2.20 Exécution

 





Des sons inhabituels titillent l'oreille de Lin, bien qu'encore profondément endormie. Des claquements résonnent, certains pétaradants, et puis oui... ce sont bien des cris qu'elle perçoit, mais si loin que tout ça lui semble appartenir à une autre réalité. Néanmoins, l'angoisse est bien là et la tire peu à peu du sommeil.



- " Levez-vous ! On doit partir !"

L'agent Bellone n'a pas besoin d'aller jusqu'au lit ; Lin, maintenant totalement affolée par le contraste entre ses perceptions lointaines et le claquement brutal de la porte contre la console à sa droite, a bondit hors des couvertures. Le garde du corps fait instantanément demi tour et ouvre le placard pour elle en ordonnant : 


- " Enfilez votre attirail en quatrième vitesse et on dégage."


L'agent Bellone file sur la terrasse tandis que Lin s'exécute. Elle attrape un sac dans lequel avaient été rangé des vêtements de secours ainsi qu'un gilet par balle dernière génération. Elle enfile ensuite les tennis qu'elle a choisies car en plus d'être tout terrain, elles n'ont pas besoin d'être lassées. Bellone, qui a l'air satisfaite de sa rapidité, repasse devant elle et lui ouvre la voie.


Elle quittent la pièce au pas de course, le regard de Lin accrochant une des pierres précieuses que son amie Coumba lui avait offerte avant sa dernière mission sur Sixam. Sa poitrine se serre encore un peu plus sous le coup de l'émotion qui lui fait réaliser qu'elle ne la verrait peut-être plus jamais.
Les deux femmes dévalent les escaliers mais leur course est stoppée brutalement par Bellone qui pile et s'exclame : 

- " Putain c'est trop tard !"

Elle fait volte-face et elles se rentrent dedans, Lin n'ayant pas les reflexes du soldat. Bellone la contourne et lui tire le bras en hurlant : 

- " PAR LÀ !"

Lin suit aveuglément, complètement désorientée par la panique. Elle perd quelques secondes en voulant aller chercher son père, mais la pièce vide lui rappelle qu'il est parti voir sa femme pour San Myshuno la veille. Bellone, s'apercevant qu'elle n'est plus suivie, lui hurle dessus des escaliers qui mènent au dernier étage pour qu'elle se dépêche .


Lin ne la rejoint pas assez vite si bien que le garde du corps s'impatiente et lui répète de hâter le pas. Mais Lin, déjà, est à bout de souffle. Non pas que le gravissement des escaliers ait dépassé ses capacités, mais le stress intense qu'elle ressent lui coupe la respiration et les jambes. Néanmoins, un coup de jus la secoue au son des balles qui sifflent derrière elle et font éclater le mur sur sa droite.


Des exclamations contrariées lui parviennent sans pour autant qu'elle ne les déchiffre. Heureusement, Bellone est là et traduit, après lui avoir rappelé l'endroit où elle était sensée se mettre à l'abri : 


- " Ok mademoiselle Muto. Visiblement ils vous veulent vivante. Je ne sais pas combien de temps je vais tenir, mais après il faudra continuer de jouer la montre. Faites tout ce que vous pouvez pour les retarder. Parlez-leur, tapez des pieds, faites la morte, j'm'en fous. Mais il faut les retarder au maximum pour que les renforts aient le temps d'arriver. C'est compris ?"


Lin, recroquevillée dans un coin, hoche rapidement la tête, inconsciente du fait que Bellone ne la voit pas. 

- " Lin, vous m'entendez ?! Vous n'êtes pas touchée j'espère ?"

La jeune femme oscille la tête négativement. Ce n'est qu'après une invective du garde du corps qu'elle arrive à articuler : 

- " Non. Je... je vais bien."

À peine a-t-elle terminé sa phrase qu'une nouvelle salve percute les murs et l'air.



Puis tout à coup, le silence. Quelque chose tombe sur le sol, un cliquetis raisonne, suite auquel la voix de Bellone retentit : 

- " PUTAIN MERDE !"

Un bruit métallique dévale les escaliers et Bellone hurle de nouveau : 

- " OUVREZ LES FENÊTRES ! LE PLUS POSSIBLE !"

