Nadia 24.







Dans la voiture qui la raccompagnait chez elle, Nadia avait la nausée. Sen, qui conduisait, lui souriait gentillement de temps à autre. Mais son malaise ne faisait aucun doute.

- « Je crois que tu vas avoir de la compagnie... Dit-il alors qu'il tournait à gauche pour la déposer devant sa porte. »



Le cœur de la jeune fille eut un raté. Mais que faisait-il là ?

Sen arrêta son véhicule à hauteur de Django, laissant le moteur tourner. Les deux adolescents se dévisagèrent un moment, avant que Sen ne demande à Nadia, sans interrompre le duel visuel engagé :


- « Tu veux lui parler ou pas ? »

Devant le silence de sa passagère, il proposa, toujours la tête tournée vers la vitre :

- « Je peux m'en occuper pour toi si tu veux. J'ai juste besoin de savoir ce que tu comptes faire avec lui. Je veux bien m'en mêler, mais pas pour que demain tu changes d'avis. Parce-qu'il risque de pas partir du premier coup. »

Il planta alors son regard dans le sien :

- « Dis moi, Nadia. Et je fais. »









***





Bien sûr qu'elle n'allait pas envoyer Sen régler ses comptes avec Fabien. Pourtant, son cœur affolé et ses jambes flageolantes lui faisaient presque regretter son choix.

Lorsqu'elle était descendue du véhicule, elle l'avait vu se redresser, attentif.
Sen avait fait demi-tour devant eux et les deux garçons avaient échangé un autre regard appuyé.
La voiture partie, ils étaient restés là, l'un en face de l'autre, à se dévisager.

Une série de questions s'imposa dans son esprit, mais une sensation surpassa sa curiosité : l'amertume. Les larmes au bord des yeux, elle se décida à bouger.
Elle prit l'air le plus décidé qu'elle avait en stock et marcha en direction de la porte d'entrée, en prenant bien soin de l'ignorer.

A son approche, elle vit du coin de l’œil qu'il s'était levé mais ne ralentit pas l'allure pour autant.

- « Nadia... » L'entendit-elle murmurer.

Non, il n'y avait pas de « Nadia » qui tienne.
Et alors qu'elle était presque sur le perron, elle perçut cette fois :


- « Nadia, s'il te plaît. Il faut que je te parle. »



Il fallait qu'il lui parle ? Maintenant ?
Elle sentait la colère la gagner petit à petit, mais elle ne voulait pas lui faire ce plaisir. Nan. C'était trop tard.




- « Nadia je t'en supplie. Écoute moi. »

Elle se voyait déjà lui claquer la porte au nez. Violemment. Elle se voyait monter les marches sans un regard pour lui. Elle se voyait dans son lit et... Elle se voyait dans son lit et... Elle se voyait allongée, les yeux dans le vide, comme éteinte.

- « Nadia dis quelque chose... »

Éteinte. Elle se dégoûtait. Et maintenant, il était là. Maintenant. Et il s'approchait, doucement. Pourquoi n'avait-elle pas encore claqué cette foutue porte ?
Elle le sentait tout près. Pourtant, elle dégageait toute l'aura agressive dont elle était capable. Pourquoi ne fuyait-il pas ? Il le faisait si bien d'habitude.
Puis ce qu'elle redoutait tant se produisit : il lui saisit doucement la main.

Le contact lui fut insupportable.



- « Ne me touche pas. »


- « Je te jure que si tu poses encore tes sales pattes sur moi je t'arrache les yeux.
- « Ok ok. Pardon.
- « Tu n'as pas le droit de faire ça. De te pointer ici, maintenant, après tout ce qu'il s'est passé. Tu n'as pas le droit ne serait-ce que de m'effleurer. Je sais pas ce qu'il t'est passé par la tête, mais tu oublies. Et tu vas oublier que j'existe aussi. »



- « Je suis désolé Nadia. Vraiment.
- « J'en ai plus rien à foutre. Dégage.
- « Alors c'est vraiment trop tard ? »



« Trop tard ? »

Sortant de sa bouche, c'était comme s'il venait de lui cracher à la figure. Le souvenir des mains de Sen sur son corps lui revint avec une telle vivacité qu'elle en frissonna de dégoût. Dans le « Trop tard » de Fabien, elle se sentait souillée.
Tout à coup comme emplie de rage, elle attrapa la première pierre qu'elle trouva sur le sol et la lança de toutes ses forces contre lui.




Puis une deuxième.
Puis une troisième.
Fabien protestait énergiquement mais sa voix était couverte par les cris de colère de la jeune fille.
Il finit par réussir à s'approcher d'elle et lui immobilisa les mains .



- « Tu me fais mal Nadia!!
- « TANT MIEUX !!!!! LACHE-MOI !!!! LACHE-MMOOOIIIIIII !!!! »


Il finit par s'exécuter, prêt à recevoir d'autres projectiles.



- « Tout ça c'est de ta faute !!!! Je ne te le pardonnerai jamais ! JAMAIS TU ENTENDS ?! »

Pour toute réponse, il appliqua ses deux mains contre son visage et les laissa glisser jusqu'à ce qu'elles ne couvrent plus que sa bouche, dévoilant par la même occasion des yeux hagards.

