Nadia 15.
Nadia était à l'agonie.
Un malaise si puissant l'habitait qu'elle sentait ses jambes perdre de leur force, la menaçant de la faire chuter d'une seconde à l'autre.
Puis, une sensation étrange l'étreignit...
Quelque chose la poussa à regarder par dessus son épaule.
Était-ce un mirage ?
Avait-elle couru trop longtemps sous le cagnard d'Oaz et prenait-elle ses désirs pour une réalité ?
Et l'inespéré se produisit. Il se mit à accélérer la cadence, petit à petit, jusqu'à se mettre à courir vers elle.
C'était lui. Elle le savait, elle le sentait au fond de ses tripes. Elle avait l'impression que tout son être était attiré vers lui. Comme si son cœur l'avait devancé, il bondit en avant et elle n'eut plus qu'à suivre le mouvement.
C'est pourquoi elle ne s'arrêta que lorsque leurs thorax entrèrent brutalement en collision.
Et c'était si bon.
Puis insidieusement, la douleur revint. Elle la chassa, instantanément. Tout allait bien, maintenant. Mais cette garce pernicieuse continuait de la grignoter, inlassablement, si bien que l'adolescente relâcha son étreinte, bien malgré elle.
Car oui, c'était lui, et il était bien là. Et il avait été là, tout ce temps.
Alors pourquoi ne lui avait-il donné aucun signe de vie pendant toutes ces années ?
Elle se détacha alors complètement, et dit :
Il ne répondit pas. Il la fixait, comme choqué. Mais elle avait besoin de réponses. Tout de suite.
Il ferma les yeux, puis dit en l'invitant à le suivre :
- « Viens... Allons à l'intérieur. »
Bon gré, mais surtout malgré, elle le suivit et ils se dirigèrent de concert vers une maison qui ressemblait à tout sauf au taudis décrit par Lin.
Une pointe d'amertume se glissa au fond de sa gorge.
Ce n'est pas un hasard s'il ne s'est pas manifesté. Il n'a jamais eu l'intention de le faire.
- « Je t'ai laissé une lettre.
- « Ah bah parlons-en de la lettre ! Tu m'as bien dit que tu reviendrais, non ?! Que tu ne me laissais pas ! Qu'est-ce-qu'il s'est passé ?! »
- « Euh... C'est à dire ?
- « Des choses dont je ne peux pas te parler."
- « Tu n'as jamais été seule. Les Calcuta...
- « Les Calcuta ne sont pas ma famille.
- « Ils ont pourtant fait 10 fois plus que nos propre parents. Crois-moi, c'est la meilleure chose qui pouvait t'arriver.
- « N'importe quoi.
- « Tu n'as pas grandi d'un pouce... Ouvre les yeux bon sang ! Ils sont ta meilleure chance de t'en sortir !
- « Mais m'en sortir de quoi ?! Tu essayes de m'éjecter de ta vie alors que... que... C'est incompréhensible !
- « Nan mais tu te souviens dans la misère dans laquelle on était ? Tu crois que c'était un bon environnement pour des gosses ?
- « Je m'en foutais ! Parce-qu'on était ensemble ! »
Le dédain dans les yeux jadis si aimants de son frère la terrassa. Elle ne le reconnaissait plus. Était-ce cela dont parlait Lin ? Cette métamorphose ?
- « Dan... J'ai juste besoin que tu m'expliques...
- « Tu as besoin de retourner chez toi. Point.
- « Là-bas ce n'est pas CHEZ MOI ! T'es Bouché ?! EXPLIQUE MOI comment t'es devenu ce mec si hautain ?! Tu ne m'as jamais parlé comme ça !
- « Eh ben peut-être que j'aurais du. Tu as toujours été une sale môme et j'ai toujours été trop complaisant avec toi.
- « Tu mens ! TU MENS TU MENS TU MENS !!! »
Il se leva furieusement de sa chaise pour se diriger vers une des portes sur sa gauche.
