1.
La
priorité d’Angès une fois arrivée, fut d’aller avaler quelque
chose, étant à deux doigts de la crise d’hypoglycémie.
Normalement, il devait y avoir quelque chose à grignoter. C’était
un des avantages de son entreprise : les employés ne manquaient
de rien. En ouvrant le réfrigérateur, elle fut donc ravie de voir qu’il y
avait plein de petites choses à se mettre sous la dent et se jeta
sur le premier jus de fruit venu. S’installant sur une chaise, elle
prit deux secondes pour se familiariser avec son nouvel
environnement.
Pas
mal quand même…, pensa-t-elle.
En
effet, elle avait connu pire. A l’odeur qui vint à ses narines,
elle déduisit que tout était neuf : la peinture et le
mobilier. Ce dernier était moderne, ce qui n’était pas pour lui
déplaire, et il y avait de l’espace. Oui, elle se sentirait bien
ici.
Peut-être
que… Non, non, pas de plans sur la comète, se reprit-elle.
Une fois
à moitié rassasiée, elle attrapa la grosse enveloppe qui trônait
sur un bureau dans le salon, et entreprit une lecture rapide. Vers
7h15, ayant appris le principal, elle se rendit au Domaine
d’Atlantys.
Le jour
commençait à peine à se lever et elle prit le temps d’observer
le voisinage. Des lumières commençaient à s’allumer, des chiens
émettaient de timides aboiements, les oiseaux piaillaient de plus en
plus… Les habitants d’Atlantys étaient donc matinaux. Cela la
surprit quelque peu puisque c’était un dimanche. Sortant de ses
pensées, elle lança la voiture en direction du pont .
Tiens ?
Mais où il est d’ailleurs ce pont ?
Un coup
d’œil dans le rétroviseur lui donna la réponse.
Atlantys
avait beau être un des plus riches Quartier du pays, ce qu’Angès
voyait pour l’instant n’était pas très représentatif des
richesses du coin. De ce qu’elle en savait à présent, ils avaient
gardé une certaine indépendance vis à vis du gouvernement , tout
en étant impliqués dans la mécanique du pays. D’après ses
informations, elle devait trouver le domaine sur la rive droite de ce
qu’ils appelaient la « zone résidentielle » tout au
fond de la vallée. Les panneaux affichaient rive droite , ce
qui était encourageant quant à la direction qu’elle avait prise.
Ainsi, Mme d’Atlantys était la souveraine du Quartier, du moins
depuis la mort de son fils, puis de son petit-fils. Apparemment, elle
se faisait aider par un certain M. Ladopthé, dont le rôle n’était
pas clairement défini dans le dossier. La mission exacte d’Angès
était de découvrir le mobile du meurtre, et surtout, l’assassin.
La police tournaient en rond depuis 1 mois, et Mme d’Atlantys
redoutait un complot. Il fallait donc quelqu’un de neutre pour
enfin élucider ce mystère.
Angès
gara sa voiture sur l’allée du garage et ne put retenir un petit
sifflement d’admiration en sortant du véhicule :
Ah ouais quand même !
Elle
jeta un regard autour d’elle et remarqua que les maisons voisines
étaient à plusieurs centaines de mètres et qu'il n’y avait pas
de commerces : la rue ne devait pas être très passante. Elle
se retourna ensuite pour aller sonner.
La
grille s’ouvrit et une fois sur le perron, une voix lui intima
d’entrer. Angès poussa alors la lourde porte en bois et découvrit
derrière elle une femme d’un certain âge lui tournant le dos et
assise sur un banc.
-« Venez
vous asseoir, lui ordonna-t-elle. »
Après
avoir refermé derrière elle, Angès s’exécuta.
Une fois
installée, elle nota la moue surprise de son interlocutrice qui
avait ouvert la bouche très certainement pour parler mais qui
n’avait pas émis de son.
-« Mais
qui êtes-vous ? Finit-elle par articuler. »
Allons
bon, me voilà tombée sur une sénile…
-« Léonor
Angès, Madame. Je suis votre rendez-vous de 7h30.
-« Ah…
Léo pour Léonor alors… Mais vous êtes une femme !
-« Cela
pose-t-il un problème ?
-« Mais
c’est évident ! Ce que je demande là est un travail
d’homme !
-« Retrouver
l’assassin de votre fils ? Sachez que c’est mon métier,
Madame, et que j’ai de meilleurs résultats que mes collègues
masculins…
-« Pour
retrouver la poêle perdue sans doute ! Coupa la vieille femme.
Mais pour faire face à un grand costaud, qu’allez vous faire avec
vos petits doigts tout maigres ?
-« Je
comprends votre scepticisme, mentit-elle, mais je peux vous assurer
que mon employeur prend très à cœur votre requête et qu’il me
fait entièrement confiance pour répondre à vos attentes,
finit-elle en toute honnêteté.
- « Oh
ne me racontez pas de salades, ce n'était pas vous qui deviez venir
en premier lieu ! »
Irène
d’Atlantys poussa un soupir puis enchaîna :
-« Bon,
de toute façon, je suis coincée avec vous on dirait…
-« Rassurez-vous
madame, il n'y a pas de second choix chez nous. Et si vous me disiez
exactement ce qu’il s’est passé ? »
De
mauvaise grâce, la vieille femme commença son récit :
-« Alors…
C’était le 20 octobre. J’ai été réveillée par un bruit. Sur
le moment, je ne savais ni d’où il provenait, ni par quoi il avait
été causé .
-« Il
était qu’elle heure ?
