0.15







2 ans plus tard.


Le soleil commençait à frapper fort sur la tôle de la cabane du « Mesquite Négligé ». Et pourtant, les deux habitants dormaient encore d'un sommeil profond, de celui qui génère les rêves.
Daniel Magnolia rêvait de sa jeune sœur, Nadia, et ils étaient en train de pêcher. Activité saugrenue, puisque ni l'un ni l'autre ne savait utiliser une canne. Malgré cela, là où ils étaient, cela n'avait pas d'importance : ils pêchaient. L'enfant avait l'air d'être la plus douée car très vite, la clochette tinta et elle manœuvra habilement pour ramener son butin hors de l'eau. Alors que lui était déçu de ne voir qu'un coffre au bout de la ligne, sa sœur semblait toute exaltée. Sautillant sur place, elle le lui tendit en lui disant, ses yeux gris grand ouverts :

- « Tiens regarde ! J'ai retrouvé ton cœur !
- « Mon cœur ?
- « Bah oui ! Tu l'avais perdu ! Regarde, je l'ai retrouvé ! Ouvre ! »


Perplexe, il ouvrit la boite et une terreur incommensurable le submergea : sur le velours rouge, il n'y avait rien. Il n'y avait qu'un grand vide, et une sensation de manque abyssal lui pressa la poitrine, lui donnant l'impression qu'on le broyait de l'intérieur. L'air vint alors à lui manquer et...

… Tout à coup, il se retrouva dans un lit, dans une chambre miteuse.



En sueur, haletant, il mit un moment à comprendre où il était. Des jambes menues gisaient sur le matelas à coté de lui, en dehors des draps.



Sa sœur était assoupie à ses côtés, l'air paisible et bien loin du trouble qui l'habitait. Confus, il ne savait plus comment elle s'appelait. Nadia ? Elle ne s'appelait pas Nadia ? Non ! Celle-là, c'était Silvia. Son autre petite sœur. Celle que son père lui avait confié de force il y avait deux ans de cela maintenant. Tout lui revenait à présent. Une fois qu'il fut majeur, leur père avait fait en sorte qu'il soit le tuteur légal de l'enfant. Enfant dont il ne savait rien, à l'époque.

Aujourd'hui ? Guère plus.

Avec les papier, Juan avait laissé un livre. Du moins, il en avait l'apparence. A l'intérieur, c'était plutôt un cahier rempli d'informations en vrac. Au début, il n'avait rien compris. Qu'est-ce-que cela pouvait bien lui faire toutes ces données - incompréhensibles qui plus est - sur OAZ Corp. , le célèbre laboratoire ? Et puis une coupure de journal avait attiré son attention : « Mystérieuses disparitions d'enfants ». Puis, plus loin : « Une mortalité infantile record ». En poursuivant, il tomba sur « OAZ Corp. / hécatombe infantile: après les écolos, les médecins s'interrogent. » et « OAZ Corp en reconquête : don de 10 millions de Simflouzs à l'Oasis Grace. ». Enfin : « OAZ Corp. lavée de tout soupçon. » A aucun moment, le nom de Silvia n'était mentionné. Cependant, le soupçon était plutôt clair : OAZ Corp. avait un rapport avec la disparition de sa sœur. Mais pourquoi ? Comment Silvia était passée d'un nourrisson de 3 mois décédé suite à une infection à une petite fille en pleine forme ? Et comment son père l'avait-il retrouvée ? Et pourquoi n'avait-il pas tout simplement écrit noir sur blanc ce qu'il attendait de lui ?
Agacé, il avait fini par balancer le livre et n'y avait pas touché pendant plusieurs mois.

Ainsi, il était là, 2 ans après, luttant pour joindre les deux bouts, et responsable d'une enfant de 10 ans.
La regarder chaque jour qui passait était un calvaire pour lui, sa ressemblance avec Nadia lui rappelant comme un couteau tournant dans une plaie qui il avait laissé derrière lui.
Le ventre noué, il soupira et finit par dire :

- « Nad... Je t'ai déjà dit que tu avais un lit. Je ne veux pas que tu dormes avec moi. »


La petite fille ouvrit péniblement les yeux, et se redressa.



Le voile de tristesse sur ses iris interpella le jeune homme. Il se repassa sa phrase mentalement et s'aperçut de son erreur.

