2.03 L'Inéluctable

 








Après une toilette de chat, Corey se décide à prendre sa température. Le thermomètre affichant 39°9, il prend un antipyrétique et s'écroule sur son lit, trouvant juste la force nécessaire pour se glisser sous les draps. La tête sur l'oreiller, il pousse un râle douloureux. Cela faisait longtemps, tiens, qu'il n'avait pas été malade. Pris d'un frisson, il repense abattu au câlin qu'il a fait à Sharon : pourvu qu'il ne lui ait pas refilé ce qu'il couve ! 
Inquiet, mal en point, le sommeil met longtemps à l'emporter et ne le retient pas. Quelques petites heures après avoir sombré, il se sent à l'orée de l'éveil.


Il a du mal à respirer. 


Il a l'impression d'avoir la gorge et les bronches œdématiées, rendant la pénétration de l'air laborieuse. Être fragile des bronches pendant l'enfance lui a appris à garder son calme et à gérer ses efforts. Il s'apprête à se recoucher, le dos redresser grâce à un deuxième oreiller, quand un spasme abdominal le plie en deux. Hébété, il se demande bien ce qui peut lui arriver. Sentant l'urgence arriver, il se lève péniblement, l'effort le faisant haleter, puis tousser.



Il prend son temps, ne se brusque pas, même si le fait de ne pas pouvoir inspirer correctement rend moins efficace ses techniques de relaxation. Au bout de quelques secondes, quand il pense la quinte terminée, il met un pied devant l'autre pour sortir de la chambre. Un frisson le secoue à l'ouverture de la porte ; la fièvre ne s'est pas atténuée.



Son appartement est petit et pourtant il trouve la distance qui le sépare des toilettes déraisonnablement longue. Les gonds grincent quand il y parvient finalement et lui déchirent les tympans. Deux pas plus tard, sa vue se trouble à nouveau. Agrippé au chambranle, il le lâche un instant pour se frotter les yeux mais doit le récupérer en catastrophe suite à une autre crampe abdominale. Son halètement s'intensifie tandis qu'il remet un pied devant l'autre : il est en train d'étouffer et de perdre connaissance. La panique le gagne, puis il se rappelle de la présence de Kay qu'il appelle. 


À court d'air, seul un gémissement sourd sort de ses lèvres. Il s'écroule alors sur les genoux, tremblant de tout son corps. Il tente de faire demi-tour mais parvient juste à s'adosser au mur, la gorge sifflante et les cheveux trempés par la transpiration. Il se met à pleurer de douleur et d'incompréhension quand il sent qu'il se vide et qu'il aperçoit du sang couler sur le carrelage. Désespéré, il écarte son bras et tapote plus qu'il ne frappe le bois de la porte qui s'est refermée. Une expiration saccadée mais appliquée plus tard, les yeux fermés, le visage inondé qui a trouvé le calme de la concentration, il cogne le bois, encore et encore, misant toute son existence sur l'ouïe de son colocataire profondément endormi.





***








Dans un demi-sommeil, Kay juge à l'obscurité qui englobe la fenêtre qu'il fait encore nuit et qu'il peut donc se rendormir. Mais après quelques secondes il sent une angoisse sourde couler en lui et lui combler la gorge. Endormi, il ne comprend pas ce qu'il se passe, pourquoi cette inquiétude le transit si soudainement. 

Et puis il entend.


Il sort précipitamment du salon et en un coup d'œil s'aperçoit que Corey n'est pas dans son lit.

- " COREY ! COREY !"

Rien dans la salle de bain, rien dans la salle à manger. L'urgence est incompréhensible, mais elle est là et c'est un sentiment familier qu'il a appris à écouter. 


- " COREY PUTAIN !! T'ES OÙ ?!"

Il écarte brutalement une chaise qui gêne son passage pour aller marteler à coups de poing la porte des toilettes. 

- " T'es là ?! "

Un gémissement lui répond et lui fait ouvrir la porte à la volée.


- " Oh PUTAAAIIIINNNN c'est quoi ça encore ?! "




***





Elle pensait s'être bien protégée du vent mais une bourrasque la surprend et lui saisit la nuque ; la crispation engendrée lui fait perdre la prise qu'elle tient depuis des heures. Elle réprime un grognement tandis que ses muscles endoloris se bandent pour freiner sa chute, puis remonte péniblement avant d'essayer de retrouver une position confortable. Le ballet des service de l'ordre se démaille d'heure en heure jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul agent posté devant la porte. Elle soupire. Elle enrage. Elle espère. Combien de temps l'attente va-t-elle encore durer ? Vont-ils seulement se manifester ? A-t-elle causé la mort d'un innocent pour rien ?