- « Voilà le grand Miko !!! Toujours à se cacher !!! C'est ça ?! Tu peux plus me regarder en face ? Touchée par un autre et je suis salie ?! Je te dégoûte ?!
- « Nadia...
- « TAIS-TOI !!! Je ne te permets pas de me traiter comme ça !! Je ne me suis jamais autant rabaissée pour quelqu'un que pour toi !! Tu comptais pour moi ! Tu peux pas savoir à quel point !!! J'ai tout accepté ! Que tu me rejettes ! Deux fois ! Que tu ne veuilles plus me parler après Oruscant ! Que je ne puisse même pas te demander pardon ! J'ai tout accepté parce-que c'était de ma faute, tout ça. Mais il est hors de question que tu reviennes maintenant avec ce regard là !!! »




Le tremblement qu'elle ressentait dans son corps se fit plus intense si bien qu'elle eut du mal à garder le plein contrôle de ses mains.



Puis ce fut l'air qui sembla manquer.

Sensible à la détresse de la jeune fille, Fabien fit un pas en avant mais elle interposa sa main.

- « Nadia il faut absolument que tu m'écoutes... »

L’adolescente agita frénétiquement la tête en guise de refus, tandis que sa respiration faisait siffler sa gorge.

- « Nadia bordel laisse-moi en placer une ! Si je suis venu ce soir c'est parce-que... »

Mais la porte s'ouvrit, découvrant une Anjana et un Nitish inquiets.
Ils se précipitèrent à leur rencontre et s'apercevant de l'état de Nadia, s'affolèrent :




- « Mais enfin que se passe-t-il ?! »

Anjana prit la jeune fille dans ses bras qui se mit alors à pleurer à chaudes larmes.

- « Fabien ? Interrogea Nitish au comble de la perplexité. Mais où est John ? »

Anjana se mit à émettre des « sshhhhh » apaisants et conduisit la jeune fille à l'intérieur.
Nitish quant à lui tenta de savoir ce qu'il s'était passé :

- « Fabien, que fais-tu ici ? Ça s'est mal passé avec John ?"

L'adolescent semblait perdu.

- « Fabien ? Où est John ? »

Après un nouveau silence accompagné d'un regard voilé, l’intéressé finit par répondre :

- « Il est rentré chez lui après l'avoir déposée.
- « D'accooorrrdd... Et elle allait bien ? Et que fais-tu ici d'abord ? »

Toujours pas de réponse. Voir ce grand gaillard, si sobre d'ordinaire, perdre ses moyens de la sorte déconcertait franchement le père de famille. Et ça commençait à l'inquiéter un peu :

- « Fabien, je te parle. Qu'est-il arrivé à Nadia ?
- « Je... Je ne sais pas.
- « Elle allait bien quand elle est descendue de voiture ?
- « Je... Je crois.
- « Bon. Que lui as-tu dit pour qu'elle se mette dans cet état ?
- « Il faut que je lui parle.
- « Ah bah là mon vieux, c'est mal parti... Elle a pas l'air de vouloir t'entendre. Et vu le résultat de votre entrevue, je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Tu devrais rentrer chez toi. Demain ça ira peut-être mieux. »




***



Assise sur le canapé à ses côtés, Nadia semblait dévastée. Plus les minutes passaient, et plus les pires scénarios prenaient forme dans l'esprit d'Anjana. C'est pourquoi elle entra directement dans le vif du sujet :

- « Nadia. Est-ce-que John t'a fait du mal ? »



Mouvement de tête négatif.

- « Est-ce-que Fabien t'a fait du mal ? »

Même réponse.
Anjana poussa un petit soupir, avant de se raidir à nouveau :

- « Quelqu'un d'autre ? »

Non plus.
Elle se détendit un peu :

- « Alors ma chérie ? Que s'est-il passé ? »

Le silence de l'adolescente la mettait très mal à l'aise :

- « Nadia. Tu m'inquiètes tu sais... Qu'est-ce-qui ne va pas ? »

Un murmure lui répondit :

- « Je n'ai pas envie d'en parler. Pas maintenant.
- « Bon... Je... Je n'ai pas besoin d'appeler les autorités ? »

La jeune fille pouffa doucement d'un air désabusé avant de plonger la tête dans ses mains.

- « Non. Pas besoin.
- « Bon... Mais... Bon... Je sais que tu veux pas en parler mais... Tu es partie avec John et c'est Fabien qui est là... La soirée s'est mal passée ? Fabien a du te ramener ?
- « Non... Je ne sais pas ce qu'il veut.
- « Ah. Et tu ne veux pas savoir ? »

Pas de réponse.

- « Pourquoi vous vous disputiez ?
- « …
- « Bon. D'accord. Pas ce soir. Je vais dire à Nitish de le renvoyer chez lui. »

A peine avait-elle terminé sa phrase que son mari entrait dans la maison. 



Elle se tourna vers lui et demanda :

- « Il est parti ?
- « Nan ! Et il en a pas vraiment l'intention. J'hésite à aller chercher Amiral. »

Anjana eut un temps d'arrêt :

- « Tu lui as dit ?
- « Quoi ?
- « Que tu allais chercher son père ?
- « Oui oui. Rien à faire. Il m'a supplié de convaincre Nadia de l'écouter. J'ai dit non, bien sûr. Si elle veut pas, elle veut pas... »

Sa femme tourna les yeux vers l'adolescente, pensive.

