Meet... Corey 1








Salut, Corey du passé. C'est Corey du présent. J'ai un peu relu les dernière pages et... Je te présente mes excuses. Je n'ai pas tenu mes promesses. J'ai essayé, pourtant. Je ne me suis pas laissé abattre, j'ai tenu bon. Et pourtant, le résultat est le même. Le Corey du présent est toujours un looser. Si j'avais été plus fort, ce jour-là, je ne me serais pas mis en sourdine comme je l'ai fait. Par peur, j'ai préféré devenir transparent. Sans saveur. J'étais tellement terrorisé à l'idée qu'elle m'abandonne...
Ça me tord les tripes de voir que malgré tout ce qu'il s'est passé, toutes ces années, j'en suis au même point.


Seul.




J'ai souvent entendu dire que l'histoire se répète si on ne comprend pas les leçons de la vie. Alors j'ai essayé. J'ai essayé de faire différemment. Mais il faut croire que les leçons de la vie sont trop complexes pour un tocard comme moi.
Les dernières lignes du journal s'arrêtent juste avant "l'incident". J'appelle ça comme ça, maintenant.
Donc il faut réparer ça. Ecrire la suite, pour... Pour quoi ? Faire la paix avec moi-même ? Y voir plus clair ? Honnêtement je ne sais pas ce que j'en attends. Mais je sens que j'ai besoin de le faire. Il faut que ça sorte.

Je disais donc qu'on avait passé encore une super journée à l'école, et que je ne pensais pas que libérer des grenouilles pouvait être aussi excitant. C'était la veille de l'incident. Avec Silvia, on est était comme les doigts de la main. Ça nous arrivait de nous chamailler mais c'était quand même très rare. Parce-qu'elle a toujours été quelqu'un de facile à vivre.
Ce jour là, c'était un jour sans. Mais elle n'en avait pas après moi. Pourtant, c'était moi qui prenais, comme d'habitude. Etant sa seule oreille attentive, moi ou pas moi, c'était pour ma pomme.

Et ce jour là, celui qui l'avait contrariée n'était autre que le champion en la matière : son frère.




D'aussi loin que je me souvienne, Daniel a toujours été quelqu'un de froid et d'absent. Mais étant la seule famille de Silvia, il était le seul à qui elle pouvait se raccrocher, exercice rendu difficile par la distance qu'il mettait entre eux deux. Si bien qu'elle se sentait seule, livrée à elle-même.
J'appris donc cet après-midi qu'il était encore revenu blessé, à tel point qu'il n'avait pas atteint son lit, cette fois. Elle l'avait trouvé étalé de tout son long juste derrière la porte d'entrée, le visage et sa main droite oedématiés. Elle était arrivée en retard à l'école ce matin-là, le temps qu'elle réussisse à le réveiller et à le traîner tant bien que mal sur le canapé, avec de quoi boire et manger à proximité. Et au lieu de la remercier, il lui avait intimé de se dépêcher d'aller à l'école. Je le déteste. Je les déteste tous. Ils ne voient pas qu'elle est fragile ? Qu'ils lui font du mal ? Que sous ses airs joyeux et braves elle s'écroule petit à petit ? C'est si facile de s'en prendre à elle. Encore plus aujourd'hui je trouve. Parce-qu'ils ont démoli le peu d'assurance qu'elle avait. Quand je l'ai regardée dans les yeux, la dernière fois, je me suis encore demandé comment on pouvait malmener un être pareil. Alors quand elle est dans cet état, ça me révolte. Et je trouve des mots. Les mots.




Ceux qui lui redonnent le sourire. Dans ces moments là, je me sens invincible. Et ce jour-là particulièrement. Si bien que je me suis approché et que je l'ai prise dans mes bras. Elle n'est pas très tactile, Silvia. Mais elle m'a quand même rendu mon câlin.




Quel bonheur j'ai ressenti... Ça me fait encore quelque chose aujourd'hui. Je me souviens de la sensation de nos deux torses d'enfants l'un contre l'autre. De nos côtes en contact. De sa respiration. De son rire, un peu gêné.




Si bien qu'on a décidé de se lâcher, un peu maladroitement.




Au sens propre, puis au sens figuré.




Surtout moi, en fait. Quand j'ai senti son visage frôler le mien, le coin de ses lèvres sur le coin des miennes, c'est comme si j'avais été aspiré vers elle. J'ai à peine tourné la tête et je réalisais mon premier baiser. Notre premier baiser. J'étais prêt. Prêt à lui avouer la véritable nature de mes sentiments. Prêt à me positionner à ses côtés contre la vie. Car à 12 ans, dans ma tête, c'était à la vie à la mort avec Silvia. J'allais la rendre heureuse. C'était une évidence.
Mais mon triomphe allait se heurter à plus fort que lui.














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