Plus les heures passent et plus il lui est difficile de contenir l'angoisse qui étreint sa poitrine. Le ventre serré, elle a besoin de plus en plus souvent de prendre de grandes goulées d'air qui tressautent dans sa gorge devenue si sèche qu'il lui prend maintenant l'envie de tousser. Ce à quoi elle ne cède pas. Ses yeux pourront pleurer tout ce qu'ils veulent, elle ne fera pas un bruit, à l'instar de la créature cramponnée à un autre arbre sur sa droite.


Cela a l'air plus facile pour elle qui ne semble même pas respirer. À cette pensée un flot d'inquiétudes supplémentaires survient : qu'a-t-elle fait d'elle ? Ce monstre a-t-il englouti tout ce qu'était Pepper ? Est-elle destinée à lui ressembler ? Est-ce la forme finale qui l'attend ? Sa bouche se tord alors sous le coup de la panique et de la culpabilité. L'escalade émotionnelle se fait néanmoins stopper par les pupilles de Pepper - ou de ce qu'il en reste - qui se fendent. Instantanément, Silvia reporte son attention sur la cabane et voit un homme s'apprêtant à y pénétrer.


Un frisson la parcourt. Non. Pas un frisson. Un picotement. Un picotement sous la peau. Non... Non plus. Un vrombissement. Entre les deux. Son cœur bat à tout rompre : elle avait déjà ressenti ça... la première fois qu'elle avait croisé Pepper. Elle s'était sentie vibrer avant même que leurs regards ne se croisent ; à deux doigts de la mort suite à une hémorragie de la délivrance, perdue au beau milieu de la forêt après avoir fui la chambre où elle avait accouché, elle avait senti une connexion s'établir. 
Elle n'a pas le temps de pousser plus loin la réflexion, l'homme et le garde-forestier qui garde l'entrée du chalet se mettent à dialoguer. 


Le vent dans les feuillages l'empêche de distinguer ce qu'ils se disent, surtout qu'ils parlent à bas volume. Puis soudainement, la voix du garde monte d'un ton... juste avant d'être réduite au silence par un hoquet. Un bruit sourd s'en suit et alors qu'elle distingue mieux l'uniforme de l'homme au travers des aiguilles, ce-dernier se redresse et tend le bras vers l'entrée du chalet. Les sourcils de Silvia accentuent leur pli inquiet : que vient-il de se passer ?

Elle prend le parti d'attendre que l'homme mystérieux ressorte pour le suivre. Son souffle s'accélère de nouveau quand elle pense à la difficulté de son entreprise et surtout le risque qu'elle prend et fait prendre à cette pauvre Pepper qui ne semble même plus en mesure de s'opposer à sa propre mise en péril. Parce-que Silvia en est persuadée, Pepper ressent aussi ce qui les lie à cet homme qui n'a pas l'air, lui, de les avoir repérées. Est-ce dû à leur nature commune ? Auraient-elles enfin un avantage ? 

Ses réflexions la portent jusqu'au point du jour où enfin, elle peut arrêter de se demander ce qu'il peut bien fabriquer à l'intérieur : l'homme réapparait, salué par le garde, l'air de rien. Silvia fronce les sourcils mais n'a pas le temps de s'interroger davantage : un sentiment de panique la gagne instantanément au moment où, d'une façon terrifiante, l'inconnu arrête sa course et plante un regard perçant dans sa direction.

Il sait. Il sent. Il voit. Est-ce-qu'il savait qu'elles étaient là depuis le début ? Est-ce-qu'il vient juste de les repérer ? Figée, elle l'observe lui adresser un mouvement de tête l'invitant à le suivre. Elle croit défaillir. Ça ne devait pas se passer comme ça. Elle se rend compte que tout son courage tenait à son anonymat, à l'effet de surprise. À découvert, elle se sent désarmée, entièrement nue face à cet individu qui, finalement, a les mêmes capacités qu'elles. Capacités qu'il maîtrise sûrement, ce qui est loin d'être son cas. Elle sursaute quand il avance dans la direction indiquée et s'en veut terriblement pour cela : si elle montre sa peur, elle est fichue. Le souffle court, elle se décide à le suivre avant qu'elle ne perde sa trace et s'élance dans les airs sur plusieurs mètres afin d'éviter d'attirer l'attention des forces de l'ordre qui commencent leur journée. Après un coup d'œil à Pepper pour lui signifier de rester dans les arbres comme sentinelle, elle regagne la terre ferme et s'engage dans les hautes herbes couchées par l'homme.