-« Je
me souviens avoir regardé le réveil. Il était 6h15, à peine
passées.
-« Le
bruit était-il fort, ou au contraire très faible ?
-« Assez
fort… Ce qui m’a intrigué d’ailleurs. Je me souviens avoir
pensé que ce voleur avait quelques progrès à faire.
-« Qu’avez-vous
fait ? »
-« Je me suis levée, ai allumé la lumière du couloir, mais… Ce que vous devez savoir, c’est que c’est une vieille maison, et que tout n’est pas très logique. Pour allumer la grande pièce, celle-ci même, il faut la traverser jusqu’à l’entrée. Ce que je fais sans problème d’ordinaire. Mais cette nuit là, il y avait quelqu’un dans la maison, et j’ai hésité un peu. J’ai cherché à m’habituer à l’obscurité, chose qui m’était difficile puisque j’avais été éblouie par la lumière du couloir. J’ai crié quelque « y’a quelqu’un ? », mais personne n’a répondu. Et puis… Et puis c’est là que je l’ai vu… »
Irène d'Atlantys renifla légèrement, serrant ses mains l’une contre l’autre pour les empêcher de trembler .
-« Excusez-moi… Perdre un enfant vous savez, c’est déjà très dur… Mais son petit fils par dessus le marché… Enfin… j’ai fini par le voir… Bon sang ! Si j’avais été plus rapide ! »
-« Il
était là, étendu de tout son long… Quand je me suis penchée sur
lui, j’ai senti, même si c’était très léger, qu’il
respirait encore. J’ai crié son nom, je lui ai parlé, je l’ai
secoué ! Mais rien n’y faisait ! »
-« Je
me suis jetée sur le téléphone pour appeler les secours, et en
leur parlant je me suis rendue compte que l’agresseur était
peut-être encore là ! Alors je parlais doucement, bien que
maintenant je pense que si le meurtrier en avait eu après moi il se
serait occupé de mon cas pendant que j’étais en train de hurler
le prénom de mon petit-fils ! Et ces empotés ne comprenaient rien à
ce que je disais ! Là encore on a perdu du temps… »
-« Ils
ont quand même fini par arriver, tout en finesse dans leurs gros
godillots et avec leur sirène hurlante… Si j’avais voulu faire
fuir quelqu’un, je ne m’y serais pas prise autrement tiens…
-« Vers
qu’elle heure ?
-« 6h45
à peu près. L’ambulance est arrivée en même temps. Mais le
temps… Mais le temps qu’elle arrive à l'hôpital, Nyls était
mort ! »
Elle
avait prononcé ces derniers mots avec toute la détresse qu’elle
ressentait, puis avait plongé son visage dans ses mains.
Léonor
attendit calmement la suite du récit.
-« J’ai
tout raconté à l’officier de police, puis à Germain Vasseur.
C’est le chef de la police.
-« Vous
n’avez pas de système d’alarme ?
-« Bien
sûr que si ! Allons savoir pourquoi il ne s’est pas
déclenché ! Mais très honnêtement, j’ai ma petite idée
aujourd‘hui. »
-« Je
pense que c’est une sorte de complot.
-« Expliquez-moi.
-« Eh
bien ce n’est pas très compliqué ! S’exclama la vieille
femme mécontente. Vous avez remarqué où vous êtes ? Dans la
famille la plus riche d’Atlantys, et qui plus est celle qui
gouverne le Quartier. Il ne faut pas sortir de La Tour pour penser à
un changement de main du pouvoir ! Je parierais en premier sur
cet opportuniste de Ladopthé.
-« En
premier ?
-« Mais
dites donc ! Si c’était si simple, vous croyez que j’aurais
besoin des services d’une entreprise de la capitale ? »
Sur ces
mots, elle alla d’un pas décidé vers une bibliothèque et y
plongea sa main. Léonor se leva et voulu observer la pièce, mais
elle n’en eu pas le temps.
-« Voilà
la liste de tous les suspects et leurs adresses. En sortant d’ici,
rendez-vous chez les Vasseur pour vous présenter et leur signifier
que vous avez les pleins pouvoirs sur toute l’affaire, et pour
qu’ils veillent à ce que rien ne vienne perturber votre enquête.
Surtout les personnes soit disant au-dessous de tout soupçon. Ne
faites confiance à personne, suis-je bien claire ?
-« Absolument,
Madame. »
A peine
eut-elle le papier entre les mains que son hôte lui pria
expressément de partir :
-« Allez-vous
en maintenant. Je suis fatiguée. Tout ça m’épuise, vous savez,
mais il est hors de question de laisser les choses au hasard. C’est
pourquoi j’attends de vous la plus grande minutie et ne vous impose
pas de délai. Malgré tout, qu’on en finisse… »
La
vieille femme laissa légèrement tomber les épaules et tourna le
dos à Léonor sans même la saluer.
En
sortant du domaine, Léonor jeta un coup d’œil à la liste. 3 Noms
y figuraient :
-Ladopthé
-Plénozas
-Atlantys.
Suite à
ses trois noms, des petits tirets faisaient suite, sûrement dans le
cas où Irène d’Atlantys avait eu d’autres idées. Le 3ème
nom la surpris. Atlantys ? Voulait-elle dire Atlantys toute
entière ? Léonor glissa alors le papier dans une de ses poches
et avança d’un pas assuré vers sa voiture.
Tremblez,
malfrats et voyous, Léonor Angès est sur vos traces ,
pensa-t-elle un sourire au coin des lèvres.
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