Comme souvent, elle tentait tant bien que mal de cacher sa détresse sous le masque de la colère, mes ses lèvres tremblotantes et la brûlure à la racine du nez menaçaient de dévoiler son subterfuge. Même dans ses pires cauchemars, les retrouvailles se passaient mieux que ça. Que lui était-il arrivé ? Qui était-il devenu ?
Alors qu'il disparaissait derrière la porte, elle porta les mains à son visage et appliqua fortement ses paumes contre ses yeux, comme si elle était capable ainsi de refouler ses larmes. Elle tremblait de tout son corps en tentant vaille que vaille de réprimer ses sanglots. Quelques gémissements lui furent arrachés dans le processus, mais elle ne craqua pas. Pas encore. Il n'était pas encore temps.
Les minutes défilaient sans qu'il ne revienne, permettant à son angoisse de perdre un peu d'ampleur et de retrouver une certaine contenance.
- « J'ai dit non ! Je ne supporterai jamais de croiser son regard ! Tout est de ma faute !
- « On en a déjà parlé. Tu n'y es pour rien.
- « Trouve une autre solution. Je te préviens je saute par la fenêtre.
- « Et j'aurais qu'à t'attraper par les pieds parce-que tu seras restée coincée. S'il te plaît, Silvia... »
Le cœur de Nadia manqua de sortir de sa poitrine.
Silvia ?
Comment était-ce possible ? Ça ne pouvait pas être elle...
Avide d'en savoir plus, elle s'approcha davantage :
- « Allez. Il est temps. Elle est trop tenace pour que je la mette simplement dehors. Si elle persiste, elle sera en danger, elle aussi.
- « …
- « Silvia... Ne pleure pas s'il te plait...
- « … D'accord... »
C'était le d'accord le moins crédible qu'elle eut entendu, d'autant plus qu'il semblait trempé de larmes.
Elle entendit alors un petit bruissement, un « sshhhhh » d'apaisement, et elle comprit. Il était en train de la réconforter.
Combien aurait-elle donné pour être à la place de cette « Silvia » ? Jusqu'à sa propre vie. Un sentiment qu'elle avait déjà touché du doigt vint l'assaillir et remplir tout son être : la jalousie.
Le bruit d'un baiser – certainement sur la tempe – puis un « Allez » la ramena à elle alors qu'elle se sentait prête à défoncer la porte pour leur sauter sauvagement à la gorge.
Lorsqu'elle fut à sa hauteur,
cette « Silvia » parut anéantie.
- « Je te présente
Silvia, Nadia. Notre sœur. »
Evidemment, l'idée avait déjà
fait son chemin donc la surprise ne fut pas violente. Mais elle avait
tellement de mal à y croire !
Et puis elle ouvrit les yeux.
Il n'y avait plus de doute. Même
si elle ne se reconnaissait pas dans ce visage pleurnichard,
c'était son portrait craché au même âge.
- « Elle a été enlevée
bébé et on nous a fait croire qu'elle était morte. Nos parents
ont mené l'enquête et se sont aperçus que les bébés disparus au
cours de l'Epidémie du Berceau étaient séquestrés dans un centre
où étaient pratiqués des tests sur eux. Ils ont réussi à
s'introduire là-bas et ont délivré Silvia. Maman y est restée
apparemment et Papa a disparu après m'avoir confié Silvia. Depuis
je cherche un moyen de sauver les autres. »
Et puis elle ouvrit les yeux.
L'adolescente était sonnée par toutes ces informations. Il lui avait semblé entendre quelque chose au sujet de sa mère et de son père, d'un drame passé, mais rien ne semblait l'atteindre.
Parce-qu'elle n'avait qu'une idée en tête : récupérer son frère.
Pendant son explication, Daniel s'était rapproché d'elles et avait posé une main protectrice sur l'épaule de leur jeune sœur qui semblait au fond du trou. Nadia en avait eu un haut le cœur.