Ils marchent ainsi dix bonnes minutes avant qu'il ne s'arrête, estimant certainement qu'ils sont suffisamment à l'écart de toute agitation, qu'elle soit policière ou touristique. À une distance raisonnable, Silvia fait de même. Et puis il s'adresse à elle :

- " On doit parler. "

Elle ne répond pas. Elle n'a pas la moindre idée de ce qu'elle doit dire ou faire. Elle est tétanisée car terrorisée. Toute sa rage l'a quittée, elle a pris conscience de sa situation : elle n'est qu'une jeune femme qui n'a même pas la totale souveraineté de son corps et de son esprit face à une créature qu'elle devine être l'homme de main d'une des entités les plus puissantes au monde. Entité qui n'a envoyé que lui pour s'occuper d'elles. Elles ne leur font pas peur. Elle se sent minuscule, tout à coup.

- " Je ne te veux pas de mal."

Elle sursaute encore au son de sa voix. Les paroles sont si improbables qu'elle se demande si elle a bien entendu.

- " Viens. Plus on attend, plus ça va se compliquer. La situation est assez pénible comme ça. Approche. Je ne te veux pas de mal. Personne ne vous veut du mal. Tu es certainement persuadée du contraire, mais je suis là pour m'assurer que tu vas bien et te proposer notre aide. Nous ne souhaitons que ta sécurité et ton bien-être."

Au fur et à mesure qu'il parle, son timbre gagne en rondeur et a finalement quelque chose de sécurisant. Pour la première fois, Silvia entrevoit une autre issue. Et si elle ne risquait rien ? Et s'ils étaient, finalement, les alliés qu'elle avait toujours cherchés pour comprendre et maîtriser ce qu'elle a en elle ? Son cœur se fait de plus en plus léger et la porte vers l'avant. Sentiment brutalement interrompu par la carcasse de Pepper qui atterri lourdement sur le sol juste sous son nez, plantant ses iris flamboyants dans les siens en guise d'avertissement. Silvia a l'impression de recouvrer ses esprits et ses alarmes intérieures retentissent à nouveau.


Il leur tourne toujours le dos. Les narines dilatées, elle se fait finalement violence et contourne Pepper qui lui envoie des signaux d'alerte. Signaux qu'elle balaie d'un revers de main : ce n'est pas comme si elle avait encore le choix, de toute façon.

Elle s'arrête à quelques pas de lui, silencieuse et impressionnée. Lui la dévisage avec intérêt, un petit sourire au coin des lèvres.

- " Alors c'est toi qui nous cause tous ces soucis ?"

Son rictus s'élargit un peu, lui donnant un air amusé et confiant, ses yeux se plissent : 

- " Il me tarde de connaître ton histoire... Mais il y a plus urgent." Ses traits se font plus sérieux. "Tu as fichu une sacrée pagaille et visiblement, c'était pour attirer notre attention. Elle t'est désormais toute acquise : que pouvons-nous faire pour toi ? Comment pouvons-nous t'aider ?"

La question prend Silvia au dépourvu. Jamais elle n'aurait imaginé une telle rencontre et encore moins en ces termes. Elle se sent également désarmée face à cette question : qu'attend-elle d'eux ? Des réponses, certes, mais des réponses qu'elle pensait obtenir par la violence, ce qui lui aurait permis également d'assouvir sa vengeance pour tout ce qu'elle et sa famille avaient enduré.

- " Écoute... Je vois bien que tu as l'air perdue...."

- " ... Mais l'heure tourne et on ne peut pas prendre le risque d'être découverts. Donc il faut que l'on trouve un terrain d'entente toi et moi... Ta Dilgürog, j'imagine qu'elle te suit ?" demande-t-il en jetant un regard au-dessus de son épaule.

