2.15 Retrouvailles tourmentées

 







L'aube n'est pas tout à fait là encore lorsque Sen émerge de sa somnolence. À peine a-t-il ouvert les yeux qu'il soupire. Il n'y a rien à faire, il est toujours aussi préoccupé par le sort de Nadia. Son besoin de savoir est fortement contrarié par la certitude qu'il a de ne pas devoir s'en mêler.
Le bras engourdi, il améliore sa position, ce qui réveille Aphrodite, paisiblement endormie. Il sourit et lui embrasse le front. Elle lève alors les yeux vers lui, le regarde intensément, puis entreprend de caresser sa peau avec ses lèvres. Très vite, elle précise ses intentions.



Sans attendre, il dévie sa main pour la serrer dans la sienne et la plaquer de nouveau contre lui.


- " Je me sens coupable de te laisser comme ça..." Se défend-elle avec un ton langoureux.
- " Je vais très bien." Chuchote-t-il. "C'était un sens unique, Aphro... je t'avais prévenue...
- " Qu'est-ce-que ça change..." Elle hausse les épaules. "C'est entre toi et moi et tu as passé la nuit entre mes cuisses alors...
- " Si tu as besoin de plus, je ne suis pas celui qu'il te faut, c'est tout. J'ai envie de m'engager, cette fois. 
- " Tu as quand même une drôle de vision de la fidélité...
- " Comme si tu le découvrais...
- " Hum... Et l'élue, elle est d'accord avec ça ?
- " Oui.
- " Ah eh bien elle est vraiment faite pour toi alors celle-là."

Le ton est contrarié, mais ça lui passera. Il sourit. Il lui embrasse le bout du nez puis se dégage délicatement pour se lever. Alors qu'il va attraper ses affaires pour se vêtir, elle le retient : 



- " Attends Sen."

Il se retourne pour lui faire face tandis qu'elle se rapproche de lui : 

- " Choisis-moi."

Stupéfait, il ne répond pas tout de suite, alors elle continue :

- " Choisis-moi. On est bien ensemble. Et je sais qu'avec toi je ne serai pas jalouse. Parce-que je sais que tu m'aimes aussi. Tu peux coucher avec qui tu veux, je m'en fous, tant que tu reviens. J'ai beaucoup réfléchi, tu sais, et je ne voulais pas m'attacher à toi parce-que j'ai toujours eu peur que tu m'abandonnes. Mais celui qui est et a toujours été là, c'est toi. Je t'aime Sen. Je t'ai toujours aimé, tu ne le découvres pas... J'avais juste peur de souffrir de ta légèreté. Je sais maintenant que ce ne sera pas le cas. Tu es tout sauf léger, Sen. Et c'est justement pour ça que tu batifoles... pour relâcher la pression. Alors sache que je ne t'en empêcherai pas. Je veux que tu sois toi-même."


Il n'a pas besoin de parler, elle lit la réponse directement dans ses yeux. Elle baisse les siens et souffle : 

- " Je n'aurai pas de regret, ainsi."


- " Aphro..."


- " C'est une bonne chose que tu t'ouvres à nouveau. Je suis fortement touché par ce que tu dis, mais c'est évident que je ne suis pas un garçon pour toi... Si tu as choisi mon frère, Aphro, ce n'est pas par erreur. Ce n'est pas parce-que tu as une sexualité éclectique que tu n'es pas exclusive pour autant quand on parle de sentiments... Détache-toi de mon frère, de moi... Et franchement, sors de là. Prends des vacances, loin de tous ces mômes qui vivent sous ton toit. Tu peux prendre An' avec toi si ça t'inquiète d'être seule, c'est la seule qui en a dans le crâne. Mais prends l'air. Ressource-toi, concentre-toi sur ce que tu aimes et ce que tu veux t'apparaitra plus clairement."

Elle hoche rapidement la tête et il la prend dans ses bras.

