Meet... Corey 7



J'ai mis le paquet. 


J'étais bien conscient que le résultat ne serait certainement pas à la hauteur de mes attentes, mais je m'en fichais. Je n'avais plus rien à perdre de toute façon. L'amour propre, je n'ai jamais eu tellement l'occasion d'en avoir, donc j'ai fait comme je l'imaginais dans ma tête depuis des années. Il n'était plus question d'espérer quoi que ce soit, mais juste de me débarrasser de ce qui était devenu un fardeau. Comme ça, ce serait dit, et je pourrais aller de l'avant. Je me sentais serein, même. Pas du tout stressé comme je me le représentais.


Je me suis installé tranquillement, j'ai vérifié mes accords... Nan parce-que j'avais beau être décontracté, c'était quand même l'acte le plus courageux de ma vie, que je ruminais depuis des années, j'allais pas le foirer avec des soucis techniques!


Puis, enfin, je me suis lancé.














































Je ne vais pas mentir, ça m'a fait quelque chose quand elle m'a demandé d'arrêter. Comme si ce qu'elle avait entendu était insoutenable. Mais j'avais promis qu'il n'y aurait pas de rancune. Alors j'ai serré les dents et j'ai tout débranché. Ma guitare et mes émotions. Je ne pouvais pas continuer à souffrir de notre relation comme ça. Elle ne m'aimait pas de la même façon, mais je savais qu'elle m'aimait. C'était déjà bien, alors j'allais m'y faire.
Partir m'aidera, je pense. J'espère. On verra où cela me mène.
C'était très curieux ce que j'ai ressenti à cet instant. J'avais mal, c'était incontestable. Pourtant, je me sentais libéré. Presque heureux.

Complètement déconnecté, j'ai été surpris parce-que j'ai vu en levant les yeux.


- Ne sois pas triste, Silvia. Je vais bien. Merci de m'avoir écouté.
- C'est la pire chanson d'adieu que j'ai jamais entendue !

J'ai froncé les sourcils.

- Bah... Pourquoi... ?
- MAIS ENFIN COREY ! 

Elle s'est essuyé rageusement les yeux avant de continuer :

- MAIS ! JE ! ... ENFIN !
- Mais quoi ? Je t'ai dit que j'avais des choses à dire...
- OUI ! OUI ! Que tu m'en voulais ! Que je t'avais fait souffrir, que tu étais heureux de partir, de me quitter ! Que tu regrettais de m'avoir connue !
- Eh ben désolé de t'avoir encore déçue.

J'avais dit ça avec une telle désinvolture, moi qui me serait ratatiné sur moi-même la veille, qu'elle a cligné des yeux sous la surprise.

Et puis on a pouffé. La goulée d'air échappée sembla emmener avec elle la boule qui était dans ma gorge.
Silvia a repris, complètement désemparée :

- Comment tu peux ressentir ça pour moi ? Après tout ce que tu as subi ? Comment tu fais pour ne pas me détester ? Moi, si...
Elle s'est arrêtée net.


- Quoi ?
- Rien. Laisse-tomber.
- Je peux pas te détester, Silvia. Pas toi. Je déteste la Terre entière, mais pas toi. Toi tu fais ce que tu peux avec ce que tu as. Je te l'ai déjà dit. Tu es gentille, loyale, courageuse. En dehors du fait que j'éprouve des sentiments... euh...romantiques, j'aime la personne que tu es. Tu m'as tellement apporté, Silvia. C'est pour ça que j'avais la trouille que tu te détournes de moi. Parce-que personne ne m'a jamais traité comme tu l'as fait.
- Franchement Corey... C'est pas vrai... Tu as Mara et j'ai pas toujours été hyper cool...
- Alors déjà, Mara me prend pour un chiot et toi ? Tu veux dire que tu avais d'autres centres d'intérêts que moi ? Tu es vraiment une horrible personne.
- ...Tu vas me manquer.

