6.
Alors
qu'elle baillait pour la millième fois devant l'écran de
l'ordinateur, Léonor s'était décidée à regarder sa montre, qui
avait indiqué 18h50. Elle avait alors jeté un coup d’œil au
policier qui s'était installé confortablement sur le banc, à
moitié avachi, les mains croisées derrière la tête et le chapeau
baissé sur ses yeux. Gina, l'officier de police, avait déposé le
disque dur sur le coin de la table. La jeune femme s'en empara alors
et entreprit de transférer les vidéos non visionnées. Il fallut un
peu moins d'une heure pour que toutes les données soient
sauvegardées sur le périphérique. Elle s'était alors levée et
avait signifié à Germain qu'ils pouvaient partir. Le deuxième
policier étant revenu entre temps, il put ramener son supérieur ce
qui permis à Léonor de rentrer chez elle directement. Arrivée à
son domicile, elle avait de nouveau regardé l'heure et lu sur le
cadran 20h06. Parviendrait-elle un jour à rentrer avant 19h ?
En
pénétrant dans son salon, elle ne vit personne. Le silence qui y régnait la mit instantanément mal à l'aise. Elle avait l'impression que toute une partie de sa vie se déroulait sans elle, qu'elle évoluait à coté de sa famille plutôt qu'au sein de celle-ci. D'où venait ce sentiment ? Pourquoi se sentait-elle si... Etrangère ?
-«
On est dans la salle de bain! »
Pas tout à fait sortie de ses pensées, elle monta à l'étage.
Lorsqu’elle
entra dans la pièce, une vague de chaleur humide lui caressa le
visage. Ses traits se détendirent instantanément et elle prit une
petite inspiration. Ça sentait le bébé. Ryan leva la tête et lui
fit un sourire accompagné d'un clin d’œil, mais l'enfant ne
s'émut pas de son arrivée. Il était trop occupé à éclabousser
son père en tapant l'eau du plat de la main et à se contorsionner
pour éviter les chatouilles.
-« T'as
passé une bonne journée ? Demanda Ryan.
-« Assez
ennuyeuse, en fait. Et vous?
- « Eh
bien nous, on a fait des beaux dessins, qu'on a accroché au mur de
sa chambre. On a essayé de faire rentrer des ronds dans des carrés,
enfin surtout lui, puisque moi j'ai bien compris que ça ne marchait
pas... rajouta-t-il d'un air fier. Hein Loulou, un carré dans un
trou rond, ça ne rentre pas. C'est bien compris?
- « Oui.
E compi. Caé, et caé, et ond et ond. Oh! Papa! Papa! A mousse! »
Il
poussa un cri joyeux et gigota de plus belle.
Le bain
se termina ensuite rapidement et Léonor les suivit dans la cuisine.
Ryan installa Louis sur sa chaise haute, lui caressa la tête et
s'activa à la préparation de son repas. Le sentiment d'exclusion l'envahit à nouveau. Aucun des deux ne lui portait la moindre attention : l'un
affairé à faire à manger et l'autre chantant à tue-tête. Elle était donc là, les bras ballants,
ne sachant quoi faire. Son estomac lui donna alors une idée :
- « Ca
te dit des macaronis?
- « Demain
peut-être, j'ai préparé des spaghettis pour ce soir. Y'a plus qu'à
les réchauffer. »
Ses
épaules s'affaissèrent légèrement. Elle ouvrit alors le frigo et
attrapa le plat de pâtes.
- « Ah
mais on a pas de micro-onde, remarqua-t-elle.
- « C'est
pas grave, tu mets ça dans une casserole et tu couvres...
- « Oui
bah c'est bon, je sais réchauffer des pâtes... »
S'agaça-t-elle.
C'est à
ce moment là qu'elle eut l'air d'une andouille : elle ne savait pas
où étaient rangées les casseroles. Elle entreprit alors de
chercher dans les placards, sous le regard en coin de son mari, qui
ne moufta mot de peur de la froisser de nouveau. Non sans mal et
après avoir fait tomber quelques ustensiles, Léonor - les joues
rosies par la gêne - finit par mettre la main sur ce qu'elle
cherchait, à un endroit finalement stratégique : à coté de la
gazinière.