- " Ça va aller... Je ne peux rien te promettre, Aphro... Mais si on regarde en arrière, on voit bien qu'on est liés, toi et moi. Tu l'as dit, je reviens toujours vers toi... Mais si je reviens c'est que j'ai disparu auparavant. J'espère que ce constat, s'il a un petit côté rassurant, t'aidera autant qu'il m'aide et te fera prendre conscience que tu as besoin de davantage qu'un courant d'air..."

Elle le sert contre lui avant de répondre : 

- " Moi, je reste persuadée que nous serions bien, ensemble. Mais ce n'est pas ta destinée, John Gerold. Alors file... et j'attendrai patiemment ton prochain coup de vent."


À peine a-t-il quitté le Fort que son inquiétude pour Nadia reprend le dessus. Déstabilisé par tout ce qu'il a vécu récemment, il regrette déjà le réconfort des bras d'Aphrodite. Par ailleurs, il ne peut s'empêcher de penser qu'elle aurait su quoi faire, pour Nadia et Miko... Mais il avait choisi de ne pas l'embêter avec ça, alors il devait se débrouiller tout seul.


Son esprit tourne en boucle, il n'arrive pas à se dépêtrer de son dilemme, si bien qu'il réalise trop tard que quelque chose cloche en arrivant chez lui.


Soudainement en alerte, il se fige quand il reconnait le parfum qui plane dans la pièce jusque dans le couloir et l'ascenseur mais qu'il vient seulement de repérer.

- " Détends-toi Mojo, c'est une visite amicale."

Suspicieux, il se déplace avec précaution vers l'origine de la voix.


Il découvre alors son équipière, en civil, dans une posture décontractée et l'air goguenard. 

- " Tu n'es pas prêt à reprendre du service, visiblement. Je n'ai pas été discrète pourtant."


- " Qu'est-ce-que tu fais là ?
- " Je venais prendre de tes nouvelles... Et j'avais envie de discuter, aussi.
- " Tu risques gros en venant ici.
- " Plus maintenant...
- " C'est à dire ?
- " Viens t'assoir, plutôt."


Il prend le temps qu'il faut pour l'observer, essayer de deviner ses réelles intentions, mais c'est un soldat d'élite du renseignement et forcément il se heurte à un mur.

- " Mojo..." S'impatiente-t-elle. "Si j'avais voulu te zigouiller, j'aurais fait en sorte que tu n'ais pas eu le temps de te méfier...
- " Je m'attends à tout avec toi...
- " Tu as bien raison." Sourit-elle de toutes ses dents. "Mais allez, viens. Je peux même te dire que je suis bien contente qu'on soit encore dans le même camp toi et moi.
- " Tu as des nouvelles ?" Interroge-t-il en levant les sourcils.
- " Nope. Mais... John... Il s'est passé quoi, là-bas ? Pourquoi es-tu encore vivant ?"



- " Je ne sais pas.
- " Putain Mojo arrête de mentir.
- " Je ne sais pas je te dis !" 

Le cri les a surpris tous les deux. John ne perd pour ainsi dire jamais son sang-froid.

- " Ok, ça c'est nouveau..." Observe Bellone. "T'en as chié putain..."

John baisse la tête pour toute réponse. Puis il dit : 

- " C'est peut-être Camëtseya qui s'est acheté une conscience au dernier moment, j'en sais rien... Si on regarde bien, nous sommes tous en vie. Il n'y a pas que moi qui en ait échappé. 
- " Mais pourquoi t'avoir approché toi, et pas nous ? Que t'ont-ils demandé ?"

Il déglutit alors que le visage de Laura... ou plutôt Calëtseya s'impose à lui. 

- " Ils ne m'ont rien demandé. Je crois qu'ils voulaient faire passer un message.
- " Quel message ?
- " Quelque chose comme "Propriété Privée".
- " Ah bah ouais mais justement... Ils comprennent rien, c'est pas possible..."

Il se retient d'objecter. S'il montre un seul signe de compassion envers Calëtseya et sa troupe, il finira sa vie derrière les barreaux.