Silvia aimerait bien parler, prendre le contrôle de la discussion même, mais elle en est tout bonnement incapable. Elle a devant elle quelqu'un qui pourrait répondre à toutes ses questions et c'est peu dire qu'elle en a rêvé toute sa vie. Mais elle devine que le prix à payer lui demandera encore des sacrifices qu'elle n'est pas sûre d'être prête à faire.

- " Attends... ôte moi d'un doute... tu es capable de parler... ? Enfin je veux dire... sous cette forme ?"

Elle se contente de hocher la tête.

- " Très bien. Au moins nous pouvons communiquer. Écoute... Si tu as besoin d'aide... Si vous avez besoin d'aide, tu n'as juste qu'à me suivre. Nous avons de quoi vous protéger. Vous n'êtes pas seules. Il y en a d'autres comme vous, qui ne peuvent pas se fondre dans la société. "

La révélation saisit Silvia. Elle se souvient alors brutalement des autres enfants avec elle. Ceux qui avaient été laissés derrière. Ils sont encore vivants. Et prisonniers. La colère lui fait alors ouvrir la bouche pour la première fois : 


- " Mes parents ont donné leur vie pour me sortir de votre cage, ce n'est pas pour y retourner.
- " Tes parents ont justement commis une erreur." Le ton est égal, posé. "Oaz'corp t'a sauvée et ta vie aurait été bien meilleure si tu étais restée là-bas. Si tu es dans cette situation aujourd'hui, c'est à cause d'eux.
- " Putain vous serez indécents jusqu'au bout...
- " C'est la vérité. Sans les Lalouche tu aurais péri comme tous les autres au cours de l'Epidémie du Berceau.
- " Et sans votre labo de merde il n'y aurait pas eu d'épidémie !"


- " Les seuls responsables, Silvia, ce sont ceux qui se sont mêlés de ce qui ne les regardait pas et qui ont volé puis libéré du matériel à risque biologique. Oaz'Corp a ensuite tout fait pour réparer les dégâts causés par l'organisation de tes parents.
- " Vous avez menti au monde entier ! Vous avez kidnappé des enfants !
- " Parce-qu'il n'y avait rien à dire et rien d'autre à faire, à l'époque. Tout n'a été qu'une réaction en chaîne par la suite et le mal était fait. Mais aujourd'hui c'est différent. Si tu me suis, tu auras des réponses à certaines de tes questions et tu seras en mesure de trouver celles qui te manquent, à toi et à tes frères et sœurs d'infortune.
- " Je n'ai qu'une seule famille et vous l'avez détruite.
- " Alors c'est cela ta réponse ? Tu vas laisser ton disque rayé enfermer ta vie dans un cercle sans fin ? Oui, c'est terrible ce qu'il s'est passé. Mais il faut aller de l'avant, à fortiori maintenant que c'est toi qui tiens les rênes, que tu ne subis plus l'entêtement meurtrier de tes parents. Je t'offre une porte de sortie pour toi et ta créature. Mets de côté ton endoctrinement et viens voir de tes propres yeux ce dont il est question.
- " Et risquer d'être emprisonnée ? Jamais.
- " La seule limite à ta liberté, Silvia, c'est toi-même.
- " Ah parce-que vous êtes sincèrement en train de me faire croire que si je le décide je pourrai à nouveau disparaître ? 
- " Mais pourquoi voudrais-tu disparaître ? Je t'assure qu'aucun autre hybride n'est retenu contre son gré. 
- " Je n'en crois pas un mot. Allez vous faire foutre.
- " Tu as tort. Ils forment une famille maintenant. Une famille qui a besoin de tous ses membres pour comprendre de quoi elle est faite. Ce serait vraiment dommage de tourner le dos aux seules personnes qui peuvent t'aider à te comprendre et qui t'accepteront telle que tu es, dans toutes tes dimensions. Tu ne seras plus seule, Silvia."


L'enfoiré. Il sait taper là où ça fait mal... pour mieux agiter la trousse de secours derrière.

- " Avec nous, tu n'auras plus à te cacher, à avoir honte. Tu pourras exister librement. Je suis sûr qu'Hayden sera ravi de te retrouver. Il a une belle vie, tu sais ? "

Hayden ?

- " Ah, au temps pour moi. Tu ne le connais peut-être pas sous ce nom... Delta-19, ça te parle peut-être plus ?"

Oui, en effet. Cela remonte à loin, elle n'a plus beaucoup de souvenirs, mais elle se souvient de Delta-19.