Immédiatement après, deux objets atterrissent successivement sur le parquet et Lin aperçoit alors une épaisse fumée blanche envahir la pièce. Bellone se rappelle à elle en toussant à en cracher ses poumons, si bien qu'elle se souvient ce qu'elle doit faire. Elle se lève, mais des coups de feu la font s'accroupir sous le sentiment d'épouvante qui la saisit. Des pas lourds gravissent précipitamment les escaliers, accompagnés de tirs. Elle entend Bellone suffoquer juste derrière les bibliothèques, puis pousser un râle rauque certainement après s'être pris un coup. Le garde du corps crache, halète, tandis que le bois craque sous le poids de l'assaillant que Lin se représente comme une bête monstrueuse. Un objet métallique glisse sur le sol, un cliquetis résonne, d'autres pas se font entendre, des fenêtres sont ouvertes.

- " Elle est là."

Lin se risque à ouvrir les yeux et tombe sur une femme cagoulée qui la tient en joue. On n'entend plus que le claquement de ses dents. 


Puis l'air se déchire.


Le monstre tourne sur lui-même et fait crisser les lattes jusqu'à elle.


Il s'adresse à ses hommes mais elle ne comprend toujours pas ce qu'il dit. Tous ses sens sont paralysés et ses muscles tétanisés en une vaine posture défensive.
Elle referme instinctivement les yeux tandis qu'il se rapproche d'elle, terrifiant avec son visage invisible derrière la visière fumée de son masque à gaz, craignant son contact. Mais rien ne se passe.


À une distance respectable, elle l'entend dire : 

- " Voilà comment ça va se passer. Soit vous me faites chier et je vous frappe jusqu'à perte de connaissance... soit vous me suivez tranquillement et tout se passera bien pour vous. Alors ?"

Tremblante comme une feuille, Lin ne trouve pas la force de répondre, ce qui agace son agresseur qui l'attrape sans ménagement par un bras en disant : 

- " J'ai pas le temps pour ces conneries."

Elle se fait ensuite violemment pousser vers l'avant et tombe dans les bras de la femme qui la surveillait quelques instants plus tôt. L'homme passe devant elles en émettant un sifflement puissant qui met ses troupes en mouvement ; mouvement dans lequel Lin se fait aspirer sans la moindre résistance de sa part.






***

























"Bellone est tombée."




"C'est la dernière fois que tu ne réponds pas au téléphone espèce de petit merdeux. Tu vas arrêter de faire ta diva et ramener ton cul illico-presto."  





***







L'odeur de moisi et le manque d'air commencent à lui donner la nausée. Alors qu'il avait retrouvé un rythme à peu près normal, son souffle s'accélère à nouveau alors qu'elle se met à hypersaliver. Un haut-le-coeur spasme son œsophage et son estomac - heureusement vide, ce qui la motive à retrouver son calme au plus vite si elle ne veut pas retrouver de la bile sur sa cagoule.
Sur sa chaise en fer, elle souffre du bassin et des lombaires, et ses épaules arquées vers l'arrière à cause de ses menottes l'obligent à se tortiller souvent sur son siège pour soulager ses douleurs.

- " Le temps est votre ennemi, Docteur Muto."


La voix grave de la femme qui l'interroge la fait sursauter. Lin a perdu la notion du temps si bien qu'elle ne sait pas depuis combien de temps dure l'interrogatoire. Le malaise, l'incompréhension et la peur qu'elle ressent lui vrillent la gorge, l'empêchant de répondre. "L'Épidémie du Berceau" ? Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Cela n'a aucun sens.

- " Tout le monde n'aura pas ma patience, je vous le garantis. Je suis ce qui se rapproche le plus du bon flic à des kilomètres à la ronde. Je suis votre seul rempart contre une haine qui bout depuis 25 ans et vous êtes de loin l'élément le plus estimable qui soit tombé entre nos mains. Votre seule issue, c'est de coopérer."

Lin se met à trembler de tout son corps si bien qu'elle ne peut que geindre : 

- " Je... Je n'ai rien à vous apprendre... Je... Je suis persuadée que vous en savez plus que moi..."

