Meet... Julie
C'était
une matinée comme les autres...
La journée s'annonçait belle.
Elle
se souvient avoir regretté l'absence de Mario.
Mais
c'était ainsi.
Leurs
métiers respectifs les amenaient plus qu'ils ne l'auraient souhaité
à quitter le cocon familial.
Un
cocon rassurant, rempli d'amour.
-
"Maman ?"
Son
cerveau avait eu un raté. Heureusement ses réflexes avaient fait
leur boulot, permettant à sa main gauche de garder tous ses doigts.
-
"Maman ?"
La
tétanie l'empêchait de répondre.
La
main droite crispée sur le couteau planté dans le bois, Julie
attendait. Comme si les personnes qui venaient de frapper allaient
disparaître.
Ils
ne lui avaient pas fait ce plaisir. Ce soulagement.
Elle
avait mobilisé tout le courage dont elle avait pu faire preuve et de
sa voix chaude rendue rocailleuse par l'émotion, elle avait dit :
-
"Va prendre ta douche mon cœur.
-
"C'est qui ?
-
"Va prendre ta douche."
Elle
n'avait jamais autant détesté l'insigne.
-
"Madame Giani..."
Elle
ne se souvient plus des propos du policier.
Seulement
que son pire cauchemar prenait forme devant elle.
-
"Maman ? Tu peux me dire maintenant ?"
"Capitaine
? Capitaine Giani tout va bien ?"
La
voix du commandant grésille dans les haut-parleurs du véhicule.
"Oui
mon Commandant. Pardon. J'ai... Je... J'ai eu un moment d'absence.
"Vous
me mettez dans une situation très compliquée Capitaine.
"J'en
suis consciente mon Commandant.
"Capitaine...
Je me dois de parler avec franchise. Votre entreprise est dangereuse.
Et vouée à l'échec. Il vous reste votre fille. Je peux vous
libérer de toutes vos obligations, Capitaine. Dites-le moi. Et
demain vous êtes un civil avec de beaux états de service et à
l'abri du besoin.
"...
"Capitaine. Réfléchissez. Prenez le temps. Rien ne presse.
"...
"Capitaine.
Je vous en conjure. Si vous persistez dans cette voie, non seulement
je ne pourrai pas vous protéger, mais en plus vous vous exposez à
la cours martiale. Et je ne parle même pas de votre propre vie.
"Ma
décision est prise mon Commandant.
"Capitaine...
Julie... S'il vous plaît. Revenez à la raison. Vous serez seule. Je
ne pourrai pas vous suivre. Et qui va prendre soin de votre fille ?
... Oh attendez... Qu'est-ce-que... Vous avez embarqué le lieutenant
Arbarès ? Je vois qu'elle a aussi pris un congé sans solde...
"Acceptez-vous
mon congé, mon Commandant ?
"Comment
voulez-vous que je ne l'accepte pas, Capitaine ?! Je n'ai pas envie
de vous traîner en cours martiale triple buse ! ... N'y a-t-il
rien que je puisse dire qui vous fasse changer d'avis ?"
"Non."
-
"Bonjour Madame Giani ! Vous avez fait bonne route ?
-
"Très bien merci.
-
"Bon, on commence ? Vous en avez visité beaucoup ?
-
"Non.
-
"Vous en avez sélectionné combien ?
-
"Une. Je pense que celle-ci fera l'affaire.
-
"Oh vous êtes confiante ! Allons-y alors."
-
"Vous avez soif ? C'est qu'il fait chaud dans le désert !
-
"Non merci.
-
"Ne vous fiez pas à la luminosité, ce n'est pas la bonne
heure. Venez par ici."
-
"Je ne vous raconte pas les petit-déjeuners que vous allez
passer ici. Vous ne sentez pas cette atmosphère ?"
L'agent
immobilier gonfle bien ses poumons :
-
"La propriétaire m'a dit avoir passé de merveilleuses années
dans cette maison. Elle doit être remplie de bonnes ondes ! Je vous
montre les chambres ?"
-
"Il y a 3 petites chambres comme celle-ci, plus une plus
spacieuse pour les parents. Hum... Ce devait être la chambre du
garçon celle-là... Figurez-vous que Monsieur et Madame Calcuta ont
une histoire bien particulière ! Ils n'arrivaient pas à avoir
d'enfants. Ils ont donc décidé d'en adopter. Ils sont tombés sur
deux petits... enfin pas si petits... Mais bref... Et peu de temps
après ! Miracle ! Elle tombait enceinte !