Elle se souvient de sa petite tête blonde, de ses grands yeux verts, de ses tâches de rousseur. Elle se souvient aussi que pour une raison qui lui échappe, ils se sentaient à part. C'était une sensation étrange comme... un vrombissement. 
Le cœur de Silvia reprend sa cavalcade. Elle connaissait aussi Pepper bien avant sa fugue dans la forêt. Elle aussi était différente... Mais d'une autre manière. C'était le maillon faible de la troupe. 


Ils l'avaient transférée dans leur groupe un beau jour sans explication. Est-ce-que Pepper savait qu'elles se connaissaient quand elle l'avait trouvée dans la forêt ? Ou avait-elle oublié aussi ? C'est terrible, ce qu'elle ressent. Les réponses sont là, à portée de main. Mais quelles seront les conséquences de son abdication ? Elle se doute bien qu'elle ne peut pas faire confiance à l'homme qui lui fait face, mais... s'il avait raison ? Si elle avait été manipulée par l'autre camp ? Un éclair de lucidité la transperce de part en part : bien sûr qu'elle a été manipulée... 

- " On dirait bien que ça te revient. Delta-19 va bien. Vous aurez beaucoup de choses à vous raconter et à vous apprendre. Parce-que pour survivre tu as forcément dû faire preuve d'une sacrée dose de débrouillardise. C'est ce que j'aime chez vous, les humains."

- " ... Les humains ?

- " Oui. Nous sommes des hybrides Silvia, même si mon architecture diffère de la vôtre à toi, Beta-15 et Hayden. Tu es perdue, mais c'est normal. Si tu me suis, je te promets que tu auras les réponses à tes questions et tout prendra du sens. Nous ne sommes pas des ennemis, Silvia. Nous sommes dans le même bateau."

La tentation est si forte... Elle a envie d'y croire, de laisser sa vie misérable derrière elle. Et elle est si fatiguée... Tellement fatiguée.
Mais elle a peur, aussi. Peur de se faire piéger et que tous les sacrifices aient été vains. 
Voyant qu'elle ne répond toujours pas, l'homme finit par changer son fusil d'épaule.

- "Il y a quelque chose que tu dois savoir et qui t'aidera peut-être à y voir plus clair... Nous tenons ton frère."

Le choc et la brutalité du changement de rapport de force lui font écarquiller les yeux et transforment aussitôt son hésitation en colère : 


- " Menteur !"

La violence de l'information a été instantanément niée par son esprit.

- " Non, je ne mens pas. Une équipe est allée le chercher cette nuit à Bedrock Strait. La seule façon d'obtenir notre désintérêt à son encontre c'est de me suivre.
- " JE LE SAVAIS QUE C'ETAIT UN RAMASSIS DE MENSONGES ! 
- " Je n'ai pas menti. Tout ce que j'ai dit est vrai... Tu as ta place à Oaz'Corp et tu peux choisir d'y être libre. Dans le cas contraire, nous ne pouvons te laisser sans supervision. Tu es un danger pour les autres. Ne le nie pas. Tu l'as prouvé il y a quelques heures.
- " VOUS AVEZ PROVOQUÉ CA !
- " Non Silvia. C'est faux. Tu es seule responsable de tes actes. Tu as tué un innocent. Et ce n'est certainement pas le seul."

L'esprit embrouillé, la seule chose qui filtre alors est un fulgurant accès de violence : 

- " FERMEZ-LA !"

L'homme évite facilement la main qui s'est élancée pour lui saisir la gorge et perd finalement sa placidité.

- " C'est mon dernier avertissement, Silvia. Tu as encore une chance de t'en sortir sans égratignure. Et si tu ne le fais pas pour toi, fais-le au moins pour ton frère qui passera sa vie enfermé comme gage de ton obéissance. Ne gâche pas tout. Tu as encore une chance de vivre libre à ses côtés."

Silvia sent alors la colère la submerger. Elle pousse un hurlement guttural et saisit la gorge de son opposant à une telle vitesse qu'il a à peine le temps de terminer sa phrase qu'il est soulevé dans les airs.



Il roule des yeux stupéfaits vers elle qui énonce alors d'une voix rauque et bestiale :

- " Tu vas sortir mon frère de là si tu ne veux pas que je te sorte la colonne par la bouche. Tu vas aussi m'affranchir ainsi que toutes les personnes de mon entourage qui sont sur votre radar. Je m'appartiens et chaque enfant survivant devra également recouvrer une liberté absolue."