- « Nadia chérie. Tu ne m'as pas dit « non » quand je t'ai demandé si tu voulais savoir ce que Fabien faisait là. Pourquoi tu hésites à l'écouter ?
- « Parce-qu'à chaque fois qu'il me parle, c'est pire.
- « Ah... Je connais ça... »

Nadia leva des yeux interrogateurs :

- « Eh oui... Si tu savais tout ce que Nitish a été capable de me dire... »

La mère de famille leva les yeux au ciel sur ces mots.




- « On avait beau passer de supers moments ensemble, il ne pouvait jamais me quitter sans faire une bourde... La plus incroyable a été le jour où il a pensé me faire concourir lors d'un jeu où on gagnait son poids en friandises...
- « C'était un concours de culture générale ! Je te faisais un compliment ! Se défendit le concerné.
- « Je te jure que si j'entends encore une fois cette excuse je t'étripe. Tu as toujours adoré les bonbons, tu as juste été attiré par l’appât du gain.
- « C'est vrai, mais c'est parce-que j'étais sûr de gagner, vu que tu savais tout !
- « Tu ne réussiras jamais à me flatter avec cette histoire. Bref. Et je te jure Nadia que ce n'est pas le seul exemple. Mais, malgré toutes les gaffes qu'il a faite – les autres étaient plus mignonnes cela dit - j'ai toujours craqué. Que je parte en colère, embarrassée ou en pleurs, il réussissait toujours à me revoir.
- « Et ça n'a pas été facile !
- « Parce-que tu étais un imbécile. »

Puis, se tournant vers Nadia à nouveau :



« Comme tous les adolescents. Et comme beaucoup d'hommes adultes, malheureusement. Après cette histoire de concours de poids...
- « De culture gé !!
- « BREF ! Après cette histoire de bonbons, il était tellement désemparé que ça m'a touchée. Et puis il me manquait. Terriblement. Je me sentais bien avec lui. Comme avec personne. Et si cette histoire de... Bonbons... m'a si blessée, c'était parce-qu'avec Nitish, je ne me sentais pas « grosse ». Alors quand il a fait référence à mon poids, ça m'a rappelé ces kilos que je vivais si mal avant lui. J'ai eu tellement honte... Qu'il me voit ainsi. Parce-que j'étais persuadée qu'il ne les voyait pas.

- « Anjana... »

Elle lui indiqua d'un geste de la main qu'elle n'avait pas terminé :

- « Mais je me leurrais. Il me voyait bien telle que j'étais. Et il n'avait tellement pas de problème avec ça qu'il a oublié que moi j'en avais un. Contrairement à ce que je pensais, il n'y avait pas de prisme déformant qui modifiait mon image à ses yeux. Il me voyait comme j'étais. Il m'aimait de la même façon. Si je te dis tout ça ma chérie, c'est parce-que je me demande si tu ne fais pas fausse route. Je ne voulais pas m'en mêler, mais pose-toi cette question : pourquoi réagis-tu si fort en la présence de Fabien ? »

Nadia avait à nouveau masqué son visage, mais Anjana vit que sa respiration s'était interrompue. Encouragée, elle continua :

- « Je t'ai observée, avec John. Et tu n'étais pas toi-même. C'est vrai que de l'extérieur, tu paraissais calme, apaisée. Mais je te connais Nadia. Tu étais éteinte. Alors peut-être qu'il t'a fait du bien, que ce passage avec John t'a reposée... Mais il ne te connaît pas. Il ne connaît pas la vraie Nadia. La vraie Nadia, c'est celle que tu as montré à Fabien. Maintenant, si tu réponds « oui » à cette question, je te laisse tranquille : es-tu amoureuse de John ? »

Deux secondes s'écoulèrent, puis la jeune fille se remit à pleurer et poussa un gémissement plaintif :

- « Noooonnnn...
- « Et qu'y a-t-il entre toi et Fabien ? Demanda-t-elle en prenant l'adolescente dans ses bras.
- « Je sais pas...
- « Eh bien moi je crois savoir pourquoi il est là. Et je pense qu'il est temps de mettre les choses au clair. Peut-être pas ce soir, si tu n'es pas prête. Mais ne lui ferme pas la porte avant de l'avoir écouté. Une fois qu'il se sera expliqué, tu décideras de ce que tu veux faire. Alors est-ce-qu'on lui dit de rentrer chez lui ? Est-ce-qu'on lui dit que tu le contacteras ? Ou non ? Dis nous. »

Nadia renifla et se redressa. Anjana avait raison. Elle avait beau être très en colère contre lui, elle n'avait pas envie de vivre avec le spectre de Fabien dans un coin de sa tête. Elle allait l'écouter, et elle allait lui dire adieu. Qu'ils en finissent. Car elle ne supportait pas qu'il soit là, maintenant
.



***





L'adolescent avait bien l'intention d'écouter le conseil de Madame Calcuta avant de se lancer : « Tourne bien sept fois la langue dans ta bouche avant de parler. ». Le regard appuyé qu'elle lui avait lancé avait finit de lui rappeler que c'était sa dernière chance.
Seulement, au bout de deux cycles, il se dit que VRAIMENT, il fallait qu'il parle. Mais initier une conversation était un exercice difficile pour lui. Déjà que répondre à des questions de manière développée lui demandait des efforts... Alors extérioriser tout ce qu'il ressentait, comme ça, de but en blanc...
A cette pensée, il s'essuya une nouvelle fois les paumes sur son pantalon. Fébrile, il jeta un regard à sa voisine, plus fermée que jamais.
Il savait que ça n'allait pas être facile. Mais il avait décidé d'aller jusqu'au bout de sa démarche, alors il devait le faire. Pas pour la récupérer, si tant est qu'elle lui fut un jour acquise, mais pour qu'elle sache la vérité. Tout ce qu'il lui avait caché. Pour leur bien à tous les deux, avait-il pensé à l'époque.