Louis étant fatigué, son repas fut rapidement expédié et Ryan entreprit d'aller le coucher. La jeune femme allait protester, mais une odeur de brûlé
vint lui chatouiller les narines et lorsqu'elle se retourna à
nouveau, les deux avaient disparus de la cuisine. Ses épaules
perdirent encore un niveau et elle se mit alors à touiller d'un air
las. Quand Ryan réapparu, elle avait dressé la table et l'attendait
sagement, les yeux dans le vague.
- « T'as
l'air crevé, remarqua-t-il.
- « Ouais...
- « Alors,
raconte. »
Elle lui
fit un rapport succin des évènements, puis conclu :
-« On
va peut-être déménager plus tôt que prévu.
-« Arrête…
Je viens tout juste de terminer la chambre !
-« Je
sais bien… Mais avant d’enquêter, on ne sait jamais si c’est du sérieux ou pas. C'est vraiment pénible !"
Les sourcils froncés, Léonor tournaient ses spaghettis autour de sa fourchette depuis le début du repas sans pour autant les porter à la bouche. Ryan tenta de dédramatiser :
-
« De toute façon on devait partir de l'autre appartement. Si
je n'étais pas venu on serait allé à l'hôtel. Et franchement
j'en ai un peu marre... De l'hôtel ! S'empressa-t-il d'ajouter.
-
« Nan mais Ryan on peut pas continuer comme ça... Je sais
qu'on en a déjà parlé mais on peut très bien garder un logement
à l'année ! Si on y est pas c'est pas grave puisque quand je suis
en déplacement, les frais sont pris en charge par l'agence.
-
« Nan mais là c'est un cas particulier. C'est la première fois qu'on doit meubler un logement de fonction...- « Même... C'est pénible... On a passé du temps et de l'énergie à le faire, tout ça pour qu'on reparte trois jours après ?
- « Léo... C'est pas grave. Et en plus, elle n'était pas pour toi cette mission à la base. Ton agence connaît notre situation, ils...
- « Qu'es-tu en train de me dire, Ryan ? Que ce n'est pas grave qu'on change de logement tous les quatre matins ? Et puis quand bien même vous me suivez en déplacement, je pense que ce n'est pas bon pour... Pour Louis. Un domicile fixe, c'est mieux pour lui. »
Ryan ne répondit pas tout de suite. Ses yeux se plissèrent légèrement lorsqu'il fixa sa femme, ce qui la fit rougir.
Qui crois-tu tromper ? C'est toi que ça met mal à l'aise... Pas Louis...
Alors qu'elle pensait qu'il alllait lui faire la remarque, c'est avec sourire amusé qu'il dit :
-
« Léo qui prend une décision pour la famille ? Voyez-vous ça
!Qui crois-tu tromper ? C'est toi que ça met mal à l'aise... Pas Louis...
Alors qu'elle pensait qu'il alllait lui faire la remarque, c'est avec sourire amusé qu'il dit :
- « Ne te moque pas ! Se lamenta-t-elle et en s'avachissant sur sa chaise.
- « D'accord, d'accord, tu as raison, répondit-il en riant. Demain je cherche un logement à l'année pour nous tous. »
Léonor poussa un petit soupir et sourit à son tour. Elle était soulagée. En effet, elle se dit qu'avec un vrai chez eux, peut-être qu'elle se sentirait moins perdue.
-
« Comme ça, reprit-elle, vous ne viendrez que si le
déplacement dépasse quinze jours, comme on l'a fait jusqu'à
maintenant, sauf qu'on ne rendra pas l'appartement lors de votre
départ. Et on reviendra tous chez nous quand j'aurai fini ma mission.
C'est pas si souvent, on peut le faire ! Termina-t-elle comme si
elle voulait se donner du courage.- « J'ai dit oui, Léo...
- « Ah oui c'est vrai, pouffa-t-elle. En tout cas, c’est mon employeur qui va être content de ne pas m’avoir payé 6 mois pour aucun résultat. 3 jours, c’est raisonnable…
-« Quand
vas-tu l’appeler ?