Les lèvres de sa victime commençant à bleuir, Silvia relâche sa poigne et sans pitié le laisse retomber lourdement sur le sol.

- " Et quand ce sera fait, je veux la peau des Frères Lalouche. Ce n'est que comme ça qu'Oaz' Corp épongera sa dette. Et là, seulement, tu pourras t'estimer débarrassé de moi. Mes conditions sont-elles plus claires comme ça ?"

À quatre pattes sur le sol, l'homme reprend difficilement son souffle. Quand il est en mesure de parler, il lâche : 

- " Ma pauvre, tu n'as absolument rien compris à ce que j'ai dit."

- " Ta traque ne s'arrêtera jamais avec Victor Lalouche... "

- " Et la seule personne qui a besoin d'être secourue..."

- " ... C'est toi."











Commentaires

Eulaline a dit…
Pauvre Corey :( Je souffre avec lui (ta mise en scène est magistrale), quelle angoisse me saisit. Il est vraiment au plus mal, son corps se rebelle, il souffre mille maux et dire que c'est sur Kay (mais trop beau, ces images de Kay tiré du sommeil, avec ses yeux qui s'ouvrent au fur et à mesure, c'est magnifique *étoiles dans mes yeux*) que mon seul espoir repose. Je vais être en apnée toute une semaine (peut-être plus si le prochain chapitre ne revient pas sur lui, il y a tant à dire sur tout le monde :o ), moi, à me demander ce que Kay va bien pouvoir faire, comment il va réagir, si Corey va s'en sortir. J'angoisse mais peut-être que le corps de Corey est en train de le sauver alors qu'il me semble qu'il le tue. Ooooh... *croise les doigts*

Silvia :o
Je suis abasourdie par ce moment, par tout ce que j'imaginais et qui est.

"Une famille qui a besoin de tous ses membres pour comprendre de quoi elle est faite." ça, qu'est-ce que ça me parle et ça donne encore une toute autre ampleur, une nouvelle mesure de ce que "sont" ces enfants. Je suis très tentée de te demander de mettre Silvia en sécur... (oups, raté) et de m'emmener à la rencontre de ces "Autres". J'ai tellement envie de voir comment ils vivent tout ça et rencontrer Delta-19.
J'imagine Dan, là-bas. Le pauvre, je ne sais pas si lui pouvait s'attendre à ce qu'il y a là-bas. Je suis très impatiente d'avoir de ses nouvelles à lui aussi. Et Julie...

Pffiou, magnifique, comme à chaque fois, je manque de mots pour te dire à quel point cette histoire est époustouflante et à quel point je suis heureuse de la suivre. Encore mille merci, GGo ♥
GGO a dit…
Eulaline Oui c'est très triste pour Corey. :( Et tu as raison, le corps de Corey n'est pas en train de le défendre... :/
Contente de voir que la tournure concernant les enfants te plait :D
Pour Dan et Julie, c'est sûr que ce n'est pas la fête. Le problème avec mon histoire, tu l'as pressenti, c'est le nombre de persos ^^" , ce qui fait qu'on met un peu de temps à les retrouver.

Un grand merci pour ton soutien et tes mots qui m'encouragent toujours.
Klohma a dit…
Eh bah Corey ...
Je ne me souviens plus si ses symptômes ont commencé avant ou juste après la visite de Sharon en tout cas c'est louche.

Oh ! elle va surement vouloir sauver Dan et libérer les "autres"; quelque chose me dis qu'elle va devoir se confronter au passé ! j'ai hâte de lire la suite!
Pythonroux a dit…
Il a une réaction vraiment très très forte de son corps après son altercation avec notre "amie" bizarre le petit Corey... Pourtant il en a côtoyé une autre sans aucun souci lorsqu'il était plus jeune ;)

Voyons, voyons, voyons, ma petite Silvia... Qu'est-ce que tu nous fais là ? Tu crois vraiment que les Lalouche vont t'envoyer un seul mec sans défense ? Oui, tu peux le prendre par surprise mais dans ce cas, tu te barres quand il est à terre... Maintenant, il est rentré dans ton petit cerveau et il va t'embobiner fissa pour que tu le suives.

Quelle bande d'amateur dans cette famille :)

Sinon, c'est toujours aussi bien écrit, j'adore vraiment ta plume