Elle est désespérée : ils agissent à l'aveuglette. Ils ont prouvé, en attaquant Oaz'Pharma et en l'enlevant - elle - qu'ils sont à des années lumières de percer le secret de cette terrible épidémie, tout en confirmant qu'ils sont un danger à mettre hors d'état de nuire. Quand les premières questions ont fusé, elle a pensé à Daniel. Est-il derrière son rapt ? Représente-t-elle, finalement, la mission du désespoir ? Est-il à ce point acculé qu'il n'ait plus eu d'autre option que de s'en prendre à elle ? Va-t-il se présenter ? Ou va-t-il la fuir et laisser ses brutes faire le sale boulot ? 

- " Commençons donc par ce que vous savez. Si c'est aussi insignifiant que vous le prétendez, cela aura au moins l'avantage de limiter votre calvaire.
- " Je... Je n'ai jamais été incluse dans cette affaire. C'est un niveau d'accréditation auquel je n'ai pas accès. Je suis responsable des départements pharmaceutique et recherche en exobiologie, je n'ai absolument aucun lien avec cet évènement.
- " Nous savons pertinemment toutes les deux que c'est faux."


L'assurance dans la voix de la femme lui coupe la chique, et ce mensonge proféré la met en colère : 

- " Eh bien vous avez été mal renseignée ! Je n'ai absolument aucun rapport avec ce drame !"

Lin ne reçoit de la pénombre qu'un soupir las en guise de réponse. Elle n'est pas crue. Cela n'est pas tellement étonnant, après tout, mais cela l'agace profondément en plus de la rappeler à sa détresse : quoiqu'elle dise, se sera mis en doute et elle sera livrée aux éléments violents du groupe. Elle se met alors à pleurer en disant : 

- " Vous me dites que je peux m'en sortir mais c'est un jeu de dupes. Je n'ai pas les réponses que vous recherchez mais vous persisterez à ne pas me croire. Je... Je... Qu'est-ce-que je suis sensée faire ?!
- " Être honnête. Nous sommes une armée de victimes prête à tout pour faire éclater la vérité et obtenir vengeance contre ceux qui nous ont tout pris. Un peu de décence n'est pas trop demander, il me semble, en contrepartie de tout ce que nous avons subi.
- " Mais je suis honnête ! Je ne sais absolument rien ! 
- " Je ne vous crois pas.
- " Mais je vois bien ! Et on tourne en rond ! Je... Je...
- " Votre histoire personnelle parle contre vous."

Lin recule la nuque sous la surprise : 

- " Mais enfin de quoi parlez-vous ?
- " De votre lien avec Lazlo Lalouche."

 L'absurdité de la situation la fait s'exclamer : 

- " Vous vous mettez le doigt dans l'œil jusqu'au coude. Il n'a jamais rien voulu me dire.
- " Donc vous avez demandé ?"

Le cœur de la prisonnière manque un battement. Vient-elle de se tirer une balle dans le pied ?

- " Si vous êtes totalement étrangère à "l'Épidémie du Berceau", qu'est-ce-qui a bien pu vous motiver à poser des questions ?"

La perspicacité de la remarque ne lui échappe pas et la souffle, tout en la renvoyant immédiatement à Daniel. C'est pour lui et pour Silvia qu'elle avait voulu savoir. Sans eux, elle n'aurait peut-être jamais pris conscience de l'ampleur du drame, étant donné le fait qu'il était survenu pendant son enfance. Son rythme cardiaque s'affole. Comment va-t-elle se sortir de cette situation ? Le silence qui s'installe accroit le malaise instauré par la pénombre. À nouveau, sa respiration s'accélère et très vite elle a l'impression de manquer d'air. Pour autant, la femme n'esquisse aucun geste - si elle en croit ses oreilles bourdonnantes - ni ne prononce mot. Lin se sent acculée par un prédateur qu'elle ne peut que deviner mais dont la présence est prégnante à l'étouffer. Elle a l'intime conviction d'être perdue et c'est de désespoir qu'elle demande, d'une voix faible, chevrotante, vaincue et implorante : 

- " Est-ce-qu'il est là ?"