-« Je
ne sais pas puisque j’aimerais quand même visualiser la totalité
des vidéos, au cas où. Et puis il faut que je m’entretienne avec
Irène d’Atlantys. Même si je sais comment ça va se terminer…
-« La
bonne nouvelle, c'est qu'on aura bientôt un vrai chez nous ! Et je
pourrais enfin profiter du contenu des cartons ! »
Léonor
sourit, et pour la première fois depuis longtemps, sentit son cœur plus léger.
La jeune
femme monta ensuite prendre une douche bien chaude et tenta de faire
le vide. Mais son esprit était trop vif pour se laisser aller. Il
fallait qu’il s’active, qu’il remue ses méninges et trouve des
solutions, même quand les problèmes étaient insignifiants. Il
fallait donc qu’il comprenne pourquoi le dossier de Nyls manquait,
il fallait qu’il sache si Irène avait perdu la raison ; en gros,
il fallait qu’il détermine le fin mot de l’histoire. La jeune
femme rouvrit alors les yeux, tourna d’un coup sec les robinets et
attrapa prestement son peignoir. Car s’il y avait bien une chose
que l’esprit de Léonor ne supportait pas, c’était de perdre son
temps.
Mais
c’était sous estimer le potentiel soporifique des vidéos de
surveillance. La jeune femme tint deux heures. Puis le contact doux
et moelleux du peignoir qui la maintenait bien au chaud fit tomber
doucement ses paupières, millimètre par millimètre. Voyant flou,
elle tenta de se rapprocher de l’écran, qui se mit à l’éblouir.
Non, elle n’y arriverait pas. Baillant sans retenue, elle se décida
à éteindre l’ordinateur.
Alors
qu’elle se glissait dans le lit, le contact des draps la fit
frissonner. En soulevant les couvertures, elle sentit la vague de
chaleur que dégageait Ryan, profondément endormi. Louis avait la
même expression quelques instants plus tôt. Elle colla alors son
corps à celui de son mari, et appliqua doucement son front contre le
sien. Allaient-ils y arriver ? Parviendrait-elle à leur
apporter la stabilité dont ils avaient tous besoin ? Pour ces
questions là, son esprit ne lui soufflait pas de réponse.
Le
lendemain matin, alors que le soleil perçait timidement au travers
des stores, Léonor perçu une voix, un peu étouffée :
-« Papa !
Papa !… Paaaapaaaa ! »
Elle se
redressa d’un coup : Ryan n’était pas réveillé. Elle se
leva discrètement et prit bien soin de fermer la porte de sa chambre
en sortant. Elle courrait presque en se dirigeant vers la chambre de
Louis. Il était là, accroché aux barreaux, attendant que son père
vienne s’occuper de lui. Léonor attrapa son fils sous les
aisselles et le colla contre elle.
Eh
non. Ce matin, c’est moi la première...
Elle
desserra un peu son étreinte et regarda l’enfant : il
souriait. Aussi incroyable que cela puisse paraître, elle avait eu
peur un instant qu’il se mette à pleurer.
Louis et
sa maman allèrent ensuite dans la cuisine pour le biberon du matin.
Encore une fois, la jeune femme mit quelques minutes avant de trouver
le lait et les céréales, mais se débrouilla comme un chef pour
l’épreuve des dosages. Lorsqu’elle tendit le biberon à
l’enfant, celui-ci ne voulu pas le prendre :
-« Je
ve du iel dans le bibon.
-« Du
« iel »…
-« Non.
Du IEL.
-« Ah
du miel ? Mais on en a ?
-« Oui.
Là. »
Louis
indiqua de son petit doigt un placard. Léonor s’exécuta et tout
rentra dans l’ordre. Après avoir croqué dans une pomme, elle
attrapa son fils et ils s’installèrent tous deux devant la table
d’activité.
Entre
temps, Ryan s’était levé et avait pu apprécier « SimSport »,
son émission préférée, sans être interrompu toutes les deux
secondes par le bambin.
-« Bah
tiens, y’a Kimy Reynols comme invitée aujourd’hui. Quelle
poisse… J’aurais bien aimé la croiser…
Dit-il d’un air déçu.
-« Tu
crois franchement qu'elle se balade comme tout le monde ?
