Meet... Corey 4





Qu'est-ce-que ça me gonfle. Cette espèce d'alarme qui s'allume chez les filles dès qu'elles voient un mec musclé torse nu. Et eux ? Ils sont obligés de se balader à poil tout le temps ? Est-ce-que je le fais moi ? Hein ? Sérieux...




Bah non. Parce-que quand ça arrive, pour se baigner, par exemple, eh ben je complexe à mort.
Mais là de toute façon, personne ne faisait attention à moi.
J'ai donc appris qu'il était arrivé quelques semaines auparavant et qu'il était originaire du quartier plus-si-populaire-que-ça de Del Sol Valley, plus au nord. Il avait entendu dire qu'il y avait des logements à loyer modéré disponibles dans une zone réhabilitée d'Oaz'.

Si je le croise ce maire un jour... Bref. Il paraît qu'il chante aussi. Gé-nial. Silvia a d'ailleurs tout de suite eu la magnifique idée de proposer qu'on monte un groupe. Mais bien sûr.


Donc après le faux chat, on a eu un nouvel animal de compagnie. 




Sauf que celui-là a eu un effet bizarre sur les vêtements de Silvia. Plus le temps passait, et plus je voyais ses T-shirts raccourcir.
Pourquoi...




Pourquoi... 




Pourquoi.

J'étais donc revenu à mon banc de touche, voyant leur relation évoluer romantiquement ; bien que dès le début elle se soit révélée houleuse. On se raccroche à ce qu'on peut, mais je me suis dit que ça n'allait pas durer. Je l'espérais très fort, en tout cas. Encore plus qu'avec aucun autre. Parce-que Kay (oui il s'appelle Kay - on peut pas tout avoir), dès le début, j'ai senti qu'il y avait un truc qui n'allait pas. Et ça s'est confirmé jour après jour. J'ai tout de suite détesté cette façon qu'il avait de regarder Silvia, de l'attraper, que ce soit par le bras ou par la taille, par les cheveux parfois pour l'embrasser. Cette image me donne envie de vomir. Il a cette espèce d'aura dominatrice qui le fait toiser tout le monde avec un sourire carnassier. Et il est très jaloux. Il m'a mis sur la touche très rapidement et j'ai appris qu'il faisait des scènes à Silvia quand je n'y restais pas, notamment la nuit où, à cette époque, on dormait toujours "ensemble". Mais elle ne me disait rien. Ni sur ma présence, ni sur les bleus sur ses bras. J'ai commencé à m'affoler quand j'ai vu un coquard sur un de ses yeux, soi-disant résultat d'une séance d'entrainement avec un Kay auto-proclamé moniteur de full-contact. C'est vrai qu'elle pratiquait déjà une sorte de self-défense avec Dan, mais jamais il ne l’avait frappée de sorte à ce qu'elle soit marquée ainsi. Elle l'a justifié en me disant qu'il fallait qu'elle apprenne à encaisser les coups si elle voulait s'endurcir. Je crois que ma mâchoire en est tombée quand elle m'a dit ça. Ma tête l'a faite rire et elle m'a dit de ne pas m'inquiéter en me donnant une petite claque "amicale" sur la joue. Exactement comme Kay avait l'habitude de faire. Mes tripes se sont tordues et j'avoue, les mots m'ont manqué. Mais qu'est-ce-qu'elle pouvait bien lui trouver? L'absence de Daniel ne m'avait jamais parue si interminable. Aussi absorbé qu'il était par ses affaires qu'il pouvait être, jamais il n'aurait laissé Kay frapper Silvia, entraînement ou pas. Surtout que j'ai eu de sérieux doutes sur certains des bleus qu'elle s'est mise à cacher. Je la sentais me glisser entre les doigts et je ne pouvais rien faire.
Alors j'ai envoyé un message à Daniel, lui disant qu'il fallait qu'il rentre, que j'étais inquiet du tournant que prenait la relation entre Silvia et Kay. Message qui est resté sans réponse. Alors j'ai pris mon mal en patience. Encore. On aurait pu me décerner une médaille à mon avis, je devais bien avoir atteint un record, quel qu'il soit. Et puis je me rassurais en me disant que chaque jour qui passait me rapprochait du moment où il allait rentrer.

Ce qui, fatalement, est arrivé.



On devait être couchés depuis 1 ou 2 heures quand j'ai entendu un vacarme pas possible dans le salon, comme si on jetait les meubles à travers la pièce. La première pensée qui m'est venue, c'est que Kay venait pour me défoncer la tête. D'abord tétanisé, la voix qui m'est parvenue au travers des murs m'a finalement rassuré. Enfin, à moitié dira-t-on. Je suis donc sorti de ma chambre pour voir ce qu'il se passait et je suis tombé sur Daniel, hystérique, qui tentait de choper Rog.




Je n'avais jamais vu le frère de Silvia dans cet état là. L'agressivité qu'il dégageait alors m'a complètement figé, m'empêchant de venir au secours du pauvre chaton.
Puis un hurlement avait attiré notre attention.
C'était Silvia qui se précipitait vers son chat pour empêcher Daniel de l'attraper.