- " Et puis c'était une erreur de ne pas te tuer. C'est une marque de faiblesse. Le gouvernement va envoyer le triple de bonhommes ça va pas faire un pli. Avec un peu de chance t'arriveras peut-être à retrouver la bicoque où ils t'ont retenu prisonnier...
- " J'ai été cagoulé tout le long... Mais... de toute façon, je ne crois pas que je reparte."

La surprise est totale sur le visage de Bellone : 

- " Comment ça ?
- " J'ai envie de passer à autre chose. Des choses ont changé ici et dans ma famille, j'ai pas envie de passer à côté de ça.
- " Bah mec, je sais pas bien si tu vas avoir le choix. Si moi je veux bien te croire, ça rigole moyen en haut.
- " ...
- " Mais... mais mais mais mais mais..." Ajoute-t-elle de manière à créer du suspense. "Ça m'amène à la deuxième raison qui m'amène ici. Si j'suis là, c'est aussi pour te faire une offre."

John lève un sourcil curieux, ce qui encourage sa coéquipière : 

- " On a été affectés à Oaz'Corp en attendant le verdict. C'est la merde là-bas. Le patron est prêt à intervenir sur la décision de la cour si tu es prêt à bosser pour eux.
- " Ils ont besoin de quoi ?
- " De la même chose que notre boss : de boniches.
- " Il lui en faut combien ?
- " Quelques unes j'ai l'impression, surtout avec les derniers évènements. Ils nous ont fait une offre à cinq chiffres. J'ai pas tellement le cœur à refuser."

John tique. C'est beaucoup trop près de chez lui.

- " J'ai de la famille dans le coin. Et mon père c'est pas vraiment le meilleur copain des Lalouche.
- " Bah écoute, moi je ne suis que le messager. Tu es attendu là-bas en tout cas. On s'est mis d'accord avec Osh : on te suit. On n'a pas tellement envie de tout recommencer à zéro avec d'autres gars, pas après le fiasco de Camëtseya. Si t'es blanchi, on bosse où tu bosses. Tout nous va.
- " Et le boss ? Il serait d'accord pour me laisser partir ?
- " J'ai pas les détails, Mojo. Vas voir par toi-même et tu nous tiens au jus, ok ? Allez, je te laisse te reposer, t'as une sale gueule. Et sympa ton petit nid d'amour avec ton mec."

Elle lui adresse un clin d'œil moqueur et prend congé.


Une fois seul, il observe en effet que Chris a vraiment abusé sur la déco pendant son absence ; les murs sont couverts de photos d'eux, ensemble ou séparés. Il se demande en suivant si son colocataire est dans sa chambre ou s'il bosse. Il s'avachit contre le dossier, éreinté, et a tout à coup envie de faire une grosse fête, de se mettre une mine et surtout, surtout d'arrêter de penser. De penser à Selvadorada, au fait que son avenir soit entre les mains de vieux gradés qui n'en ont plus rien à foutre, à Aphro, à sa copine, à Nadia.




***






Kay se sent bien. Il est paisible, confortablement installé sur un transat au bord d'une piscine, et une petite rouquine qu'il a l'impression de connaître mais dont le nom lui échappe lui adresse des petits sourires de temps à autre. Il se dit qu'il devrait se décider à aller la saluer, mais il est tellement bien, là, sous la chaleur douce du soleil. 
Et puis soudainement, sa peau se couvre de frissons et un affreux mal de crâne lui presse les tempes. Il sent une sensation désagréable dans son cou pourtant, il a beau toucher, rien ne l'explique. En plissant bien les yeux, il aperçoit Corey, au loin, avec une copine à lui. Il se demande ce qu'il fait là, habillé comme en hiver par cette chaleur, et pourquoi la copine ressemble tout à coup à une escorte alors que c'est plutôt le genre à préférer des vêtements confortables. Quand elle tend un verre à son ami, Kay sursaute. C'est un poison. Il va se lever mais il trouve Aya, qui semble s'être dédoublée, accroupie à ses côtés qui lui tient littéralement la jambe. Puis elle lui tend un kit de shoot sorti de nulle part et commence à l'utiliser comme si de rien n'était. Il pense l'avoir envoyé valser, mais il est toujours allongé, comme paralysé, et il a une soudaine envie de boire. De boire un alcool fort. Après tout, il est si stressé ! Il a besoin d'un petit - non, d'un gros - remontant. Il se dirige alors vers le bar du Saloon - que fait-il là ? - et s'apprête à commander quand un sentiment d'urgence le secoue avec une telle violence qu'il en tombe à la renverse.