La pause dans l'échange est rudement interrompue par le timbre sombre et menaçant de la ravisseuse : 

- " Si vous ne voulez pas précipiter votre descente aux enfers, ne le mentionnez plus jamais."

Ses pleurs s'interrompent sous la surprise avant de reprendre de plus belle : elle a maintenant la confirmation que Daniel est lié à tout cela, la femme ayant compris instantanément à qui elle faisait référence. Il sait qu'elle est là et il la laisse aux mains de ces assassins. Ses assassins ? Ou n'est-il qu'une pièce insignifiante dans la hiérarchie qui le rend impuissant face à son sort ? Quelques minutes plus tôt, elle espérait encore qu'il soit suffisamment bien placé pour interférer en sa faveur. Dans son esprit pétrifié par la peur, elle s'était raccrochée à des relents romantiques extirpés de sa mémoire et avait fantasmé des retrouvailles providentielles. 
Quelle gourde. Dans quel monde vit-elle ? Le statut privilégié de sa vie lui revient en pleine face et se mélange à la poisse de sa sueur. Elle se sent honteuse, tout à coup, à plusieurs niveaux : d'être cette écervelée piteusement sentimentale, d'être cette incapable qui ne peut aider personne et qui appartient au mauvais camp. On aura beau trouver toutes les excuses du monde et croire en la bonne foi de Lazlo, la légitimité du mal irréversible occasionné ne pourra jamais trouvé grâce aux yeux de ceux qui ont tout perdu. Et elle ne peut rien y faire. Elle lâche alors un minable : 

- " Je suis désolée...
- " Si vous l'étiez sincèrement vous lâcheriez tout ce que vous savez. Mais vous persistez à privilégier les intérêts d'Oaz'Corp, ou de ceux à qui vous rattachez votre fidélité - ce qui vous donne bonne conscience. Vous êtes victime d'une dissonance cognitive : vous savez que ce qu'il s'est passé est intolérable, mais l'affection que vous avez développée pour vos compagnons vous empêche de les condamner et donc d'agir."


La sagacité de la femme qui lui fait face la trouble à nouveau. Elle semble si bien la comprendre... et la juger.
Elle renifle et hausse les épaules avant de répondre, résignée : 

- " Si vous en savez tant sur moi, vous savez certainement aussi que je suis inutile. Et vous savez manifestement ce qui a motivé mes questions.
- " Je crois surtout que vous n'avez aucune idée de la portée de votre savoir, aussi limité soit-il dans ce cas-là."

Lin se considère comme un des cerveaux les plus efficaces de sa génération. Pourtant, elle se sent dominée comme jamais. C'est la première fois de sa vie qu'elle se sent inférieure de la sorte, et elle n'aime pas du tout cela.

- " Eh bien soyez plus précise dans vos questions parce-que là, je ne sais pas quoi vous dire. Vous vous raccrochez à Lazlo et à ce que j'aurais pu obtenir de lui mais la vérité c'est que je me suis heurtée à un mur.
- " Un seul "non" aurait-t-il suffit à vous faire abandonner ?"

Lin ouvre la bouche pour répliquer mais s'abstient de répondre. De manière assez paradoxale, elle craint d'avouer qu'elle a passé toutes ces années à chercher un levier, à regarder le reflet de Daniel dans le rétroviseur ; leur faire croire qu'elle est dans leur camp serait trop risqué dans la mesure où elle n'arrive pas à évaluer l'usage qu'ils pourraient avoir de cette information. Elle a peur de ce qu'ils pourraient lui demander d'accomplir, du chantage qu'ils pourraient lui imposer. Sa ravisseuse poursuit : 

- " Personne n'arrive à votre place en acceptant un "non" pour réponse. Vous avez forcément gratté. Et je veux savoir ce que vous avez déterré, même si cela vous paraît peu pertinent."