-Mais t'es complètement malade !! Qu'est-ce-qu'il te prend !!!
-C'est quoi cette bestiole encore !
-C'est mon chat ! Mais tu le saurais si tu passais de temps en temps ici !




-C'est pas un chat, c'est un raton laveur abrutie !
-J'm'en fiche ! Je l'ai sauvé, j'le garde !
-C'est hors de question !
-Qu'est-ce-que ça peut te faire ?! T'es jamais là ! Ça fait des années que tu pars à droite et à gauche sans jamais rien me dire ! C'est limite si tu me préviens ! Je vis ici toute seule depuis que je suis petite ! Mais tu t'en fous ! Tout ce qui compte c'est le groupe et quand t'es pas avec eux t'es avec Sharon ! C'est comme si j'existais plus pour toi !



-J'espère que tu plaisantes ?
- NAN ! JE PLAISANTE PAS ! Tu m'as ABANDONNÉE ! Si Corey n'était pas là je... ! Je... ! 




Il a alors semblé prendre conscience de ma présence et franchement, je me demande pourquoi je ne suis pas allé me réfugier dans ma sa chambre. Mais j'étais là, les pieds dans un saut de goudron, à assister à ce qui devait être la plus grosse dispute entre Silvia et son frère.

-Qu'est-ce-qu'il fait là à cette heure là, lui ?

Silvia a alors eu un rire nerveux :


-Mais il a pris ta place ! Il est là pour moi quand ça va pas, mais quand ça va aussi, figure-toi ! Il se préoccupe de moi, lui ! Parce-que je vais pas bien ! Les crises se rapprochent et deviennent de plus en plus violentes mais comme t'es jamais là tu ne vois pas tout ça ! J'AI PEUR ! JE SAIS PAS CE QUI EST EN TRAIN DE M'ARRIVER ET TU ME LAISSES TOUTE SEULE !




-TU CROIS QUE JE FAIS QUOI D’APRÈS TOI ? TOUT CE QUE JE FAIS, JE LE FAIS POUR TOI! TU N'AS PAS IDÉE DE CE PAR QUOI JE DOIS PASSER POUR TE SORTIR DE LA ! ALORS NE M'ACCUSE PAS DE M'EN FOUTRE ET DE T'ABANDONNER PARCE-QUE JE ME CASSE LE CUL TOUS LES JOURS ET TOUTES LES NUITS DEPUIS DES ANNÉES POUR TROUVER UNE SOLUTION!




-J'y crois plus à tes mensonges. Tu disparais des mois durant et rien ne bouge.
- C'EST LONG SILVIA ! C'EST LONG!
- Si tu passais moins de temps avec ta copine peut-être que ça irait plus vite...

Dan a alors bondi sur elle pour lui attraper la mâchoire et mettre quasiment leurs fronts en contact, Silvia ployant sous la douleur :

-Tu sais ce qu'il en est avec Sharon. Ne me pousse pas à bout. Parce-que je te jure que je suis à deux doigts de péter les plombs.

Silvia a alors relevé les yeux d'un air de défi et a fait un geste que je ne la pensais pas capable de faire.
Elle a attrapé un des doigts de son frère avec sa main gauche, l'a tordu et a propulsé rapidement sa paume droite contre le plexus de Daniel, soufflant sous l'impact et lâchant sa prise, mais sa main gauche ayant le réflexe de rattraper sa sœur par le bras droit.
Cet instant m'a paru interminable. Ils sont restés ainsi plusieurs secondes, sans parler, se fixant durement.
Puis Dan a desserré sa poigne et Silvia a filé dans sa chambre.




Elle a juste eu le temps de glisser un tremblant :

-Rentre chez toi Corey.
... Avant de claquer la porte.

L'attention de Dan s'est alors reportée sur moi.




 -Tu n'as rien à faire ici. Prends tes affaires et débarrasse le plancher. Je ne veux plus te voir. Reste loin de Silvia.

Mes mains tremblent encore en pensant à ses paroles. C'était tellement injuste. Mais j'avais l'impression que si je ne lui obéissais pas, il pouvait s'en prendre à moi.

Daniel m'a toujours intimidé. Il a toujours été distant, la plus part du temps silencieux, pensif, soucieux. Il dégage une aura passive-agressive qui m'a toujours mis mal à l'aise. Mais jamais je n'avais eu peur de lui comme ce soir là. Jamais je n'aurais pensé qu'il aurait pu nous blesser, Silvia ou moi. Au contraire, même. Car paradoxalement, même s'il m'impressionnait, je savais qu'il gardait un œil protecteur sur nous, en particulier quand on était au club où on pouvait côtoyer des personnes pas toujours fréquentables ou bien intentionnées. C'était discret, mais je savais qu'il nous surveillait du coin de l’œil. Il me semblait aussi qu'il approuvait notre relation, à Silvia et moi. Jusqu'à ce soir.
On avait l'habitude de le voir rentrer le visage contusionné, une main dans le plâtre ou le T-Shirt ensanglanté. Si ça me choquait au début, j'avais fini par me faire à ces marques de violence.
Mais cette nuit-là, rien de tout cela.
Pourtant, il ne m'avait jamais semblé si abîmé.




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