- Toi aussi.
- Promets-moi de ne jamais laisser personne te faire douter de toi. Promets-moi que tu vas aller au conservatoire et que tu vas faire passer les autres pour des débutants.
- Euh...
- Promets.
- Oui, oui. Mais si toi tu promets d'arrêter de te mettre avec des mecs à problèmes. Trouve toi un Hayden, plutôt. Un mec gentil, sincère.
- Pourquoi faire... ? J'ai pas besoin de tomber amoureuse, Corey. Je le suis déjà. 


Je décollais nos fronts, très agacé, quand la suite m'a arrêté dans mon élan.


- D'un type gentil. Sincère. Qui a été là quasiment à chaque moment difficile de ma vie. Qui a toujours fait tout ce qui était en son pouvoir pour me tirer vers le haut, me mettre en valeur. C'est mon tour. Je t'aime Corey. Je ne peux plus être égoïste et ne penser qu'à moi, à te garder là, sous le coude, en train d'étouffer dans le désert d'Oasis Springs quand tu pourrais briller à San M...
Elle l'avait dit.
A partir du moment où elle avait prononcé ces mots, ces mots que je mourrais d'envie d'entendre, je n'avais plus rien entendu. Mes oreilles bourdonnaient, mon cœur tapait, et mon souffle était en suspens.
J'ai cherché ses doigts, doucement, et y ai entrelacé les miens, lentement.
Elle parlait toujours à ce moment là, mais pressait aussi mes mains, les emmenant délicatement dans son dos, me rapprochant si près, si près, que, comme lorsque nous étions enfants, j'avais juste eu à tourner la tête.


Et j'y étais.


Elle avait entrouvert ses lèvres pour accueillir les miennes tandis que mes bras finissaient leur course autour de sa taille et qu'elle s’agrippait à moi.
Ça été bizarre, au début. C'était nouveau pour moi il faut dire. Mais je crois que mes heures d'entrainement devant le miroir ont payé.


Oh je crois que j'aurais pu faire ça toute ma vie. Qui a besoin de respirer de toute façon ? Je veux dire... Mon rêve devenait réalité !

Le problème du réel, évidemment, c'est que les ennuis se rappellent bien trop vite à nous.


- Je vais faire une crise.

On s'est serrés très fort dans nos bras. A s'étouffer. A se faire mal.

Et alors que je croyais qu'elle allait s'échapper, comme toujours, elle m'a dit :

- Chante. Chante s'il te plait. Chante.

J'ai sorti mon nez de son cou et c'est sorti tout seul. Sa chanson préférée. Celle qui parle de marins, de sirènes et de côtes tranchantes qui transforment les femmes en veuves. Je ne sais pas trop comment elle y trouve du réconfort, mais elle l'aime alors je la chante.
Elle luttait fort, ses doigts enfoncés dans ma peau en témoignant.

- Je vais devoir partir...
- Non... Silvia... Pourquoi tu veux me le cacher ?
- Je ne suis pas prête.

J'ai tout de même repris la chanson.
Au bout de quelques secondes, elle s'est mise à chantonner avec moi.
Puis elle m'a dit :

- Je ne veux pas partir. Je veux rester là, avec toi.
- Alors je vais fermer les yeux. Et je vais continuer à chanter autant que tu le voudras.

Elle s'est remise à pleurer, puis m'a embrassé. J'ai automatiquement fermé les yeux, et je l'ai laissée me guider vers la fontaine où l'on s'est assis, enlacés.
Je chantais toujours, j'avais redémarré la chanson.
Elle, se balançait doucement et répétait une sorte de mantra :

- Je peux vaincre cette chose. Je peux vaincre cette chose. Je peux vaincre cette chose.
- Tu vaincras cette chose.
- Je peux le faire. Chante. Je vais le faire. Je vais vaincre cette chose.

Je ne sais pas combien de temps il s'est écoulé. J'étais sonné. Mais je me souviens du moment où elle a éclaté en pleurs à nouveau.

- Corey ! Corey !

J'étais perdu, dans le noir, elle semblait rire en même temps.

- Je l'ai fait Corey ! Je l'ai fait ! 
















Commentaires