- « Voilà, tu sais tout. »
Pas vraiment. Elle avait tellement de questions. Mais par dessus tout, une obsession qui la fit se lever de sa chaise :
- « Je vais avoir 18 ans
dans quelques mois ! Je peux t'aider !
- « Tu ne comprends pas, Nadia. C'est dangereux.
- « Je m'en fiche ! Je veux t'aider !
- « Nadia... Tu vois quoi, là ? »
D'un mouvement de menton il lui indiqua sa droite.
La scène faisait côtoyer une
batte de baseball et un sac d'écolier.
- « Tu trouves ça normal ? C'est ça, la vie que tu veux ?
- « Oui. »
Parce-qu'elle n'avait qu'une idée en tête : récupérer son frère.
Pendant son explication, Daniel s'était rapproché d'elles et avait posé une main protectrice sur l'épaule de leur jeune sœur qui semblait au fond du trou. Nadia en avait eu un haut le cœur.
- « Voilà, tu sais tout. »
Pas vraiment. Elle avait tellement de questions. Mais par dessus tout, une obsession qui la fit se lever de sa chaise :
- « Tu ne comprends pas, Nadia. C'est dangereux.
- « Je m'en fiche ! Je veux t'aider !
- « Nadia... Tu vois quoi, là ? »
D'un mouvement de menton il lui indiqua sa droite.
- « Tu trouves ça normal ? C'est ça, la vie que tu veux ?
- « Oui. »
- « Tu ne sais pas de quoi tu parles.
- « T'as qu'à m'expliquer.
- « J'ai l'impression de parler une autre langue. Tu as la chance d'évoluer au sein d'une famille aimante qui peut t'apporter tout ce dont tu as besoin. Pourquoi tu t'évertues à tout foutre en l'air ?
- « Ce n'est pas ma famille. »
Ce fut la phrase de trop.
- « Toutes ces années je les ai vécues en t'attendant. En croyant ce que tu m'avais écrit et que je n'avais pas reçu tes lettres. En pensant que je te manquais. En me rappelant ce lien qui nous unissait. Ce lien qui m'a empêchée de sombrer quand tu es parti. Quand je souriais, c'était quand je pensais à toi. Au fait qu'un jour, on se retrouverait. Tu... Tu... »
Les larmes coulaient à présent, transformant sa voix en un gémissement plaintif :
- « Tu es tout ce que j'ai.
- « J'étais. Il est temps que tu te construises par toi-même et que tu sortes de mes jupes. »
Ses mots étaient si froids, si violents. Elle ferma les yeux et fut secouée de sanglots.
- « Ne fais pas ça...
- « C'est déjà fait. Va-t-en. »
Elle pleurait maintenant à chaudes larmes, ses yeux et son nez coulant abondamment. Elle avait mis ses tripes à l'air, lui confiant le fond de son âme, et il piétinait le peu d'amour propre qui lui restait.
- « Sors d'ici et ne reviens jamais. »
Elle entendait sa « soeur » gémir à coté. Qu'est-ce-que ça pouvait bien lui faire, à elle ?
Sans un regard pour eux, elle prit la porte.
L'air du désert, plus frais la
nuit, lui déclencha une cascade de frissons. Elle descendit
lourdement les marches, tournant le dos aux fenêtres. Elle voulait
se retourner, si fort. Se retourner, et voir qu'il se précipitait
vers elle pour la retenir. Mais elle savait maintenant que ça
n'arriverait pas. Elle s'interdit alors tout regard en arrière et
rassembla les dernières forces qui lui restaient pour s'éloigner le
plus vite possible.
Hébétée, elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle était montée dans le bus qui la ramenait chez les Calcuta. Une fois installée, son portable s'était rappelé à elle en se positionnant mal dans sa poche. Elle s'était ainsi aperçue qu'il était éteint et le clapet de la batterie à semi-ouvert. Elle avait arrangé cela et l'avait rallumé avant de le remettre là où elle l'avait trouvé.