Le cœur à cent à l'heure, c'est tremblant qu'il regarde frénétiquement partout autour de lui, complètement désorienté.


Le souffle court et bruyant, il reprend peu à peu le fil des évènements et ressent un soulagement, une fierté même, quand il se rend compte qu'il a résisté.

Il a résisté.

Il a résisté à une putain de psychopathe aux pouvoirs surnaturels, il a résisté à l'Envie

- " Putain. Putain." Répète-t-il.

L'espace d'un instant, les larmes aux yeux, il ose espérer être tiré d'affaire. Et puis un gémissement le fait sursauter de nouveau et se tourner vers l'origine du bruit.



Corey a ouvert les paupières. Sa respiration est plus ample, aussi. Sonné, Kay reste figé tel une statue de marbre. Est-il encore en train de rêver ? S'il bouge, l'illusion va-t-elle s'évanouir ? Est-ce le genre de dernier sursaut que les condamnés ont avant de mourir ? Les yeux écarquillés, il observe le malade tourner laborieusement la tête dans sa direction.


D'une voix faible et rauque, son ami demande : 

- " Qu'est-ce-qu'on fait là ?"


Kay, toujours muet, a du mal à réaliser. Il n'y croit pas, même. Parce-qu'il a peur d'oser.

- " Kay ?"

Corey plisse fortement les paupières avant de se les frotter puis son regard se perd au-dessus de son épaule avant qu'il ne murmure :


- " Ça alors..."

Regagné par les panique, Kay fait brutalement volte-face pour voir ce qu'il y a dans son dos.



Stupéfait, il cherche à tâtons la jambe de son ami qu'il secoue frénétiquement.


- " Tu la vois ? Dis, tu la vois ?" Chuchote-t-il. 
- " Oui, je la vois."


- " Salut les gars..."


L'émotion submerge alors le rouquin qui voit ses larmes couler sur ses joues. Le visage de Silvia se plisse sous l'émotion et elle entreprend de faire un pas vers eux. Il se lève, maladroitement, mutique, si bien qu'elle doit lever la tête en même temps que sa main pour lui toucher doucement le visage en une caresse. Elle lui sourit avec affection, puis il se rappelle de la présence de Corey et s'écarte. Lorsque les regards de ses deux amis se croisent, l'attraction qui s'exerce entre eux est presque visible tant Silvia est aspirée dans la direction de Corey. Ils tombent en larmes dans les bras l'un de l'autre tandis que la jeune femme répète en boucle d'incompréhensibles "Je suis désolée". Bouleversé par les secousses de leurs sanglots, Kay craque à son tour et va sans peine, grâce à sa carrure, les envelopper dans une étreinte dans laquelle il place tout l'amour dont il est capable en espérant qu'ils perçoivent ce qui a tant de mal à franchir ses lèvres.











***






Ce sont d'abord des bruits sourds qui lui parviennent, provoqués par les corps qui se déplacent sur le vieux parquet de l'étage. Certains de ses trophées tintent sous les assauts des petits pieds qui, d'en dessous, semblent appartenir à des éléphants. Des exclamations suivent, des rires, des protestations, et puis la question, formulée sans aucune retenue : 

- " Tata, pourquoi tu chuchotes ?!"