Lin se remémore alors son dernier voyage sur Sixam et prend pour la première fois conscience qu'elle en sait bien plus qu'elle ne veut le reconnaître. Mais son savoir est tellement décousu que le transmettre aux mauvaises personnes ne pourra que conduire à la catastrophe. Les pièces manquantes ne feront que enflammer les théories complotistes ou autres fantasmes qui animent la colère des victimes. Sa responsabilité est énorme à cet instant et tout ce qu'elle dira à partir de maintenant devra être aussi pondéré que possible. Son sort lui apparait comme peu important désormais, l'essentiel étant que ses paroles ne déclenchent pas une autre tuerie. 

- " Que pouvez-vous me dire sur ce qui est arrivé aux enfants ?" Reprend son interlocutrice.
- " Pas grand chose... Je sais qu'ils ont été empoisonnés suite à une de vos interventions et que le produit étant sous le label "Secret Défense" les données ont été réservées à un groupe très restreint. Dont je ne fais pas partie, pour rappel.
- " Et Lazlo Lalouche ?
- " Rien n'est moins sûr. Il m'a avoué être la cinquième roue du carrosse donc je ne connais pas son niveau d'implication.
- " Que sont devenus ceux qui ont survécu ?
- " ... Je n'en ai aucune idée, je ne sais même pas s'il y a des survivants aujourd'hui. 
- " Que savez-vous des pots-de-vin qui ont été versés ?
- " Ce que j'ai lu dans les journaux de l'époque puis ce qui a été débunké. 
- " Vous pensez réellement que ceux qui sont revenus sur leurs témoignages n'ont pas été encouragés à le faire ?
- " À l'époque, oui, je le croyais. 
- " C'était plus confortable ?
- " On parle d'évènements qui s'étaient produits pendant mon enfance et qui avaient été traités par des journalistes professionnels. Je n'avais absolument pas les compétences pour infirmer quoique ce soit.
- " Reprenons depuis le début..." Reprend-elle tandis que Lin ne peut réprimer un soupir. "Vous m'avez affirmé ne rien savoir sur l'évènement mais il se trouve que vous avez tout de même posé des questions. Si vous avez cru la version officielle les yeux fermés, qu'est-ce-qui vous a poussé, finalement, à interroger Lazlo Lalouche ? Il me semble qu'il y a une autre raison que celle que vous avez insinuée..."

Lin est tout à coup reconnaissante d'avoir la tête voilée.

- " ... Nous avons eu des hauts, avec Lazlo, mais surtout des bas. Nous nous sommes disputés violemment, un jour, et il se trouve que c'est tombé à la suite d'un des attentats que vous aviez revendiqué. Je ne sais pas comment ça a dérivé mais on s'est disputé aussi à ce sujet, et quelque chose dans ce qu'il a dit m'a fait penser à l' " Épidémie du Berceau". À force de le presser de questions, il m'a dit que les deux évènements étaient liés, que ça partait de l'incident avec le conteneur et que tout ce que je devais savoir, c'était qu'il avait fait son maximum pour sauver les enfants. J'ai donc eu deux fois plus de questions, mais il m'a opposé une fin de non recevoir : il en avait déjà trop dit. Je ne lui ai pas pardonné son silence.
- " Ce n'est pas ce qu'il se dit... Vous semblez plus proches que jamais...
- " Cet incident date d'il y a une dizaine d'années, nous travaillons ensemble... le temps a fait son œuvre, j'imagine...
- " Et donc vous apprenez l'implication de votre labo dans l' "Épidémie du Berceau" et vous restez...
- " J'ai appris que l'empoisonnement était de votre fait et qu'ils ont tout fait pour rattraper les dégâts. Le reste est sous le sceau du "Secret Défense", je n'avais pas assez d'éléments pour prendre un parti plus que l'autre. De ce que j'en savais, et ce qui n'a pas changé, c'est que c'est vous qui avez tout déclenché.
- " Et pourtant vous persistez, à l'époque, à rester fâchée avec votre ami. Pourquoi cette différence de traitement ? En quoi ce qu'avait fait Lazlo Lalouche était pire que ce qu'avait commis votre entreprise ? On ne mort pas la main qui nous nourrit, peut-être ?
- " ... J'étais vexée. Tout simplement. Je voulais tout savoir et je n'ai pas supporté qu'il me dise non... 
- " Tiens donc... Alors c'était quoi ? Du chantage affectif ?
- " ... Peut-être. Sans succès.
- " Et puis finalement vous vous retrouvez de nouveau bras dessus-bras dessous... en faisant comme si rien ne s'était passé ?
- " ... J'ai commencé à me dire que ça n'avait pas tellement de sens, en effet. Pas plus que de chercher à vous venger d'Oaz'Corp pour un acte dont vous êtes responsables en vous en prenant à moi de surcroît."