-« C’est
quelqu’un d’une extrême simplicité figure-toi. Je connais très
peu de sportifs de son niveau qui ont une telle modestie. Et puis
quelle classe, cette grâce, même à son âge… Tu sais, si…
-« …
Tu avais quelques années de plus, tu l’aurais draguée…
-« Je
lui aurais fais la cour, Madame. On ne drague pas Kimy. On la
courtise…
-« C’est
vrai qu’elle pourrait être ta grand-mère…
-« Tu
dis ça parce-que t’es jalouse. »
Léonor
n’eut pas le temps de répliquer. La sonnerie de son téléphone se
mit à retentir, ce qui la força à se lever.
« Angès.
« Léonor,
c’est Germain Vasseur. Je me suis arrangé. Damien des Plaines nous
attend pour vous montrer la copie du rapport d’autopsie.
« Tout
de suite ?
« Non
la semaine prochaine. Je me suis dit que vous aviez du temps à
perdre…
« C’est
bon, c’est bon. J’arrive. Il habite où ?
« Quand
vous arrivez sur la rive droite, vous prenez la deuxième à gauche.
C’est la seule maison sur le coté droit de la rue. Je vous attends
là-bas.
« Je
suis là dans une demi-heure. »
La jeune
femme reposa le mobile.
-« Du
nouveau ? Demanda Ryan.
-« Non.
Juste une formalité. Histoire de dire au chef que j’ai bien tout
vérifié. »
La jeune
femme s’était préparée rapidement, et avait suivi les
indications du chef de la police. Lorsqu’elle descendit de voiture,
elle ne fut pas surprise de se trouver face à une grande maison avec
une belle voiture de sport sur une des deux allées de garage. Même
si elle ne voyait pas la voiture de Germain, elle se doutait qu’il
devait être déjà à l’intérieur. La veille,
elle aurait trouvé ça suspect, mais au moment précis où elle
appuyait sur la sonnette, cela lui parut sans importance.
Ce fut
un homme d’une quarantaine d’année qui vint lui ouvrir. Les
cheveux d’un noir de jais, parfaitement peignés, une barbe bien
entretenue, une belle carrure et un regard perçant : Damien des
Plaines était un homme séduisant. A la poignée de main qu’elle
reçut, Léonor pu affirmer qu’il était conscient de sa force :
un physique engageant certes, mais également une place de choix dans
la société en tant que médecin. Ce jour là, elle avait affaire à la crème de la crème.
Le
couloir de l’entrée débouchait sur le séjour, où cohabitaient
de manière harmonieuse des objets anciens pour les uns et à la
pointe de la technologie pour les autres. A l’instar des murs de la
demeure d’Irène d’Atlantys, ceux de ce manoir étaient ornés de
portraits d’ancêtres, tous vêtus de belles robes ou de beaux
costumes. Affichée également, une plaque de mérite reconnaissant
le talent de Bénédicte des Plaines pour la musique, et sur un autre
mur, une seconde affirmant que cette même femme était l’auteur
d’un best-seller. Ainsi, elle était chez l’élite culturelle
d’Atlantys. Et puis dans son champ de vision, Germain Vasseur, qui
comme prévu l’avait devancée. Ils se saluèrent sans chaleur,
puis furent invités à s’asseoir sur le divan.
Ce fut
Damien des Plaines qui prit la parole en premier :
-« Alors
vous enquêtez sur le décès de Nyls d’Atlantys, c’est bien
cela ?
-« Oui.
J’ai été engagée par Mme d’Atlantys pour aider la police.
-« Et
qu’avez-vous découvert ?
-« Pour
l’instant, rien de probant. Bien au contraire. Il paraîtrait
qu’une forte dose de drogues ait été retrouvée dans le corps du
défunt. On s’approche plus du suicide ou d’une mort accidentelle
par overdose que du meurtre.
-« C’est
bien ce que nous nous sommes dit… J’ai été surpris au début,
mais en y réfléchissant bien, cet enfant avait une telle pression
sur les épaules… Et puis le décès de son père, le départ de sa
mère… L’imminence de sa sortie de l’université, et par
conséquent de sa prise de fonction a dû faire sauter le dernier
verrou.
-« C’est
probable. Malheureusement, je dois faire mon métier et explorer
toutes les pistes. C’est pourquoi
j’ai besoin de consulter le rapport d’autopsie. Du moins votre
copie puisque l’original a disparu.