- «Je... »

Nom d'un chien que c'était dur.

- « Je suis désolé. »

Il poussa un petit soupir. Voilà. Maintenant, il n'avait plus qu'à attendre.


Mais rien ne vint.

Il avait espéré qu'elle aurait demandé la raison de ses excuses, mais elle ne sembla même pas avoir entendu. Décidément, Nadia ne lui facilitait jamais la tâche.

- « Je n'avais aucune idée de ton implication dans le retrait de la plainte de Damian. »

C'était subtil, mais elle réagit, ce qui l'encouragea :



- « Le père Gerold m'avait bien dit de remercier ma copine. Alors c'est ce que j'ai fait. Sauf que je me suis trompé de personne. Et c'est de ma faute. J'aurais du comprendre qu'il ne parlait pas de Juliette quand il a dit « elle s'est battue comme une petite lionne pour toi ». »

Il la vit se mordre la lèvre et détourner la tête. La douleur qu'il perçut furtivement sur son visage lui amena les larmes au bord des yeux :

- « J'ai appris ce soir aussi que Maeva s'en était pris à toi avec deux de ses copines alors que tu tentais de m'aider. Je te jure que si ce n'était pas une fille je serais en train de lui défoncer la gueule. »

Nadia renifla et s'essuya le dessous des yeux.

- « Ce n'est pas la peine, finit-elle par dire d'une voix rauque. Juliette a fait le nécessaire. Et tu ne t'es pas entièrement trompé. Sans Juliette, les autres n'auraient pas bougé. Et Maeva m'aurait fait plus mal.
- « Oui mais sans toi, c'est Juliette qui n'aurait pas bougé. Et... Tu as parlé à Yang ? »

Les lèvres de la jeune fille se mirent à trembler, et elle opina doucement du chef.
A cet instant, il eut envie de la prendre dans ses bras et de la serrer très fort contre lui. Mais il se souvint de son avertissement énoncé plus tôt et n'en fit rien.

- « Je suis tellement désolé...
- « On va dire qu'on est quitte.
- « J'suis pas sûr... Mais... Merci. »

Elle haussa légèrement les épaules et hocha la tête.
Il ne sait pas bien ce qu'il espérait de plus, mais la retenue et la froideur dont elle faisait preuve le rendait perplexe. Où était passée la Nadia colérique ? Pourquoi ne lui balançait-elle pas tout ce qu'elle avait sur le cœur ? Toute la rage qu'elle semblait éprouver à son égard ?

- « Je m'attendais à ce que tu me cries dessus... Avoua-t-il.
- « Ça t'a pas suffit tout à l'heure ? Tu veux recevoir une bûche de la cheminée peut-être ?
- « Euh... Non. Merci. Mais je... Tu... »

Il poussa un soupir :

- « J'ai l'impression de ne plus te connaître... »

L'adolescente eut un petit rire désabusé qui fit lever au ciel ses yeux gris d'où perlaient des larmes.

- « Il s'est passé des choses pendant que tu me détestais.
- « J'ai vu ça. »

Des images de Nadia et Sen ensemble s'insinuèrent dans son esprit et une douleur soudaine lui saisit la gorge.

- « Je... »

Les mots se firent écraser brutalement et aucun ne sortit. Nadia perdit patience et dit :

- «  J'ai accepté tes excuses. Qu'est-ce-que tu fous encore ici ? »

Le temps s'était arrêté pour Fabien. En venant la voir, il était résolu à lui dire la vérité. Mais plus les minutes passaient, et plus il doutait. Avait-il le droit de lui déballer ça alors qu'elle était avec un autre ?

Non. En gros balourd qu'il était, il était arrivé trop tard. Tant pis pour lui.

Tout à coup résigné, il baissa la tête et souffla :

- « J'espère que tu seras heureuse avec Sen. »

Il se leva alors, bien décidé à quitter cette maison au plus vite. Mais Nadia ne put retenir un sanglot. Un seul et unique. Mais il ne l'avait pas rêvé. La tête dans ses mains, la jeune fille semblait au plus mal.

- « Nadia... Pourquoi tu pleures ? Demanda-t-il doucement, complètement perdu.
- « Pour rien. Va-t-en.
- « Nan. Je vois bien qu'il y a un truc que tu ne veux pas me dire. Pourquoi ? Qu'est-ce-qui te retient ? Tu as le droit de te défouler sur moi, après la façon dont je t'ai traitée. »

Il se rassit à ses cotés et poursuivit :

- « Va chercher une bûche si tu veux. Je me laisserai faire. »

Elle ne réagit pas. La Nadia qu'il connaissait aurait ri, même si cela avait été malgré elle. Il le savait. Elle aurait pouffé.

- « Nadia... Je sais que j'ai été con, mais s'il n'y avait que ça, tu m'aurais engueulé et on serait passé à autre chose. »

Il réfléchit une seconde et demanda :

- « C'est Sen ? »

Nouveau sanglot.
Fabien sentit une sueur froide lui parcourir le dos.