Ce qu'il redoutait se produit alors : l'émotion le submerge. Des larmes s'écoulent sans aucun contrôle alors qu'il se fait lentement déchirer de l'intérieur. Les fruits de son amour avec Jane sont là, à portée d'ouïe, de vue, de toucher. La descendance qu'il avait tant désirée, qui devait briser le cercle maudit qui les avait enfermés tous deux dans une spirale viscérale de violence, la seule raison suffisamment puissante et légitime pour cesser le feu dans leurs âmes dévorées par la haine de leurs parents, avait pris corps et foulait le sol de son enfance, à quelques mètres de lui. Pourtant, il ne se précipite pas à leur rencontre. Recroquevillé en boule, le corps secoué de spasmes, il reste obstinément enfermé dans le mausolée qui lui sert de chambre. Ressentant avec une vigueur exceptionnelle toute la fragilité qui est la sienne en ces murs, il se cloue au lit pour épargner à ces êtres, qu'il espère préservé du Mal, le triste spectacle de sa condition. Il compte les secondes comme les moutons afin de tromper la notion du temps qui à la fois le perd et l'enrage dans l'attente de voir sa commande arriver. 
Le monde extérieur suivant son cours, il trouve finalement quelque réconfort dans le départ des enfants et le calme cathartique qui suit naturellement la purge émotionnelle, lui laissant le loisir de profiter d'un semblant de paix avant que son acolyte ne vienne frapper à la porte.




Encore étourdi par sa nuit chaotique, il se lève péniblement pour accueillir son visiteur. À tel point qu'il chute rapidement sur le lit après cette tentative. Il se résigne donc à le faire entrer dans cette position, de dos et en caleçon.

- " T'as fêté ta sortie comme il faut, Boss !"

Le ton est enjoué mais l'enthousiasme est de courte durée devant la mine affreuse de Max, qui se contente de tendre le bras dans sa direction et d'agiter les doigts afin de lui signifier qu'il attend avec impatience qu'il lui fournisse ce qu'il a demandé. L'homme de main s'exécute instantanément et l'observe avaler un comprimer à sec. Max soupire d'aise, car même si les effets ne sont pas immédiats, la certitude d'être soulagé lui apporte un premier réconfort. Il range ensuite le petit sachet qu'il vient de récupérer dans sa table de nuit tandis que son acolyte demeure au garde-à-vous.


Il lui fait alors signe d'approcher et ordonne : 

- " Mets-moi au parfum."


Une fois l'exposé fini, Max demande : 

- " Et Nico ? Toujours pas de nouvelles ?
- " Non. Il n'est jamais réapparu après ton arrestation."

Encore un mystère de plus. Les sourcils froncés, il évoque un autre sujet épineux : 

- " Il se passe quoi avec les Rebs ? La source est en train de se tarir.
- " C'est depuis le nouvel arrangement.
- " Quel "nouvel arrangement" ?"

L'homme de main le fixe d'un air perplexe, puis il semble comprendre : 


- " Putain le bâtard." Il se passe la main sur le visage et lâche : "C'est Oruscant. Il a dit agir sur ton ordre."

Avant même de connaître les tenants et les aboutissants du problème, Max sait qu'il va avoir toutes les peines du monde à rattraper le deal. Il enrage. Son voisin continue : 

- " Il y a autre chose que tu dois savoir. Les filles se sont plaintes."


- " Quoi encore ? Il a pas ses propres nanas depuis la dernière fois ?
- " Y'en a plus aucune qui veut y aller. Il déconne grave, Max. Il ne simule plus les viols. Il s'en prend véritablement à elles. Je sais que c'est pas simple, mais y'a que toi qui a l'envergure nécessaire pour l'arrêter. Non seulement je suis persuadé qu'il utilise l'argent de la came pour les payer, et c'est une ruine vu qu'elles savent qu'elles vont se faire défoncer, mais en plus on a perdu une dizaine de filles avec ses conneries. J'vais être honnête, Max... j'ai pas cherché à les retenir. Mais faut stopper l'hémorragie."


Les yeux fermés, Max jure. Il a autre chose à foutre, putain. Il serre néanmoins les dents et assure qu'il va aller rendre une petite visite à l'héritier Oruscant. Sur ces mots, l'homme de main prend congé et il lui faut encore attendre un petit quart d'heure avant d'être complètement sur pieds. Il se rend alors dans la salle-de-bain pour se préparer quand une silhouette attire son attention dans le salon.