-« Pour
être exact, c’est la copie qui a disparu. L’original est en ma
possession. Quand j’ai fini de remplir le dossier, je le scanne et
la police le stocke dans sa base de données informatiques. Je
conserve toujours les dossiers médicaux dans un endroit sûr pour le
cas où il y aurait une bévue informatique. On ne peut pas faire
confiance aux machines, ajouta-t-il en se levant. »
Une fois
qu’ils furent seuls, Germain rompit le silence :
-« Ca
va ? Vous avez réussi à dormir ? Demanda-t-il avec un
intérêt sincère.
-« Ca
va. »
Léonor
n’avait pas envie de lui parler. Le policier semblait hésiter
quant à l’attitude à adopter, mais il n’eut pas le temps d’en
dire plus : le médecin revenait avec le dossier dans la main.
La jeune
femme s’en empara et prit connaissance du contenu. Effectivement,
il n’avait rien à voir avec celui fourni par Irène. Et oui, la
cause de la mort était une overdose. Puis elle regarda les photos.
Il n’y en avait que deux où on voyait son visage. Il avait l’air
serein. Comme s’il avait attendu la mort et qu’il était mieux
dans l’autre monde. C’était peut-être vrai ; il s’était
peut-être suicidé. Puis elle remarqua quelque chose : le nom
du médecin qui avait réalisé l’autopsie n’était pas Damien
mais Romin des Plaines. Lorsque la jeune femme voulut en savoir plus,
le médecin répondit :
-« C’est
mon père. Je devais m’en occuper, mais au dernier moment, mon père
a décidé de me remplacer.
-« Savez-vous
pourquoi ?
-« Eh
bien… Vaguement… Il a dit qu’il devait se rendre à l’hôpital,
et qu’il n’avait pas de patient de toute la matinée. Comme
j’avais pas mal travaillé cette semaine-la, on s’est dit que ça
ne me ferait pas de mal de me reposer un peu. Cela change-t-il
quelque chose ? »
Léonor
ne répondit pas tout de suite. Dans l’absolu, oui. En effet, c’est
au médecin ayant réalisé l’autopsie qu’elle aurait voulu
parler. Mais en y regardant bien, elle n’avait pas de question à
lui poser. Tout était très clair dans le rapport : pas de
trace de lutte, pas de blessure, juste un cocktail explosif dans le
sang.
-« Non,
ça ira. Merci de nous avoir accordé un peu de votre temps. Nous
n’allons pas vous déranger plus longtemps. »
Elle
rendit alors le dossier, que Damien saisit pour aller le ranger. Elle
se leva à son tour, et alors qu’elle jetait un coup d’œil à la
récompense de Bénédicte des Plaines, Germain se manifesta de
nouveau.
-« Ah
Léonor, vous n’avez pas pu vous en empêcher…
-« De
quoi ?
-« De
chercher la petite bête. Mais bon, êtes vous convaincue ?
-« …
-« Mais
c’est pas possible ça ! Que voulez-vous de plus ? Que
Nyls revienne d’entre les morts et vous dise qu’il s’est
suicidé ? Quand allez vous arrêter de vous boucher les
oreilles et écouter ce qu’on vous dit?
-« C’est
bon. Vous aviez raison.
-« Ah
ah ! Qu’est-ce que j’ai gagné ? Demanda-t-il en
lâchant une de ses oreilles pour tendre la main. »
Mon
pied au derrière si tu ne me lâches pas.
Elle
n’eut pas le temps de joindre le geste à la pensée. Le médecin
faisait de nouveau son apparition et venait offrir sa main en guise d’au
revoir.
-« J’espère
avoir été utile.
-« Vous
l’avez été. Merci beaucoup.
-« Ce
fut un plaisir. Je vous souhaite un bon retour chez vous. »
Sa mâchoire se crispa à cette dernière phrase. La cause de la mort était claire. Pourquoi alors avait-elle l'impression qu'on la poussait vers la sortie avec beaucoup d'empressement ? Etait-ce vraiment pour en finir avec les délires d'une vieille femme ? Une vieille femme qui ne vivait plus que pour venger la mort de son petit fils et à qui il allait falloir expliquer que l'enquête n'avait pas de raison d'être. Léonor était définitivement de mauvaise humeur.
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