- « Que s'est-il passé Nadia ? Est-ce-qu'il t'a fait du mal ? »

Elle fit non de la tête avant de dire :

- « Laisse-moi tranquille. Va-t-en.
- « Pas avant de savoir pourquoi tu vas si mal... »

Elle releva la tête et ne chercha pas à chasser les larmes de ses yeux :


- « Pourquoi tu es venu Fabien ? Ça te déculpabilise de te préoccuper de moi maintenant ? Mais c'est pas la peine ! Aie la conscience tranq...
- « Non. Oui, c'est vrai, je culpabilise de t'avoir laissée tomber comme ça. J'ai vraiment pas été à la hauteur. Mais ce n'est pas pour ça que je reste.
- « Pourquoi alors ?
- « Parce-que je t'aime et que je supporte pas de te voir comme ça. »

Son cœur manqua un battement.

Les yeux de Nadia s'étaient écarquillés.

Son rythme cardiaque s'affolait.

Le visage de Nadia se déforma sous ce qui lui sembla être de la douleur.

Fabien se demanda comment il avait pu laisser échapper un truc pareil et se trouva démuni quand la jeune fille éclata en pleurs pour de bon.
La bouche semi ouverte, il était complètement déconcerté. Il s'était attendu à tout, sauf à ça.
Il attrapa un mouchoir et le lui tendit. Alors qu'elle l'attrapait et l'utilisait, il dit :

- « Je comprends rien Nadia... Parle moi...
- « C'est normal t'as jamais rien compris !!! »

Sur ces mots, elle lui lança son kleenex mouillé, lequel virevolta en tout sens, sauf dans celui désiré.

- « T'as pas le droit de me dire ça maintenant !
- « Je sais ! Je voulais pas ! C'est sorti tout seul !
- « Eh ben retourne vite avec Juliette avant de sortir une autre connerie !
- « … Je suis plus avec Juliette. »

Les pleurs de Nadia stoppèrent net avant de reprendre de plus belle. Il tenta de s'approcher d'elle mais elle se leva, résolue à fuir tout contact. 




Elle dit quelque chose mais il ne comprit pas. Quand il lui demanda de répéter, elle hurla :

- « C'est des conneries tout ça ! Qu'est-ce-que tu cherches ??!!! J'en viens à croire que c'est parce-que tu ne supportes pas de me voir avec Sen ! Mais s'il n'avait pas été là, t'aurais pas bougé le p'tit doigt !!!
- « … Peut-être. Mais pas dans le sens que tu crois. »

Nadia le regarda d'un air écœuré : 


- « Mais qu'est-ce-que ça peut bien vouloir dire cette phrase ? Parle encore par énigme et je te fous dehors !
- «  Ce n'est pas après t'avoir vue avec Sen que j'ai eu des sentiments pour toi. C'était bien avant.
- « Et pourtant tu m'as fait croire que je me faisais des idées !!! Tu m'as humiliée !
- « Je suis désolé... »

Il poussa un soupir et leva les yeux au ciel avant de continuer :

- « … Pour ça aussi. J'ai tenté de m'expliquer ce soir là mais tu m'as giflé et tu es partie. Si tu le veux bien, j'aimerais t'expliquer pourquoi j'ai agi comme ça tout ce temps. Je ne te demande pas de me pardonner. Mais je ne veux pas – plus – que tu penses que tu t'es trompée. Tu avais raison, j'ai menti. »

Nadia prit alors une grande inspiration et dit d'un air las et malheureux :

- « Mais pourquoi maintenant ? Qu'est-ce-qui a changé ?
- « Je me suis rendu compte de ce que tu m'as apporté... »

La jeune fille fronça les sourcils et il se rattrapa instantanément :

- « Ce que je veux dire, c'est que j'ai longtemps pensé que tu ne m'avais apporté que des emmerdes, alors que c'est tout l'inverse. Grâce à toi, Oruscant est hors d'état de nuire. Grâce à toi, j'ai enfin trouvé le courage de tenir tête à mon père et j'ai passé le concours de médecine dans quelques villes. Grâce à toi, j'ai réalisé que Juliette n'est pas la blanche colombe qu'elle prétend être."



- " Elle a sciemment omis de me parler de ton implication dans cette histoire de plainte. J'veux dire... Nadia... Personne ne m'a autant apporté que toi en si peu de temps. Et même si je râlais beaucoup, j'ai adoré tous les moments qu'on a passé ensemble. J'aime que tu sois entière. J'aime ta répartie. J'aime même ton caractère de cochon. Il me fait rire, en vrai. J'aime ta force de caractère. Et te voir si démunie quand tu m'as parlé de ton frère... Ca a été tellement dur de te repousser quand tu m'as embrassé, alors que j'avais qu'une envie, c'était de te prendre dans mes bras et de te répondre. Tu vois, j'ai à la fois envie de te suivre et de te protéger. Qu'est-ce-que ça veut dire, si... si ce n'est pas que... »

Il haussa les épaules et conclut :

- « Je suis amoureux de toi Nadia. J'ai jamais ressenti ça. J'suis complètement paumé. »

Nadia l'avait écouté, les yeux dans le vide et le visage inondé de larmes.
Au bout de quelques secondes silencieuses, il reprit :

