.
-« Tu
t’es couchée à quelle heure ? demanda Ryan à sa femme dans
la voiture qui les emmenait dans la zone commerciale d’Atlantys.
-« Je
sais pas, j’ai pas de montre…
-« Léo…
Je vais pas te gronder…
-« Si,
je sais bien que si. Mais c’était pour la bonne cause. J’étais
en mission.
-« Ah
oui ? demanda-t-il moqueur.
-« Parfaitement.
J’essaie d’identifier les réseaux préexistants. Comme tu me
l’as dit.
-« Ben
voyons. C’est bien tenté, mais je suis pas sûr que le réseau
Tusimware soit celui qui t’intéresse.
-« Peut-être
mais je pouvais pas deviner. N’empêche qu’elle a pas eu de
chance, elle s’est faite abandonnée pendant la grossesse par son
compagnon, et ça fait 17 ans qu’elle élève seule sa fille.
-« Elle
drôlement jeune pour avoir un enfant de cet âge.
-« C’est
ce que j’ai pensé, mais… j’allais pas lui dire… Ca aurait
été grossier non, si je l’avais fait… ? »
Ryan
tourna brusquement la tête pour la fixer d’un air réprobateur :
-« J’y
crois pas. Léo ! Ca ne regarde qu’elle !
-« Mais
c’est sorti tout seul ! se défendit-elle. Et puis finalement,
c’est un compliment, de dire à quelqu’un qu’il fait pas son
âge.
-« En
sous-entendant qu’elle s’est faite mettre enceinte très jeune
pas vraiment…
-« Eh
bien elle est moins susceptible que toi.
-« Surtout
qu’on a pas vraiment de leçon à lui donner. »
Cette
dernière phrase refroidit d’un coup l’ambiance. Le ventre de
Léonor se noua, comme à chaque fois que le sujet arrivait sur le
tapis. Par bonheur, ils arrivaient à destination.
Ils
avaient décidé de suivre les conseils de Fani, en allant chez les
Jedenfan pour trouver tout ce qui leur manquait pour Louis. En
parcourant les allées, Léonor tomba sur la petite table d’activité
que leur avaient offert les parents de Ryan pour les 2 ans du bambin.
-« Oh !
Je ne savais pas qu’elle venait d’ici cette table. Tes parents
sont des connaisseurs…Oh ! Et là, derrière toi, c’est pas
ça le Bishuno dont parlait Fani ?
-« C’est
la version familiale, lu-t-il sur l’étiquette. « Le jeu de
toutes les générations », poursuivit-il.
-« Bon,
je crois qu’on a tout. Je vais payer et on continue ?
-« Ok. »
Après
être passée à la caisse, Léonor retourna dans les allées pour
chercher Ryan qui n’attendait pas près de la voiture. Lorsqu’elle
le retrouva, elle fut amusée par l’intérêt qu’il portait à
l’un des jouets.
-« Tu
veux qu’on te prenne quelque chose ? Le taquina-t-elle. »
Mais son
sourire retomba à l’instant où elle vit l’objet en question.
Sans un
mot ni un regard pour elle, Ryan attrapa le ballon et en caressa
doucement la texture. Au bout de quelques secondes, il le reposa sur
son socle. Il lui adressa un sourire faible puis se dirigea vers la
voiture.
Il
fallait à tout prix qu’il pense à autre chose. Elle s’arrêta
devant ce qui semblait être un restaurant, et fut ravie d’être
tombée sur une pâtisserie. C’est à un Ryan toujours silencieux
qu’elle fit porter une grosse part de gâteau au chocolat, et elle
en profita pour commander son dessert préféré : le
cheese-cake. Elle était malgré tout un peu triste car elle avait
peur de ne pas le savourer comme il se devait tant son ventre était
noué. Mais contre toute attente, la première bouchée lui fit
l’effet d’une bombe.
-« Oh
mon Dieu.
-« Qu’est-ce-qu’il
se passe ? demanda Ryan tout à coup sorti de son mutisme.
Mince ! Il est pas bon c’est ça ? Interrogea-t-il très
concerné.
-« Mais
si ! C’est le meilleur cheese-cake de toute ma vie !
Meilleur que celui du Londoste ! C’est à peine croyable.
-« Ouf !
Tu m’as fait peur. En tout cas, je veux que tu saches que si ça
n’avait pas été le cas, j’aurais directement été voir le chef
pour lui dire ma façon de penser.
-« C’est
vrai ? J’ai tellement bien fait de t’épouser !
déclara-t-elle attendrie. »
Après
un bref silence, Ryan posa sa main sur la table, paume vers le ciel,
offerte. Léonor y posa la sienne et entrelaça ses doigts à ceux de
son mari.
-« Je
suis désolé, Léo. C’était vraiment idiot de dire ça, méchant
même.
-« Je
sais que c’est dur pour toi. Je ne t’en veux pas.
-« Je
te fais la promesse que je vais essayer de toute mes forces. »
Une
ombre passa alors sur son visage et Léonor pu y lire :
Mais
je ne peux rien te promettre.