Il stoppe sa course lorsqu'il entend : 

- " Tu remarques enfin que cette maison est habitée."

Il va continuer sur sa lancée, en l'ignorant, quand sa sœur déclare : 

- " Il faut qu'on parle.
- " J'ai autre chose à foutre.
- " Ça m'est égal. Tu as des choses à savoir avant que tu ne vois tes fils."

L'évocation de ses garçons le fait céder et il vient prendre place près de son aînée.


- " Déjà, pour commencer..." Dit-elle en le toisant de haut en bas. "Il y a des jeunes enfants dans la maison. Donc si moi j'avais fini par m'habituer à te voir déambuler dans les couloirs en petite tenue, sache que je ne tolérerai pas ce genre d'accoutrement en présence des enfants. Un peu de décence Grand Dieu !"


- " T'es sérieuse, là ? T'es en train de péter une durite à cause d'un calbar ? 
- " Je "pète une durite" parce-que je sais à quoi m'attendre. Je vois bien que tu n'as absolument aucune notion concernant l'éducation des enfants, mais sache que l'intimité en est une primordiale. Personne dans la maison ne se montre en sous-vêtements, il y a la salle-de-bain pour cela.
- " Putain t'es encore plus chiante que dans mes souvenirs."


- " Oh et ce langage pour l'amour du ciel ! Maximilien tu n'as pas évolué d'un iota durant toutes ces années. Tu n'imagines pas le mal que j'ai eu à élever les triplés... Heureusement qu'il y avait Neha, sinon... Il faut que tu comprennes que malgré les difficultés, on a réussi à former un foyer apaisé dont les membres se respectent. À l'opposé du modèle que nous avons eu tous les trois avec Hugo, en somme. Je ne te laisserai pas tout gâcher. Donc soit tu te plies aux règles de la maison, soit tu t'en vas."


- " Putain mais tu me casses la tête ! Ça fait pas deux secondes que je suis rentré et tu viens me faire chier avec tes airs de snobinardes de mes couilles ! Mais dégage Luna ! J'suis chez moi ici ! T'es pas contente c'est pareil !"


Il voit Luna se fermer, consternée. Ulcéré, il n'en a rien à foutre. Puis il a voit déglutir, rouvrir les yeux et dire  : 

- " La vérité, Max, c'est que tu représentes tout ce que je déteste, tout ce qui me fait peur. J'ai tenté des années durant de communiquer avec toi, de te faire comprendre que je ne suis pas ton ennemie, de faire en sorte que notre relation fonctionne. Parce-que tu resteras toujours mon petit frère."

Il pouffe, dédaigneux, mais elle poursuit sans y prêter attention : 

- " Seulement aujourd'hui les choses ont changé. Je me suis retrouvée avec tes enfants sur les bras du jour au lendemain, sans savoir ce que vous attendiez de moi avec Jane. Cela a été le silence radio depuis que tu es parti pour ce casse au cours duquel tu as été arrêté. Alors je...
- " Jane n'est jamais revenue ?" Demande-t-il d'une voix sourde. La question est sortie toute seule et il en a honte. Mais il brûle également de savoir.
- " Non. Pas un coup de téléphone, par une lettre, pas une visite. Rien. Alors je les ai élevés comme mes propres enfants. Je ne sais pas ce que tu comptes faire, maintenant que tu es revenu, mais je ne te les laisserai pas sans me battre. Je sais ce qui les attend s'ils restent avec toi. Ils méritent mieux que ça. J'ai tout donné pour qu'ils grandissent dans les meilleures conditions possibles malgré le fait qu'il aient été abandonnés par leurs deux parents. Alors je te le dis : je ne me laisserai pas faire. Je suis prête à tout pour les protéger de tes sbires qui débarquent sans crier gare, de tes trafics, de la violence que tu transportes, de ta personne hautement irrespectueuse des autres."