Je me suis encore trompé de prénom...

Elle s'assit un moment au bord du lit puis, comme prise d'un accès de rage, se dirigea vers le miroir en tirant violemment sur l’élastique qui lui maintenait les cheveux.



- « C'est toujours la même chose !!! Dès que j'ai les cheveux trop longs, tu m'appelles Nadia ! Moi, je m'appelle SIL-VIA ! D'accord ? Donc c'est mes cheveux le problème, attends, tu vas voir ! »
    Elle fit deux pas vers la commode, en sortit une paire de ciseaux, attrapa une mèche de cheveux dans la main gauche et referma les lames dessus avec la droite. Daniel s'était précipité pour l'empêcher de se blesser, mais un peu tard pour sauver la mèche noire qui s'effilocha sur le sol.
    L'enfant cria, se débattit, et se mit à pleurer avant d'être pressée contre son frère en un geste de réconfort. Il eut bien envie de s'excuser et de promettre que cela ne se reproduirait pas, mais il savait que cela revenait à mentir. Certes, il était désolé de lui faire du mal ainsi, mais il ne le faisait pas exprès, et subissait comme elle cette situation injuste. Pour le moment, demander pardon pour un acte dont il n'était pas responsable était tout simplement au dessus de ses forces.




    ***





    Quelques instants plus tard, il la retrouva attablée devant un bol de céréales.

    - « Ca va mieux ?
    - « ... »
      Il ferma les yeux en haussant les sourcils, se réjouissant à l'avance de la « bonne » humeur de l'enfant.
      Devant le frigo ouvert, un bol de salade se présentait à lui, mais il saisit finalement la bouteille de lait. Il essaya de trouver un bol propre, émit un petit soupir agacé devant le devoir non accompli par sa "co-locataire", puis remplit le fameux sésame une fois extirpé du fond d'un placard.
      Le silence était tel que tous les gestes effectués semblaient provoquer un vacarme assourdissant : le bruit de la céramique contre le plan de travail, le crépitement des céréales au contact du lait, les frottements des pieds de la chaise contre le plancher tandis qu'il prenait place à table, le tintement de la cuillère contre l'émail...

      - « T'as pas vu le bol de salade ? Il est plus de midi, finit-il par demander. »

      Pas de réaction.
      Il poussa un soupir, ne sachant quoi dire.

      - « Tu vas faire la tête encore longtemps ? C'est bon c'est passé. Ils sont très bien tes cheveux comme ça. »

      Il la vit alors serrer sa cuillère et serrer les dents, avant de voir ses lèvres trembler.
      Mal à l'aise, il finit par déclarer, agacé :

      - « Je suis désolé, d'accord ? »



      - « Bah ça dépend, c'est à qui que tu parles ? Parce-que si t'es désolée pour Nadia, eh ben j'en ai rien à fiche, tu vois ?!
      - « Je suis désolé, Sil-via. Je fais ce que je peux. C'est vraiment pas facile.
      - « Je m'en ficheeeeuuuhhhh ! Si tu l'aimes tant que ça ta Nadia pourquoi tu retournes pas avec, hein ?
      - « Tu sais très bien pourquoi. Et ne parle pas d'elle comme ça. C'est ma soeur, pas ma  copine. Et toi aussi t'es ma soeur, donc c'est pas la peine de me faire une crise de jalousie.
      - « Qu... que... QUOI ? M... Moi ? Jalouse ? Peuh ! Jamais de la vie !!
      - « Si t'es jalouse. Ca se voit.
      - « N'IMPORTE QUOI !!
      - « Pourquoi tu te mets en colère alors ?
      - « PARCE-QUE TU M'ENERVES !
      - « Ah bon. Allez, mange tes céréales elles vont être toutes molles. D'ailleurs, pourquoi t'as pas pris la salade ?
      - « J'aime pas les légumes au réveil. Et pi toi non plus t'as pas pris la salade alors...
      - « J'aime pas les légumes au réveil, moi non plus... »

      Il lui fit un clin d'oeil qui se voulait réconciliateur, mais qui n'arracha qu'un grognement à sa cible.



