Meet... Corey 9




Hors du temps.

De l'espace.

Du monde.


Il n'y avait qu'elle. Et moi. Pour la première fois depuis longtemps, il n'y avait que nous. Nous avons donné vie à l'expression "Vivre d'Amour et d'Eau Fraîche".



Bon, c'est vrai, il y a eu des sandwichs aussi. Mais très peu. Et c'est Silvia qui a presque tout mangé. Moi j'étais trop occupé à essayer d'écrire des chansons. Mais j'étais devenu sacrément nul. J'avais beau sortir des "Je suis heureux" "Je t'aime" et des "Enfin", bizarrement, par un mécanisme très curieux, ça rendait moins bien que "Je suis malheureux" "Aime-moi" "J'en peux plus". Mais je n'allais pas me plaindre ! Je me faisais rire tout seul, même ; et Silvia aussi d'ailleurs, puisqu'on faisait tout pareil. 


Je ne savais pas ce qu'était le bonheur, avant. Je le découvrais ici. 



Avec elle.

On célébrait notre amour.


De toutes les manières possibles.


Et je peux le dire ici, j'avais du retard à rattraper. D'autant plus que je me savais en sursis. J'avais cette phrase en tête, que j'avais entendue plusieurs fois dans des films que je regardais en version originale : Make It Count.
Alors je me suis donné, dans tous les sens du terme. Et pour la première fois, j'ai reçu. A la fois ce qu'elle m'a procuré, à cet instant, mais aussi ce que j'ai récolté, à force de patience durant toutes ces années. Je me savais enfin aimé pour ce que j'étais.
Assis l'un en face de l'autre, aussi proches que l'on puisse être, je l'ai vue s'abandonner entièrement à moi. Je n'en ai pas loupé une miette. Ou très peu. Et je croyais avoir atteint l'extase, secoué de frissons, quand elle m'a achevé en s'agrippant à moi et en chuchotant à mon oreille :

- Je t'aime tellement.

Du bonheur. Dans sa forme la plus brute et la plus pure.

Dans notre bulle, nous n'avions que très peu conscience du monde extérieur. Je sais maintenant que ça a été notre erreur. Mais sur le moment, je ne m'en souciais pas, trop occupé à ne plus toucher terre.

Puis quelques jours sont encore passés, et Mara est venue prendre de nos nouvelles et discuter ravitaillement...de toute sorte. Après le frigo je l'ai vue se diriger vers la commode, un sac en plastique dans la main, et ouvrir le premier tiroir à gauche. Je voulais paraître décontracté et ne pas regarder mais je crois qu'à la place je suis resté à la fixer, rouge de la tête aux pieds. Je l'ai donc observée se retourner lentement, interloquée, cherchant quoi dire mais ne pouvant qu'émettre un son de gorge. J'avais coupé la chique à Mara. Encore une autre médaille à mon actif (bien plus sympa celle-là). Elle a fini par pouffer et a vidé le contenu de son sac dans le tiroir.

Rassurée à notre propos, elle nous a donné des nouvelles des autres. Tout le monde était très inquiet. Dan, qui était parti, est revenu plus tôt que prévu - contre les ordres de Jane apparemment si on en croyait leurs échanges tendus - et commençait à montrer des sérieux signes de nervosité. Mais Silvia ne voulait rien savoir, ne voulait rien lui dire, comme si elle avait l'intention de lui faire payer toute la détresse qu'elle avait accumulée toutes ces années. Son regard changeait du tout au tout quand on abordait le sujet, alors avec Mara on a décidé de laisser tomber. C'était compliqué pour moi de ne rien dire à mes parents non plus. Mais je savais que Dan allait les voir tous les jours pour voir si j'étais rentré donc je ne pouvais pas me permettre de leur en dire trop. Je leur ai juste envoyé un message disant que j'allais bien. Silvia m'a interdit de parler d'elle. J'ai trouvé ça cruel, mais comme je ne pouvais rien dire pour la dissuader, je me suis contenté de remonter sur mon nuage.


Mara et Auré profitaient de leurs passages pour avancer sur un projet qu'elles avaient, en lien avec leur association de défense des droits... de... des... Honnêtement je ne sais plus, elles défendent tellement de causes... Toujours à San Myshuno en train de manifester ces deux-là.
Bref. Elles râlaient de nous voir toujours collés l'un à l'autre, mais j'ai bien vu qu'elles nous couvaient d'un regard attendri quand on ne les regardait pas. C'est à dire 90% du temps. C'est vrai qu'on aurait pu nous croire siamois. Il n'y avait que sous la douche qu'aux toilettes où on se laissait un peu d'intimité.

Mine de rien, je crois qu'on leur a fait du bien. Toutes les deux très réactives, et Auré étant en conflit permanent avec sa famille, leur relation était explosive. Si j'ai bien compris, elles étaient encore fâchées, au moment où on a débarqué avec Silvia, mais il m'a semblé qu'elles se sont un peu retrouvées au cours de ces jours là.


Cupidon devait être dans le coin, sans doute.


Alors merci, Cupidon. Merci pour tout. Je me souviendrai de tout, de chaque seconde, de chaque regard, de chaque baiser, chaque caresse. Ça m'aidera à surmonter les événements qui ont suivi. A oublier, si j'ai de la chance. Parce-que je lui ai promis. Pas de rancune.