- « C'est vrai que je t'en ai voulu, de provoquer Oruscant comme ça. Tu m'as foutu les j'tons. J'avais peur que tu ailles trop loin et qu'il s'en prenne à toi un jour où je n'aurais pas été là. C'était sûr que ça allait arriver. Et le fait que tu t'en foutes et que tu te mettes en danger, ça m'a rendu dingue. Le soir de l'Oaz'is, ça a été l'enfer. Je pensais tout le temps à toi depuis le spa. En permanence. Mais j'étais avec Juliette. Je ne voulais pas la quitter pour une autre. J'ai toujours entendu ma mère me répéter que l'herbe était rarement plus verte ailleurs pour me dissuader d'aller à droite et à gauche. J'ai voulu être un type bien en me comportant comme ça. Je ne voulais pas encourager tes... nos sentiments.
- « Pourquoi tu l'as quittée alors ?
- « Parce-que j'ai enfin accepté le fait que je ne l'aimais pas. Et plus le temps passait, plus elle me sortait par les yeux. Je restais avec elle par facilité... Par lâcheté. Et puis mon père me prend tellement la tête pour tout que je ne me voyais pas ajouter ça à la liste. Mais quand j'ai appris ce qu'elle m'avait caché, ça a été le déclic. Je veux pas d'une fille comme ça. Je méprise ces filles là. Tu ne peux pas savoir comme je la déteste de m'avoir empêché de venir te remercier pour ce que tu as fait et quand j'ai réalisé le mal que toute cette histoire avait du te faire..."

Après un bref silence il ajouta :

- « Enfin voilà. Je tenais à te dire que tu n'avais rien imaginé. Je luttais juste contre ça parce-que je trouvais que c'était malhonnête vis à vis de Juliette. Bon, maintenant, il est un peu tard... Bref. Si tu es tombée amoureuse de Sen et qu'il t'apporte ce que tu cherches, eh ben... Je suis content pour toi. »

A nouveau, à l'évocation de Sen, Nadia sembla replonger. Il leva les bras en signe d'impuissance et dit :

- « Allez viens..."

Il lui saisit doucement le bras juste au dessus du coude et l'entraîna dans la salle de bain.

- " Et après je te laisse, promis. » Cru-t-il important de préciser.

Elle ne résista pas. 
Il la laissa seule le temps d'aller chercher une chaise dans la salle à manger et une fois qu'il l'eut posée au centre de la pièce, il l'invita à s'asseoir. 


Comme un automate, elle s’exécuta.
Il prit un verre, le remplit d'eau fraîche, et le lui tendit.
Sans réfléchir, elle le porta à ses lèvres et se désaltéra. Cela faisait du bien après le sel de ses larmes, qui n'avaient pas l'air décidées à interrompre leur course.



Elle était sonnée. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il lui ferait de telles révélations. Elle en avait tellement rêvé, pourtant. Qu'il lui dise qu'elle n'avait rien imaginé. Que la réciprocité de leur attraction était réelle.
Mais ce soir, la saveur en était gâchée.
C'était le chaos, à l'intérieur. Tant de sentiments négatifs se bousculaient pour prendre le dessus. Elle se sentait sale, incapable, honteuse. Et tout cela était décuplé quand Fabien était à ses côtés. Elle voulait se cacher dans un trou et ne jamais en sortir.

Quand elle revint à elle, Fabien appliquait un coin de serviette mouillé sur sa joue gauche. Le contact lui apprit qu'elle avait les joues en feu et le froid qu'elle ressentit lui fit fermer les yeux tant il lui fit du bien.
L'adolescent s'agenouilla à côté d'elle et passa la serviette sur son autre joue. Le geste était si doux...

- « Je suis désolé, répéta-t-il. Je m'en veux vraiment de t'avoir fait autant de mal. Je... Est-ce-que tu veux que j'aille chercher Anjana ? »

Nadia lui répondit par un signe négatif de la tête.

- « Bon... Même si je crois que tu m'as assez vu, tu veux que je fasse quelque chose avant de partir ? »

Fabien prit le mutisme de la jeune fille pour un non et il se leva pour rentrer chez lui. Mais alors qu'il saisissait la poignée de la porte, elle éclata à nouveau en pleurs.

- « Nadia, dit-il en se retournant. Dis-moi pourquoi tu pleurs. C'est peut-être évident, mais... je sais pas, j'ai l'impression qu'il y a autre chose que tu ne me dis pas. »

Il s'agenouilla à nouveau, face à elle cette fois, et implora, les mains posées sur ses cuisses :

- « Parle-moi s'il te plaît. Ou promets-moi que tu parleras à Anjana. »

Elle ouvrit alors les yeux et lui dit en le fixant durement :

- « Que veux-tu que je te dise ? Que même si Sen a été adorable avec moi je n'éprouve rien pour lui ? Et que j'en étais parfaitement consciente quand il me touchait ou mettait sa langue dans ma bouche ? Que je me suis forcée à faire comme si ça ne me dérangeait pas parce-que je pensais que ça m'aiderait à t'oublier ? Quand j'ai vu avec quel dédain tu me traitais après tous ces mois passés ensemble, je me suis persuadée que je m'étais trompée avec toi. Sen était tellement différent que je me suis dit que c'était avec lui que je devais être. La preuve... Tous les jours j'avais de ses nouvelles. Il était tendre avec moi. Et quand il m'a embrassée, il ne s'est pas barré ou ne m'a pas humiliée la seconde d'après. Tout ce qu'il a fait avec moi, il l'a assumé. »

Elle leva alors les yeux au ciel en se mordant la lèvre :

- « On peut pas en dire autant de moi... Je n'ai rien fait pour le repousser, alors que je voulais qu'il arrête... »

Il se leva et lui tourna le dos mais elle poursuivit malgré tout :

- « Tout ça dans un seul but : je voulais effacer toute trace de toi. Et avec Sen, ça a été rapide. Il est à l'aise avec son corps et celui des filles. »

Les mains sur les hanches, la tête rejetée en arrière, il semblait endurer les propos de la jeune fille.