- " Le temps des négociations est terminé. Je suis restée passive lorsque tu maltraitais Hugo... Ça n'arrivera plus. Tu as des enfants extraordinaires, Max, mais certains d'entre eux sont fragiles. Un, en particulier. Un en qui je te retrouve chaque jour un peu plus. Un que je compte bien sauver pour qu'il ne termine pas dévoré par la haine comme toi. Alors crois-moi Max, quand je te dis que tu respecteras les règles ou je me débarrasserai de toi."

Une boule oppressante dans la gorge, une colère dans le ventre si froide qu'elle le sidère, Max préfère détourner le regard. La nuque raide, la mâchoire crispée, il résiste du plus profond de son être contre l'attraction que provoque sur lui le fantôme immortalisé sur sa droite. Parce-qu'il sait que s'il cède, il ne maîtrisera plus la rage qui l'habite depuis sa plus tendre enfance. Cette conne qui le prend de haut ne comprendra décidément jamais rien. Ce portrait ostensiblement exposé en est la preuve. Elle a parlé de sa haine comme si elle y était étrangère... alors que c'est elle qui l'a alimentée jour après jour, ne laissant à l'enfant qu'il était que la cruauté comme seul exutoire. En grandissant, il avait réussi à canaliser ses pulsions, mais dans cette maison, mais Jane disparue, il sent que ses démons grattent à la porte de sa conscience. 


Alors il garde les yeux obstinément fixés droit devant, tandis que Luna, drapée dans une insupportable dignité naïve, cette naïveté aveugle qu'il exècre par tous les pores de sa peau, ne faiblit pas dans sa résolution de lui tenir tête. S'appuyant sur l'aide chimique qu'il vient d'ingérer, il trouve la force de s'écarter d'elle, les yeux cette fois rivés au sol. Parce-que s'il cède, s'il cède au spectre qu'il sent le mettre au défi, il sait que les chimères s'engouffreront et feront de lui l'auteur d'un carnage.






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Commentaires

Eulaline a dit…
Rolalala, quel chapitre!

Sen.
Mais pourquoi faut-il toujours que Sen saute à pieds joints dans des nids de vipères, que ce soit dans sa vie perso ou pro? Il doit être maudit, quelque part, ce n'est pas possible.
Je le trouve vraiment touchant, comme toujours, ce jeune homme qui a plus de plomb dans la cervelle que ne le laissent voir ses choix. Je comprends qu'on s'y attache, qu'Aphro s'y attache. Quelque part, je voudrais presque qu'il ne soit pas si attachant :o mais bon, c'est la galère depuis toujours pour Sen alors vogue la galère et qu'il passe donc de chartybde en scylla puisque tel est son destin * soupire *

Au-delà des dialogues qui sont fantastiques, de la douceur que tu mets en Sen, j'adore la mise en scène de ce couple d'amants. C'est tellement beau, toute cette délicatesse que tu mets dans tes images. On voudrait vraiment pouvoir retrouver ces moments d'intimité dans le jeu. C'est très fort émotionnellement parlant.

Corey.
Oh Corey, Corey, Corey! Tu me fais tellement plaisir, GGo. Quel magnifique chapitre, que d'émotions de voir Kay et Silvia tellement émus d'être ensemble, de participer à ce miracle. Je suis tellement heureuse et émue. Je profite de ce moment intense - d'une telle intensité! Bravo, j'ai adoré.

Max.
Il est l'un de mes perso préférés de No u turn et ce que tu en montres dans ce chapitre, c'est juste incroyable! Mais oui, évidemment, tout prend sens et s'ouvre sur de nouvelles questions. C'est incroyable ce que tu fais de cette histoire et de la façon dont tu l'amènes. Je suis scotchée.
Tellement hâte déjà de découvrir la suite. Merci pour ces moments incroyables de lecture que je passe en compagnie de tous tes personnages, c'est que du bonheur ♥
GGO a dit…
Eulaline Sen va peut-être se rendre compte à un moment qu'il ne peut plus se permettre de garder cette attitude d'adolescent désinvolte... Sen fuit, mais le monde réel le rattrape et commence à briser sa carapace. Reste à savoir ce qu'il y a dessous... Il n'a pas fini d'en baver, le pauvre... ^^" À hauteur de ce qu'il a enterré, en fait...