Je ne saurais pas l'expliquer... Mais je sais qu'elle l'a senti arriver.






On était pétrifiés. 


Une colère blanche irradiait jusqu'à nous, nous maintenant à distance. 


J'ai cherché les doigts de Silvia pour y trouver du courage et lui apporter du soutien.
Elle a pressé ma main dans la sienne et m'a ordonné :

- Ne t'en mêle pas. Quoiqu'il arrive. C'est compris ?
- ...
- C'est compris Corey ? C'est entre lui et moi. Toi tu ne bouges pas.
J'ai hoché la tête, content d'être gardé à distance et honteux dans le même temps. J'aurais aimé d'être de ceux qui s'interposent. Mais je suis dans le camp de ceux qui obéissent aux ordres. Et puis ça n'aurait rien changé de toute façon, c'est plutôt clair aujourd'hui.


Elle a dénoué ses doigts et s'est avancée, rigide, pour lui ouvrir la porte. Sur le coup, je me suis demandé s'il n'aurait pas mieux fallu la laisser fermée, mais soyons lucide, ce ne sont pas quelques carreaux en verre qui auraient arrêté Daniel.


Il allait parler mais elle l'a devancé :

- Je reste ici.
Je crois que ce soir là, Daniel a passé un nouveau cap dans la maîtrise de lui-même. Il s'est contenté de la regarder, la mâchoire serrée, certainement pour ne pas lui dire de la mauvaise façon tout ce qu'elle lui inspirait. Elle a continué d'un ton sans équivoque :

- Tu peux partir. Tu sais que je vais bien, tu peux y aller.
- Qu'est-ce-que tu fais?
Je ne suis même pas sûr que c'était une question.


- Je vis ma vie. Avec des gens qui m'aiment. Qui sont là.

Décidément, je ne comprends rien à ce type. N'aurait-il pas dû être content que sa sœur soit avec quelqu'un qui la respecte ?


- Il me semble t'avoir demandé quelque chose, Corey.
- Ne lui parle pas. Tu me parles à moi, et je te dis de t'en aller.

- Tu n'as vraiment pas l'air de comprendre. D'avoir conscience de ce que tu as fait. Tu as disparu du jour au lendemain, sans prévenir personne. 10 JOURS ! 10 JOURS SILVIA !
- Mais qui j'aurais prévenu, hein ? HEIN ? Tu te fous de moi ?! T'en as rien à cirer de ce qui m'arrive et là je suis pas au garde à vous, à t'attendre sagement à la maison comme un chien, alors ça t'énerve ?!


- Calme-toi Silvia tu...
- Je rien du tout !! Il s'est passé des choses dont tu ne sais rien, parce-que tu ne t'intéresses pas à moi ! Alors maintenant tu nous laisses tranquille et je vais faire ma vie sans toi !! Je n'ai pas besoin de toi ! Je...


Quelque chose a soudainement attiré leur attention et ils se sont mis à écouter les bruits qui parvenaient d'en bas.


Je n'entendais pas très bien, mais il y avait l'air d'y avoir du grabuge aux étages inférieurs, ramenant Daniel à ce pourquoi il était venu.
Il a alors attrapé fermement sa sœur par le poignet pour l'entraîner à sa suite et est sorti de l'appartement.


La première chose que Silvia a dite a été à mon intention :

- Corey tu ne bouges pas !

Puis elle a crié après son frère, lui ordonnant de la lâcher et prenant appui sur ses pieds pour le ralentir.


Se démenant avec rage, elle a réussi à se dégager, mais Daniel, qui s'était déjà fait surprendre, ne s'est pas fait avoir une seconde fois et a évité tous les coups qu'elle voulait lui donner.
Il a fini par la repousser une bonne fois et lui a barré la route, excédé :


- Mais tu le fais exprès ou quoi ?! Tu crois qu'il va t'arriver quoi, toute seule, sans un rond, avec ce qui t'arrive ?!
- Mais je n'ai jamais été moins seule que maintenant ! Corey est là ! Il a toujours été là ! On va se débrouiller sans toi comme on l'a toujours fait !
- Mais Corey est un gamin ! Et il ne vit pas dans le même monde ! C'est ça que tu veux pour lui ?! Tu...!

Il s'est interrompu et ont tous les deux regardé sur la droite. J'ai compris plus tard ce dont il s'agissait.


- Alors c'est bien ça...

- C'est avec cette fiotte de Corey que tu étais...

Il y a eu un silence, un échange de regard entre les deux hommes, et l'impensable s'est produit. Je revois encore la scène au ralenti. C'est ce qui m'a plus marqué je crois, même après ce qui a suivi.
Kay a dépassé Daniel sans le moindre mouvement de ce dernier, devant les yeux remplis d'effroi de Silvia.


- Non... Dan... Qu'est-ce-que tu fais...

- Dan... Arrête... Kay ! Arrête !
- Peut-être que je t'ai trop protégée...
- Non...
- Peut-être qu'il est temps que tu te rendes compte de ce que ça veut dire d'être avec nous pour les gens qu'on aime...
- Non arrête... Kay... STOP ! ARRÊTE-TOI ! KKKAAAAAYYYYYY !















Commentaires

Unknown a dit…
Ouh, la la, c'est pas bien ;)
GGO a dit…
Coucou ^^ :*