- " Tu pourrais me regarder quand j'te parle."



Ca y'est.

La petite veine dans le cou du jeune homme commençait à battre.

- « Je n'avais pas envie d'être avec lui. Certainement pas comme j'avais envie d'être avec toi. Mais au final c'est facile de se laisser aller avec Sen. Je comprends son succès auprès des filles. Il devient vite tactile et avant qu'on ne le réalise, ça devient intime. »

La mâchoire crispée, toutes veines saillantes, Fabien irradiait d'une rage froide.

- « Y'a pas à dire, il est doué. » Continuait-elle pourtant.

Car Nadia savourait ça.

- « Alors quand il m'a proposé d'aller chez lui, j'ai accepté. Je voulais être partout sauf dans la même pièce que toi et Juliette. C'était tellement dur... »

Elle grimaça de douleur et détourna la tête, transformant la dernière syllabe en en plainte aigue. Le problème avec sa démarche c'est qu'elle souffrait aussi dans le processus. 
Elle renifla et poursuivit :

- « Une fois arrivés, il a essayé de me mettre à l'aise mais finalement il en est vite venu au fait. Et j'étais presque soulagée. Parce-que je voulais qu'on en finisse. A la fois avec lui et avec... Je savais pas quand l'occasion allait se représenter et plutôt que de faire ça bourrée à la fac... Bref. Je me suis dit que Sen ferait l'affaire. »

Ce fut Fabien cette fois qui détourna la tête, mais son cou nervuré en disait long sur son état d'esprit. Elle sentait qu'il avait envie de parler mais il se retenait. Alors qu'elle allait continuer, il la devança aussi soudainement que brusquement, juste après avoir balancé la tête d'un air accablé :

- « Et à aucun moment il a senti que t'étais pas prête ? »



Par cette question, il s'en prenait autant à Sen qu'à Nadia. Il tourna sur lui-même et se passa les mains sur le visage.



- « J'vais lui péter la gueule », dit-il ensuite le plus calmement du monde. Puis, se tournant vers elle : « Et franchement Nadia, j'ai vraiment envie de te mettre une tarte.
- « Pardon ? » Demanda-t-elle en lui retournant son agressivité.
- « Tu as donné ce que tu avais de plus précieux à un parfait connard.
- « Oh bah étant donné que je comptais te la donner à toi, j'ai pas perdu au change ! Et franchement, Sen a été adorable avec moi. On peut pas en dire autant de toi.
- « Ok. Admettons. Alors pourquoi tu pleures toutes les larmes de ton corps depuis tout à l'heure dès qu'on parle de lui ? »

Les iris de la jeune fille vacillèrent.



- « Alors ? Insista-t-il. S'il est si adorable que ça ? Pourquoi tu pleures ?
- « …
- « POURQUOI TU PLEURES ?!
- « PARCE-QUE J'AI PAS PU !!!! PARCE-QUE J'AVAIS PEUR ! PARCE-QUE J'ETAIS TRISTE ! PARCE-QUE JE VOULAIS QUE CE SOIT TOI ! J'ARRIVAIS PAS A ME DEFAIRE DE TOI ! ET Y'AVAIT PAS MOYEN QUE JE FASSE L'AMOUR AVEC LUI EN PENSANT A TOI !! JE VOULAIS QUE CE SOIT SPECIAL ! MAIS... Mais... Avec Sen, une fois dans sa chambre... J'étais une fille comme les autres. Et pour... pour cette fois là, je voulais pas être une fille comme les autres. »

Le visage cramoisi, elle continua :

- « Je me sens mal. Je lui ai laissé croire que j'étais bien avec lui et... Je lui ai foiré son bal de promo. J'ai honte de pas avoir été jusqu'au bout. Je me sens incapable. Et je me sens... »

Elle étouffa un sanglot :

- « Sale. De m'être laissée toucher comme ça alors que je voulais pas. Et c'est encore pire quand tu es là, parce-que je supporte pas d'être... souillée à tes yeux. »

L'adolescent, sous le choc des révélations, sembla revenir à lui :

- « Souillée ? Mais enfin Nadia...
- « Fallait voir ton regard tout à l'heure... Quand je suis descendue de la voiture de Sen avec tout ce que cela impliquait...
- « … Ok. Je vais être honnête. Ca va pas te plaire, mais au point où j'en suis... Je suis amoureux de toi Nadia. Vraiment. C'est pas un petit coup de cœur. Non. Te voir avec Sen, déjà, c'est dur. Voir qu'il s'y prend mieux avec toi que je ne l'ai fait, ça me ronge. Mais alors te savoir dans son lit... »

Il rit d'un air désabusé :