Une fois arrivée, elle voulut vérifier l'heure afin de savoir si elle allait devoir ruser pour ne croiser personne. Elle sortit alors de nouveau son téléphone et composa son code pin.
Quelques instants plus tard, le mobile se mit à vibrer frénétiquement.
A la lecture de la pluie de message, une décharge électrique explosa dans son cerveau et se répandit à ses extrémités.
Tous les messages semblaient affolés, mais ceux de Yang les surpassa tous :
« Miko est en garde à vue. »
« Ils ont porté plainte pour
coups et blessures sur un mineur. »
***
Hébétée, elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle était montée dans le bus qui la ramenait chez les Calcuta. Une fois installée, son portable s'était rappelé à elle en se positionnant mal dans sa poche. Elle s'était ainsi aperçue qu'il était éteint et le clapet de la batterie à semi-ouvert. Elle avait arrangé cela et l'avait rallumé avant de le remettre là où elle l'avait trouvé.
Une fois arrivée, elle voulut vérifier l'heure afin de savoir si elle allait devoir ruser pour ne croiser personne. Elle sortit alors de nouveau son téléphone et composa son code pin.
Quelques instants plus tard, le mobile se mit à vibrer frénétiquement.
A la lecture de la pluie de message, une décharge électrique explosa dans son cerveau et se répandit à ses extrémités.
Commentaires
Il faut tout digérer, là: la cruauté de Dan derrière, c'est vrai, une vérité mais qui sans doute aurait mérité d'être un peu moins brutale.
Bien sûr, quand on n'a pas la tête dans le guidon et qu'on observe les événements avec recul, on se dit que bien sûr, il a raison de secouer Nadia et que c'est bien vrai qu'elle a une chance phénoménale d'être parmi les Calcuta.
Néanmoins, on grince des dents. Sa trahison est et reste vis à vis de Nadia et le coup qu'il vient de lui porter ne sera pas forcément salvateur. Bien au contraire... oh, j'espère me tromper.
Voir, découvrir la petite Sylvia m'a totalement retournée. Pauvre petit cœur :(
Et zou, à peine l'émotion passée, me voilà avec Django en garde à vue à cause :(
Mais waouh quoi...
Vraiment géant! géant! géant! Tu es tellement-tellement douée, c'est fabuleux.
Allez, zou: la suite :D
Merci beaucoup pour ton message qui me va droit au coeur. :-)
Merci de ton passage :-)
Mais quand même, il a été beaucoup plus dur que ce que je pensais. Mais, il faut ce qu'il faut. Et en te lisant, on sent que ça lui fait autant de peine qu'à elle. Rien que cette scène de retrouvailles... Et puis il se retrouve chez lui et la réalité s'impose...
La pauvre Sylvia, au milieu de tout ça, pas étonnant qu'elle finisse comme elle fini ;)
Et maintenant que Nadia est rentrée, et qu'elle a l'air d'avoir bien d'autres soucis que son frère, je me demande comme elle va régir à tout ça !
En tout cas, comme d'habitude, c'était un vrai plaisir de se plonger dans ton esprit pour cette petite pause littéraire. Ça va être tellement triste quand ça va s'arrêter... Mais j'espère que ça sera pour mieux revenir ! :)
C'est sûr que le sentiment de culpabilité de Silvia est énorme...
La réaction va se faire sur plusieurs chapitres ;-)
Merci :-)
Hum...
:-)
Les mots de Dan sont super durs et mettent encore plus au fond du trou, Nadia...
Le pauvre Fabien, il n'a fait que de défendre une camarade mais comme tout le monde se tait sur les faits exacts... bande d’hypocrites ;)
Mais eeuuuuhhhh ! J'suis pas une sadique !
Ouais, il a pas de chance sur ce coup là...
et là, tu nous sors que Fabien est en taule... donc encore un coup au moral de notre petite Nadia qui n'est plus très haut suite au tête à tête... et donc au notre aussi parce qu'on ne s'y attend pas