C’est
réconciliés qu’ils finirent leurs achats de la journée. Léonor
regardait Ryan de loin, et le vit l’air hésitant quant au paquet à
choisir. Son attitude, ses gestes, tout indiquait qu’il avait à
présent le cœur léger. A peine eut-elle remarqué ce fait qu’une
voix l’interpella.
-« Bonjour
Madame, puis-je vous aider ? »
La jeune
femme, malgré le fait évident que c’était à elle que l’homme
s’adressait, ne pu s’empêcher de ne pas se sentir concernée.
Mais
pourquoi donc aurais-je besoin d’aide ?
Comme
lisant dans ses pensées, l’homme ajouta :
-« Pardonnez-moi,
mais comme vous sembliez perdue à l’entrée du magasin, je me suis
dit que vous aviez peut-être besoin d’un renseignement ?
Edouard Plènozas, je suis le propriétaire du centre commercial. »
Léonor
reçu comme un choc électrique.
Allons
bon, c’est pas comme ça que je voyais notre première
entrevue !
Dissimulant
son trouble du mieux qu’elle pu, elle saisit la main tendue :
-« Léonor
Angès. Je viens tout juste d’arriver, et vous avez raison, je
cherchais bien mon chemin, mentit-elle.
-« Une
nouvelle âme à Atlantys ! Quelle joie ! Je vous souhaite
la bienvenue ! Dit-il en ouvrant largement les bras pour donner
plus d’impact à son accueil.
-« Je
vous remercie. »
La jeune
femme réfléchissait à toute vitesse pendant qu’ils échangeaient
les quelques futilités inhérentes aux premiers échanges.
Comment
je vais bien pouvoir me présenter ? Ce ne serait pas très
correct de ne rien dire alors que j’ai l’intention de
l’interroger demain… Mais si je le fais, il aura le temps de se
préparer ! Quelle galère les petites villes…
Après
quelques banalités, les interrogations de Léonor n’avaient plus
lieu d’être : Edouard Plénozas se chargea de choisir pour
elle :
-« Et
donc, vous êtes venue à Atlantys pour affaire ? J’espère
que vous n’êtes pas envoyée par M.Rappat-Sité pour voir s’il
n’y a pas de la place à coté de mon centre commercial pour une de
ses chaînes ? Interrogea-t-il d’une manière faussement
décontractée. »
La
taquinerie était trop tentante, mais Léonor jugea plus prudent de
se faire bien voir.
-« Pas
exactement. J’ai été envoyée pour prêter main forte à la
police locale pour démêler une affaire. »
Edouard
Plénozas parut surpris :
-« Mais
quel genre d’affaire peut demander une telle mobilisation ?
Enfin, je veux dire, à Atlantys ? Demanda-t-il presque moqueur.
Ah ! Suis-je bête ! Vous n’avez pas le droit d’en
parler n’est-ce pas ?
-« Eh
bien M.Plénozas, vous êtes très chanceux, car j’avais
l’intention de vous demander une entrevue, à vous et votre femme,
car vous seriez en mesure de m’éclairer sur certains points. »
Le
visage de son interlocuteur s’assombrit :
-« Il
s’agit de Nyls, c’est bien ça ?
-« Oui.
Je suis consciente de la tristesse que ce drame a causé à votre
femme et à vous-même, mais je ne suis là que pour comprendre ce
qui est arrivé à son neveu. Pour cela, j’ai besoin d’en savoir
un peu plus sur lui. »
Après
un silence, il répondit :
-« Très
bien. Venez chez moi demain matin pour neuf heures. Nous serons là…
En présence de notre avocat. »
Le
sourire aux lèvres mais le regard dur, Léonor perçu sans
difficulté le message :
Tu
m’prends pour un débutant ?
Suite à
cette entrevue, ce fut la jeune femme qui garda le silence sur le
chemin du retour. Elle avait répondu succinctement aux questions de
Ryan, puis avait réfléchi toute la soirée à la stratégie à
adopter le lendemain pendant qu’elle poussait, tirait, replaçait
les meubles livrés en début de soirée. Après une bonne douche et
un baiser sur le front de Louis qui dormait déjà paisiblement,
Léonor vint s’installer à coté de son mari qui passa un bras
protecteur au-dessus de ses épaules. Son visage perdit les traits
d’anxiété qui lui barrait le visage pour s’illuminer
lorsqu’elle croisa le regard plein d’amour que lui adressait
Ryan. Elle serra alors plus fort la main du jeune homme et s’égara
dans la contemplation de leurs alliances.
Soudainement
émue, des larmes vinrent perler au coin de ses yeux. Ryan s’en
aperçu et la hissa sur ses genoux pour l’étreindre plus fort.
-« Ca
va aller, lui chuchota-t-il. Ca va aller. »
Léonor
recula légèrement, hocha la tête en quelques petits mouvements
rapides et colla son visage à celui de son compagnon en une caresse.
Cet instant était de celui qu’on ne veut interrompre pour rien au
monde, de celui qu’on veut éternel quand une petite voix nous
susurre inlassablement :
Tu sais que tu vas le perdre.
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