Oh oui ça m'a fait plaisir de les voir tous les trois réunis, enfin.

Franchement Eul, merci pour tout ce que tu dis, la façon dont tu t'impliques dans le récit, tu le sais, ça donne une autre saveur au partage. L'écriture est un loisir solitaire, mais quand on décide de le partager, c'est justement pour sortir de cette solitude. Pour moi, en tout cas. Donc merci infiniment de m'accompagner. ❤
Mauy a dit…
GGO de retour, pour nous jouer de mauvais tours !

Je retombe à corps perdu dans cette histoire maintenant que tu es revenue...
Scénario, mise en scène, images, comme d'habitude, tout est toujours au top.
Plus les années passent, et plus, subtilement, on ressent la maturité dans ton écriture. C'est beau.

Bon Sen est de retour, et m'a l'air dans des draps louches. Il va quand meme falloir que je retourne me raffraichir la mémoire concernant Max parce que des enfants ? j'ai du oublier quelques détails !

Bref, très heureuse de ton retour sur No U-Turn ! Vivement jeudi !
GGO a dit…
Mauy Oh merci ça me touche beaucoup ! J'ai pas mal tendance à complexer par rapport à mes écrits du prologue, du coup ce que tu dis me rassure beaucoup !

La première fois que sont évoqués les enfants de Max, c'est dans le "Meet Connor" dans le chapitre 2.12 Détour au Bercail. Je te laisse jeter un oeil et on en reparle après ;)

Un grand merci pour ton passage Mauy, ça me fait chaud au cœur !
Agathe La Petite a dit…
Aaaah, Sen ! Tu m'as fait bien plaisir avec cette scène tu t'en doutes ^^. Et en même temps, il est devenu quelque peu fragile, notre ami. Il est évident que ce qui s'est passé à Selvadorada l'a quelque peu ébranlé.
J'aimerais bien savoir, par contre, qui est l'heureuse élue qui a gagné le coeur de mon chouchou XD.
De retour à Oasis Springs ? Eh bien dis donc, on dirait bien que tout le monde revient là-bas. Cela promet un sacré feu d'artifice !

La scène avec Corey, Kay et Silvia est très émouvante. Un peu de bonheur cela fait du bien. Même si je sais bien que rien n'est résolu...

Ah, Max... D'un côté, j'ai envie de le détester, mais de l'autre, j'ai envie de le prendre en pitié. Il ne tient que par la rage et la violence. S'il n'a plus cela, que lui reste t'il ? Est-ce qu'il va arriver à faire connaissance avec ses enfants ou non ? Et en même temps, est-ce bien raisonnable ?
J'ai par contre du mal à comprendre pourquoi il a autant de haine envers Luna, sa sœur. J'ai peut-être raté un épisode ? Ou à moins que tu ne nous as pas tout expliqué ? (et sinon, désolée de ne pas me souvenir)

Quand je lis ton histoire, je sais que je vais être bringuebaler par les sentiments et les actions des personnages. Ce n'est pas de tout repos, mais c'est si intense ♥
GGO a dit…
Agatha Je suis contente de mes photos :D Et oui, tu verras qu'il n'est plus tout à fait le même. J'espère que tu apprécieras son voyage, qui ne va pas être de tout repos non plus !
Ah l'élue... Avec tout ce qu'il se passe, c'est pas du tout facile de la caser. Va falloir attendre la saison 3 parce-que là ça va se corser pour tout le monde et y'a pas le temps de batifoler 😬

J'aime beaucoup l'idée des planètes qui s'alignent :D

Oh oui j'ai beaucoup aimé tourné cette scène et créer cette pose même si ça n'a pas été facile. J'étais émus aussi :D

Le pauvre Max n'a pas eu beaucoup d'options, tu comprendras au chapitre 18 "Heave Oh!"... Et non, tu n'as rien loupé, il garde ça pour lui pour le moment.

Un grand merci pour ton message ❤