-
"En effet... Il y a d'autres chambres vous me disiez ?
-
"Ah oui."
-
"Comme c'est mignon... C'était la chambre de leur premier
enfant biologique, celle-là. Ça a pas du être facile pour les deux
pièces rapportées si vous voulez mon avis. D'ailleurs, je crois que
le grand est parti sans laisser d'adresse à ses 18 ans tout pile.
Vous voyez la reconnaissance... et...
-
"Et la chambre suivante ?
-
"Ah oui."
-"Ah
ces escaliers... je ne peux plus les voir en peinture.
-"Vous
avez eu beaucoup de visites pour cette maison ?
-"Non,
non. Vous êtes la première. Ils viennent juste de mettre en
location. Les propriétaires ont eu du mal à me la confier, je peux
vous l'dire !"
-
"Ah bah ça devait être la chambre de la petite rebelle
celle-là. La deuxième adoptée. On raconte qu'elle leur a fait une
vie ! Toujours au poste ! Le père Gerold pouvait plus la voir... Ah
je peux vous dire qu'elle a fait un sacré foin à l'adolescence.
Elle a embarqué dans ses bêtises un jeune sportif et ne me demandez
pas pourquoi - la jalousie sans doute - mais il s'est battu avec un
jeune prodige de son équipe et lui a bousillé un genou. Quelle
tristesse... Un gamin si prometteur... Enfin... Résultat, le petit
copain a été viré de l'équipe et s'est fait la malle avec la
gamine. Dieu seul sait ce qu'ils font aujourd'hui. D'ailleurs je
crois que...
-
"Je la prends.
-
"Ah très bien. Je vais quand même vous montrer la grande
chambre...
-
"Ce ne sera pas nécessaire. Je suis sûre qu'elle sera très
bien.
-
"Bon, d'accord. Un petit tour à l'extérieur quand même... Si
si j'insiste !"
-
"Voilà, vous avez même une petite piscine ! Un jardin pour vos
enfants... Vous en avez ?
-
"Oui, une fille.
-
"Oh très bien. Un c'est bien. Il y a toujours des jalousies
sinon. Et votre mari va vouloir visiter ?"
Veuve
éplorée. Être une veuve éplorée.
-
"Il est décédé.
-
"Oh... Mais... Une minute... Giani... Giani... Ce ne serait..."
-
"Ce ne serait quand même pas ce journaliste qui a eu un
terrible accident de voiture à la sortie de la ville ? Ça a été
un choc d'une violence inouïe il parait..."
Garder
son calme.
-
"Si. Il s'agit bien de lui.
-
"Oh... Quelle tragédie. Et vous venez ici pour vous rapprocher
de lui c'est ça ? De sa dernière demeure ?
-
"Oui, c'est cela.
-
"Oh comme je comprends. Quelle tragédie. Bon. Ahem. Vous pensez
changer des choses ? Le propriétaire gère une entreprise générale
du bâtiment...
-
"Oh... Deux trois bricoles.
-
"Allez le voir, au besoin. Il habite de l'autre côté de la
rue. Bon, eh bien voici les papiers... Vous avez le chèque de
caution ? Très biieeennn, bon... Voici mes clés. Bienvenue alors !"
-
"Merci Madame...
-
"Amber. Appelez-moi Amber.
-
"Merci Amber."
Le
départ de l'agent immobilier la déleste d'un énorme poids. Si elle
avait réussi à lui survivre, les autres habitants d'Oasis Springs
ne devraient pas lui poser de problème.
Lasse,
n'ayant aucun meuble pour s'asseoir, elle s'allonge à même le sol.
Ça
y'est. La première pierre est posée.
Ce
sera long.
Ce
sera certainement dur.
Mais
ça le sera moins que de cramer à l'intérieur sous les flammes
d'une vengeance inassouvie.
Il
y a sept phases dans le deuil. Le choc et le déni sont passés.
Place
à la colère.
Commentaires
De plus j’aime beaucoup ce personnage en apparence discret et effacé mais qui en fait sait très bien ce qu’elle fait et ce qu’elle veut.
Encore merci. ❤