- « Ca c'est carrément insupportable. Ca m'a rendu fou. J'étais à deux doigts d'aller jusqu'à chez lui en courant pour t'arracher à lui. Je me suis retenu parce-que je me suis rappelé que tu étais avec lui de ton plein gré. Et... Et que j'avais une copine. Je pouvais pas penser à toi comme ça et être avec Juliette. Alors j'ai été rompre avec elle et je suis venu t'attendre ici. Et plus il mettait du temps à te ramener, et plus je te perdais... »

Nadia lui adressa un regard sidéré :



- « Ah parce-que tu considères que j'ai été à toi à un moment ? Après m'avoir rejetée comme tu l'as fait ?
- « Oui.
- « Putain t'es gonflé!
- « Peut-être. Mais c'est comme ça. Depuis que je t'ai sentie contre moi au spa... Je pense qu'à ça. Alors imaginer qu'un autre fasse pareil... J'ai envie que tu sois à moi, Nadia. Et ce que tu as cru lire comme du dégoût, c'est juste que j'ai réalisé qu'un autre a pris ma place.
- « Encore fallait-il que tu la revendiques, cette place! Je rêve !! T'avais été plutôt clair la dessus !
- « Je sais. C'est de la jalousie mal placée. Mais c'est ce que je ressens. Ça me bouffe à l'intérieur de te savoir avec un autre.
- « Eh ben tant pis ! Tant mieux ! … Je sais pas ! »



L'air bougon qu'elle afficha alors fit transparaître une tendresse amusée chez son interlocuteur. Ce qu'elle vit dans son regard à ce moment là désamorça la colère qu'elle ressentait en son sein. Elle aimait qu'il la regarde comme ça. Il n'y avait que lui pour lui remuer les entrailles de la sorte.



Après un court silence traduisant un apaisement des deux parties, Django reprit la parole et tenta manifestement le tout pour le tout :

- « Donc ça en est où avec Sen ? »

La jeune fille ferma les paupières à demi et poussa un soupir bougon plein de reproches :

- « Quelque part.
- « Comment il a réagi quand tu as tout arrêté ? »

Nadia serra le tissu de sa robe entre ses mains. Elle se souvenait de son souffle contre sa peau, et c'est haletant qu'il s'était écarté d'elle, surpris, quand elle avait hurlé un retentissant 



Perdue, paniquée, honteuse, elle avait regardé la sortie et s'était apprêtée à fuir quand saisissant ce qui était en train de se passer, Sen s'était interposé entre elle et la porte.

- « Attends attends Nadia... Avait-il dit en retrouvant peu à peu ses esprits. Qu'est-ce-qu'il y a ? »

La gorge serrée, elle n'avait pas pu répondre. Après avoir scruté la jeune fille, il semblait avoir compris. Il avait eu un petit rire désabusé et avait secoué la tête.



- « C'était perdu d'avance, hein... Même après tout ce qu'il s'est passé, tu penses encore à lui... »

Cramoisie, elle avait été à deux doigts de s'écrouler sous le poids de la honte. Elle s'était ridiculisée devant le type qui avait été là pour elle tout ce temps, et au moment le plus embarrassant qu'elle aurait pu trouver qui plus est. Malgré tout ses efforts pour le cacher, c'était toujours une gamine qui n'était pas prête à passer à l'étape suivante.

- « C'est rien je comprends... Hey... »



Voyant qu'elle avait été à deux doigts de disparaître dans le placard – sans galipettes – il s'était rapproché doucement d'elle et lui avait attrapé les mains.

- « Hey... Avait-il répété doucement. T'en fais pas. Je préfère dix fois que tu ais tout arrêté plutôt que t'être laissée faire pour une mauvaise raison.
- « Je suis désolée...
- « Ne le sois pas. On se plaît tous les deux mais c'est trop tôt, c'est tout. Franchement je pensais que tu m'aurais arrêté avant. Mais comme il s'est rien passé, j'ai continué. Donc je suis pas hyper surpris. T'es pas une fille comme les autres. Et t'es pas le genre de nana qui s'allonge sous ce type de sticker... »

Il avait désigné d'un mouvement de tête l'autocollant qui trônait au dessus de son lit avec un air amusé.

- « Je pense que t'as besoin d'un peu de temps encore pour l'oublier et faire le point. Et si tu décides que je t’intéresse toujours, ben je serai là. Ok ? »

Elle n'en était pas revenue, mais avait hoché la tête d'un air reconnaissant et il l'avait attirée contre lui pour la serrer dans ses bras. Après lui avoir embrassé les cheveux, il avait proposé de la raccompagner.

Et c'est pleine de doutes, assaillie par une foule de sentiments contradictoires qu'elle l'avait vu, lui, Fabien « Miko » Django, à des années lumières de là où on l'attendait.

Alors ? Où en était-elle avec Sen ? Mais la vraie question n'était-elle pas : Où en était-elle avec elle-même ?







Commentaires

Pythonroux a dit…
Trop de la bombe ce chapitre presque comme d'hab je dirai mais en plus mieux.
tout il est trop bien. juste un truc encore, c'est quand la suite ?
GGO a dit…
Merci !!

Bientôt ! J'y travaille ! ;-)
Sakura5192 a dit…
J'ai adoré, rien à dire de plus ;-)
J'ai hâte de lire la suite :)
GGO a dit…
C'est tout ce qui compte ;-)

Merci :-)
GGO a dit…
Lol ! Eh copyrignt ! XD