Le silence qui suit lui fait regretter son audace, surtout lorsque le sol se met à vibrer de plus en plus fort sous ses pieds, lui rappelant l'homme monstrueux de la matinée. La démarche déterminée s'arrête finalement à une distance rassurante, et deux puissants coups retentissent contre une vitre et la font sursauter.

- " Pas un mot." Ordonne son interrogatrice.

Elle entend une porte s'ouvrir et se fermer. 


Deux voix échangent sans qu'elle ne distingue la nature des propos. 
Quand la femme pénètre à nouveau dans la pièce, elle reprend comme si de rien n'était : 

- " Pour votre gouverne, Oaz'Corp n'a pas seulement cherché à "rattraper les dégâts", ils ont aussi effectué des expériences sur les enfants. La nuance est peut-être minime à vos yeux de laborantine, mais légalement elle est de taille. Quand certaines personnes ont tenté de tirer la sonnette d'alarme, une part d'entre elles s'est enrichie, l'autre a été assassinée. Si La CLOES a été amenée à se saisir du conteneur, c'était en raison de la pollution créée par Oaz'Corp. Ce n'est pas l'épisode le plus glorieux de notre histoire, c'est évident, et Oaz'Corp n'est peut-être pas la seule entité à blâmer... ceci étant dit, elle reste le bras armé d'une violence institutionnelle qui a permis la mise en danger de la population des Terriers qui s'est défendue avec les moyens à sa disposition. Le drame qui a suivi a vu votre labo s'enfoncer encore davantage dans l'exploitation de la misère en achetant le silence de ceux qui n'avaient rien. Malheureusement pour lui, l'épidémie n'a pas touché que des pauvres ou des personnes sans ressources. Oui, nous avons fait du bruit. Et oui, nous en ferons jusqu'à ce que quelqu'un daigne rendre justice. Est-ce-que cela a davantage de sens, Princesse Lin, du haut de votre château de sable ?"


Lin ne répond pas. Si la vision d'ensemble est intéressante, elle ne suffit pas à la convaincre à partir du moment où il n'y a pas de contradicteur. La légitimité de leur colère ne rend pas leurs actes légitimes pour autant ni ne leur fait détenir l'apanage de la vérité. Elle se contente de déclarer : 

- " Je ne suis personne, dans cette histoire. J'aurais aimé pouvoir faire quelque chose. Mais là-haut, je n'ai pas plus les mains libres qu'ici-bas. Je comprends que vous ayez pu penser le contraire, mais il n'en est rien. 
- " "Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir." Vous avez choisi votre camp il y a bien longtemps. Qu'on vous ait lavé le cerveau ou que vous soyez partie prenante de tout ce bordel ne fait aujourd'hui plus aucune différence. Vous aviez tout le temps d'intervenir. Maintenant c'est trop tard, à fortiori quand vous me prenez pour une conne en pensant que je n'allais pas remarquer le changement de ton au moment où vous avez brodé votre histoire. Vous aviez une chance de me dire tout ce que vous savez mais vous avez préféré jouer à la plus maline. Devinez quoi ? Vous avez perdu et le temps est écoulé."
- " Qu'est... Qu'est-ce-que ça veut dire ?"

Un claquement de porte lui répond.



- " Tu commences à me faire chier avec tes caprices de starlette..."


- " ... Tout ce que tu as besoin de savoir, c'est que je laisse vos gars se défouler par respect pour Jane et son combat, et qu'après on attaque la phase 2... Non, elle n'a rien dit d'intéressant. Mais après deux-trois allers-retours dans la cuvette des chiottes ça devrait changer."