      La crise était passée. Si sa ressemblance avec Nadia lui retournait les tripes la majeur partie du temps, leur différence de caractère lui facilitait quand même beaucoup la vie. Silvia était plus docile, plus joyeuse et moins colérique.
      Quand il ne se trompait pas de prénom...

      Non, ce n'était pas facile tous les jours, mais il ne pouvait nier qu'une véritable affection le liait désormais à elle.




      ***





      Lorsqu'il avait emménagé dans le bungalow, il avait un moment dormi dans le salon, puisqu'il n'y avait qu'une chambre. Puis, il avait trouvé le courage d'agrandir leur logement pour qu'il puisse avoir un peu d'intimité. Tout seul, il avait mis du temps, mais il y était finalement parvenu.
      Pour subvenir à leurs besoins, Daniel s'était mis à bricoler des meubles qu'il revendait par la suite à des dépôts-ventes. Il effectuait également quelques petites réparations, ici et là. Il n'avait pas eu le courage de continuer à travailler dans l'entreprise de Nitish. Il se sentait tellement honteux d'être parti du jour au lendemain que rien que l'idée de le revoir le plongeait dans une déprime sans nom.



      Pendant qu'il s'affairait sur l'établi, Sylvia s'occupait comme elle pouvait. Quand elle ne chassait pas les grenouilles ou qu'elle ne racontait pas des histoires à sa peluche Idril, elle aimait bien se mettre à sa petite table – fabriquée par Daniel – afin d'y réaliser des expériences picturales mélangeant sable, feutres, pâtes et paillettes.



      Puis, à la fin de la journée, il lui préparait son repas.



      En effet, quand venait la nuit, il s'absentait pour ne réapparaître que le lendemain à l'aube. Elle le regardait alors s'éloigner avec une angoisse au creux du ventre, craignant toujours de se réveiller et de s'apercevoir qu'il était parti. Comme son père.



      Car pour Silvia, il n'y avait rien de plus terrifiant que la solitude.





      ***





      Heureusement pour elle, il y avait l'école. Elle adorait l'école. Y aller lui permettait de voir d'autres enfants de son âge, comme Corey, et d'avoir l'impression de faire quelque chose d'utile. L'école, pour Silvia, était une grande bouffée d'air frais.
      Daniel s'était longtemps demandé ce qu'il fallait faire. N'était-il pas sensé la cacher ? Mais alors à quoi bon faire tous ces papiers qui légalisait sa garde ? A quoi bon avoir changé de nom ? "La cacher dans l'ordinaire", avait dit son père. Quoi de plus normal qu'un enfant à l'école, finalement ? 
      Malgré tout, quand elle n'était pas là, il était habité par une angoisse sourde,sans savoir exactement de quoi il avait ou devait avoir peur.

      Heureusement, de temps en temps, une brise venait renouveler l'air avant qu'il ne devienne irrespirable...















      Commentaires

      Mathoo a dit…
      Mouwahaha ! Revoilà Lin à l'attaque ! :D
      Pauvre Daniel, obligé de composer avec des parents plus qu'absents et deux petites soeurs mystérieusement identiques, ou presque. Ce qui m'attriste le plus, c'est que connaissant Nadia, elle aura du mal à pardonner à son frère de l'avoir laissée. Si elle lui pardonne un jour :(
      Tes images en grand font un super effet ! :D Et le texte est toujours aussi prenant ^^
      GGO a dit…
      Ah bah merci ! J'ai cru que j'avais trop dézoomé et du coup qu'on reconnaissait pas Lin ^^" (cf autres commentaires)

      Ah bah Nadia c'est sûr, la pilule va avoir du mal à passer ^^"

      Ah super ! Je suis trop contente que les grandes images ajoutent quelque chose.

      Merci Mathoo de ton passage !! *bisou*
      Pythonroux a dit…
      Un chapitre bien sympa et la dernière image en grand format est très belle ;)

      par contre, elle s'est coupé les cheveux Lin, non ?
      GGO a dit…
      Elle a une queue de cheval ! :o C'est pour ça que personne l'a reconnue ?
      gamemagg a dit…
      Moi je l'avais reconnue, hé hé... :D .. Lin+ce beau rayon de soleil ... Que du positif, non ??!....
      GGO a dit…
      Aaaaaahhhhhh :-D

      Mais parfaitement ! XD

      Merci de ton passage Mag !