Précédent       Suivant (Suite et fin de la saison 2 le 8/12/22)







Commentaires

Agathe La Petite a dit…
Eh bien... On se doutait bien que finalement, on allait y arriver, même si c'est vraiment casse-gueule et suicidaire pour la CLOES, mais voilà, ils ont Lin. J'ai bien peur que tout cela finisse dans un bain de sang. Bon, pour Max et Julie, on a bien compris que c'est plus ou moins une mission-suicide et c'est eux les plus dangereux finalement car ils iront jusqu'au bout (et n'oublions pas Sharon non plus... ).

Je suis toujours à me demander ce que Lin sait vraiment dans cette histoire, ce qu'elle a sciemment occulté, étant trop dérangeant pour sa propre conscience et pour son travail à Oaz'Corp et les informations qu'elle a arrangé à sa sauce. Oui, elle a posé des questions mais finalement cela ne l'a pas dérangé de continuer à travailler pour eux.

Reste à savoir si l'échange pourra vraiment avoir lieu entre Lin et Dan et s'il réussit ce que cela va avoir comme répercussion sur les différents personnages.
Mais cela ne sera certainement pas aussi facile que ça.
Et puis Sen qui va arriver comme un cheveux sur la soupe. Ouh le beau bordel !
Donc la semaine prochaine c'est le dernier épisode de la saison c'est ça ? M'est avis que je ne vais pas apprécier la fin *smiley qui grimace*

Mais, pffiou ! que d'émotions encore dans ce chapitre. Je le redis encore une fois mais tu as vraiment aucune concession pour tes personnages et tu vas jusqu'au bout de leur destin. C'est fort ♥♥♥
Eulaline a dit…
Quelle mise en scène! Je suis bluffée, j'avais l'impression de suivre une série Netflix. Waouh!
J'ai couru avec Lin, dis donc, je me suis retrouvée tout à fait essoufflée, monter descendre les escaliers, tout ça. Quand j'ai vu la safe room, je me suis dit "mazette, on n'est pas sorti d'affaire ici :/ Cela va être compliqué de patienter jusqu'à l'arrivée des renforts..." Et effectivement Bellone ne peut garder la place très longtemps (rooh l'image de l'exécution de Bellone me donne des frissons) et pauvre Lin, tétanisée, ne parvient pas à suivre les instructions de Bellone :/ C'était prévisible :/ Combien de fois ai-je conseillé à Lin de ne pas accepter ce boulot, de se désengager...? Et bien voilà, bravo, à ne pas écouter Tata Eul' voilà ce qui arrive. Un sac sur la tête entourée de psychopathes. Pffiou... que c'est rude de la voir maltraitée de la sorte, empêtrée dans des questions si peu précises qu'il est compliqué de donner une réponse ciblée. Pauvre Lin... :/ Personne n'est prêt et personne ne mérite de subir un tel sort, quelle qu'en soit la cause à défendre.

J'ai adoré - aussi :) - le passage muet (non, pas seulement Sen qui se brosse les dents dans le plus simple appareil :D Merci quand même, sache que j'apprécie le cadeau de bon matin :D ) et le regard de Lazlo, prêt à tout soudain, je le pense, c'est mon impression, pour "récupérer" Lin. J'en ai eu des frissons.

J'ai hâte de découvrir ce que tu nous prépares pour cette fin de saison, haletante de bout en bout. Waouw! Incroyable le bonheur de te lire, Ggo. A la semaine prochaine :D ♥♥♥



Ryu7072 a dit…
Comme toujours bluffée par la mise en scène et cie😍
Ralala ça ne me dit rien qui vaille quant à l'avenir de Lin 😬 quand on voit qui il y a en face d'elle. Pour eux c'est la mission dernière chance, ils n'ont plus rien à perdre...
Hâte de lire la suite même si c'est la fin de saison je sens que ça va être explosif 🔥
GGO a dit…
Mumu

Pour ce que sait Lin, c'est tout ce à quoi on a assisté de ses échanges avec Lazlo. Elle ne sait rien de plus. Et elle n'a pas réussi à prendre réellement parti, comme Coumba, Eric et Philippe. C'était en effet plus confortable de jouer sur le flou de la situation. 😐

Ah bah Lin elle s'est sentie poussé des ailes avec son égo, là, elle aurait mieux fait de rester la petite vierge effarouchée ça aurait mieux valu. Donc là, la pauvre, elle va passer un sale quart d'heure.
L'échange aura bien lieu, mais vous verrez que Max c'est un coquin (et c'est pas une bonne nouvelle). Enfin vous verrez une partie, l'autre ce sera pour la saison 3.

Un grand merci pour ton message ❤



Eul

Arf, ça m'a couté de me séparer de Bellone. Mais si Max peut sucrer un soldat à l'ennemi il va le faire...

Bah oui, Tata Eul elle a bien raison. Mais c'est pas facile avec le cucul entre deux chaises :D Cela aurait été plus facile si la plante Sixamienne lui avait été utile. Mais comme c'était un écran de fumée... Et puis les scientifiques ils ont un peu tendance à se mettre l'éthique sous le bras. Si y'a personne pour veiller au grain, ça part vite en cacahuètes. Et même sans partir dans des extrêmes, globalement la recherche scientifique n'est pas la meilleure copine de la morale. Et Lin ne fait pas exception.

Aaaahhhh mais ça m'avait échappé que tu pouvais être sensible au charme du petit Sen :D Eh bien tu m'envois ravie ! La pauvre Mumu est tellement déboussolée qu'elle a oublié d'en parler didon ! :o

Merci merci merci pour ton enthousiasme !!!



Ryu

Ooooohhhh merci !
Tu ne crois pas si bien dire... Mais je te laisse la surprise 😅



Un grand grand merci à toutes les trois, il me tarde de vous retrouver la semaine prochaine ! 🎉
Agathe La Petite a dit…
Ah, mais j'avais vu l'absence de tenue de Sen, tu penses bien XD. Mais je voulais absolument savoir comment ton chapitre se finissait.
Et d'ailleurs, je tiens à te dire que ce lavabo est très très mal placé :p.
Merci de penser à tes lecteurs et tes lectrices ^^.
GGO a dit…
Mumu

Ah quand même ! 😁

Eh bien écoute, je suis très flattée que le corps dénudé de Sen ait été (même un tout petit peu) occulté par l'histoire, parce-que je connais ton amour pour lui 🥰

Et c'est un vrai plaisir de penser à contenter mon lectorat de diverses manières (j'en profite un peu on va pas se mentir 😶).

Merci ma ptite Mumu.
Nathalie 986 a dit…
Je tiens d'abord à te dire, GGO, que cet épisode est magnifique de par ses images et la tension qui s'ensuit... Tu as su terriblement mettre en scène ce que tu voulais nous transmettre. J'ai adoré ! 🤩

Alors, pauvre Lin. J'ai tellement de peine pour elle car, même si elle a vécu dans un univers "doré", elle n'aurait jamais pu s'attendre à ce qui allait lui arriver, et, de mon point de vue, elle ne le méritait pas. Certes, elle a découvert certaines choses "sensibles", mais elle n'en était pas responsable, et j'espère qu'il ne lui arrivera rien de mal... J'espère... J'aime bien Lin 😊
Mais j'aime aussi Julie et Sen, et j'espère qu'ils ne commettront pas l'irréparable... 😱
J'ai trouvé ce chapitre insoutenable de vérité...

Merci pour ce suspens 😊
GGO a dit…
Nathalie

Je comprends la haine des victimes, mais je pense que c'est assez simpliste de dire "y'a qu'à - faut qu'on". Je pense que c'est illusoire de penser que personne n'a jamais sonné de tirette d'alarme dans les différents scandales. Ca a été fait, mais étouffé. Donc à partir de là on fait quoi ? C'est pas Lin avec ses infos tronquées qui pouvait faire quelque chose, soyons clairs. Donc on ça, ce n'est pas juste ce qui lui arrive.
Après, elle est bloquée dans sa vie, Lin. Je pense que cet évènement va être l'électrochoc dont elle avait besoin pour se secouer... Reste à savoir que ce qu'elle va en faire...

Un grand merci pour tout ce que tu as dit, ça me touche beaucoup, vraiment.