22.


Elle décida donc de prendre l'air et sa promenade la mena chez Fani qui habitait non loin de là. Elle se demanda si Louis était avec elle. Léonor ne savait pas quoi faire. D'un coté, elle mourrait d'envie de voir son fils, mais de l'autre, une angoisse aussi incompréhensible que violente l'en empêchait. Ne cherchant pas à lutter contre ce sentiment, elle prit le parti de faire discrètement le tour de la maison pour voir si elle apercevait le bambin à l'intérieur. Rassurée, elle sonna à la porte.




- « Quelle bonne surprise ! S'exclama Fani lorsqu'elle reconnut son invitée. Ça va mieux ? »
Pour toute réponse, Léonor haussa les épaules. Cette dernière vit alors son aînée la regarder avec affection.
- « Qu'est-ce qui t'amène ici ma chérie ? Demanda-t-elle doucement. »





- « Je sais pas trop... »
Elle avait répondu avec une voix éraillée. En effet, c'était pour ainsi dire les premières paroles qu'elle prononçait en quasiment trois mois.
- « Tu avais besoin de changer d'air, voilà tout. Allez, viens t'asseoir. »




Léonor s'installa sur le sofa tandis que Fani allait remuer les braises.
- « Tu as pris tes médicaments ? Demanda-t-elle sans se retourner.
- « Ce matin oui. Je devais les prendre avec Alice tout à l'heure, mais...
- « Mais à la place tu es venue ici. »
La jeune femme hocha la tête en guise de réponse. Son interlocutrice, comme devinant la réplique silencieuse, continua, toujours sur un ton doux :
- « Tu sais pourquoi tu les prends ?
- « Parce-qu'ils croient que j'ai tenté de me suicider.
- « Et ce n'est pas vrai ?
- « Non. J'ai mal réagi au virage. C'est tout. Y'avait du verglas.
- « Alors pourquoi tu ne leur as pas dit ?
- « Je... Je sais pas... C'était comme si je n'avais plus rien à dire. Et puis j'étais fatiguée, je n'avais pas envie de lutter. Alors j'ai pris le premier, le deuxième, et puis je me suis aperçue que je ne pensais plus. Et ça m'a fait du bien.
- « Et qu'est-ce-qui a changé ? Demanda Fani en se tournant vers elle.
- « Je sais pas... »
Puis, après quelques secondes :
- « J'ai vu mon visage ce matin... »

Léonor vit la vieille femme arrêter son geste. Cette dernière vînt alors s'asseoir à ses cotés, à l'écoute.





Au bord des larmes, Léonor raconta ce qu'il s'était passé. Dans les grandes lignes pour malgré tout ne pas dévoiler les éléments confidentiels. Elle expliqua donc que le fait qu'elle enquête sur la famille d'Atlantys-des Rivières avait fortement contrarié Ryan, qu'il s'était senti trahi, qu'il était parti parce-que cela avait été la goutte de trop dans le vase qu'était leur histoire, qu'elle l'avait surpris le lendemain beaucoup trop près de Véra Harflaural, qu'il lui avait dit qu'il ne pourrait jamais lui pardonner, qu'elle s'était mise à pleurer et qu'elle avait manqué le virage parce-qu'elle avait été complètement aveuglée par ses larmes. Puis elle lui parla du bébé perdu.
- « Est-ce-que Ryan est au courant ? S'enquit Fani.
- « Oui.
- « Et qu'a-t-il dit ? Comment a-t-il réagi ? »
Léonor poussa un petit soupir amer :
- « Je pense qu'il est soulagé, quelque part.
- « Et toi ? »
Elle s'attendait à cette question. Mais y répondre était pour elle insurmontable, si bien qu'elle garda le silence.
- « Et toi, Léonor ? » Insista Fani.
La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, comme pour empêcher les mots de sortir de sa bouche. Mais elle savait qu'il fallait extérioriser tout ça. Elle prit donc son courage à deux main et souffla :
- « Rien... Rien... J'ai tellement honte ! Quelle femme, quel être humain peut-être indifférente à la perte d'un enfant ? » Demanda-t-elle la voix tremblante.
Fani garda le silence. Elle jeta un coup d’œil à la cheminée et se leva pour attiser les braises. Son mutisme soudain accentua la profonde angoisse que ressentait Léonor.




Au bout de quelques instants, la vieille femme rompit enfin le silence :
- « J'aimerais bien t'aider mais..."

Elle marqua une nouvelle pause avant de poursuivre :
- " Quand j'ai eu ma fille, j'étais complètement déboussolée. Mon mari de l'époque était fou de joie, mais moi, je n'y arrivais pas. J'avais vécu ma grossesse avec angoisse, parce-que le fait qu'il y ait un truc qui pousse dans mon ventre me révulsait, surtout qu'il allait me déformer et me causer d'atroces souffrances. J'ai quand même fini par accoucher, tu t'en doutes. Sauf que tout le monde était pétri d'attention envers elle, et moi, qui avait souffert le martyr pendant des heures, je devais tout à coup exploser de joie... C'était au-dessus de mes forces. Je ne m'en suis quasiment jamais occupée, la laissant à mon mari et aux nounous. Puis mon mari est décédé. Il s'est fait électrocuter. Il avait 28 ans. Alors je me suis retrouvée toute seule avec elle. Mais j'avais tellement mal... Alors au lieu de nous rapprocher, ce drame nous a encore plus éloignées. Puis elle est devenue mère à son tour. Et elles ont été abandonnées par le père. Elle est venue habiter ici pour la fin de sa grossesse, et c'est là que je me suis aperçue du mal que je lui avais fait. Ce bébé, elle n'en voulait plus. Elle a accouché, et a reproduit exactement le même schéma que moi en se désintéressant complètement de sa fille. 






Comme je n'avais personne sur qui me reposer cette fois, eh bien j'ai été forcée de m'y mettre. Je me suis donc occupée de tout : les courses, la maison, les repas, les levers au milieu de la nuit, les veillées quand la petite était malade, la parole, la marche, le pot... Je l'avais, mon instinct maternel. Juste 20 ans trop tard. A force d'essayer d'établir le contact entre elles deux, ma fille a finit par la voir autrement que celle par qui était arrivé le malheur. On a eu quelques années paisibles, puis elles sont parties vivre ailleurs. Parce-que soit disant j'étais un mauvais exemple. Elle faisait référence au fait que je voyais des hommes. J'ai toujours eu du succès. Après mon premier mari, j'avais réussi à trouver quelqu'un d'autre, avec qui j'avais fini par me marier. Mais lui aussi est mort. Dans l'incendie du Domaine d'Atlantys. Il était pompier. Alors j'en ai eu marre. Je ne me suis plus attachée, et j'ai fait en sorte de ne pas me sentir trop seule. Et je trouve vraiment injuste qu'elle me reproche ça. »
Elle avait parlé d'un seul trait et avait fini en appui sur la cheminée, toujours dos à la jeune femme, comme si elle n'avait pas pu lui dire ça en la regardant en face. Elle se retourna alors pour venir s'asseoir à nouveau.



Fani poussa un petit soupir une fois installée.
- « Je me suis un peu égarée, mais ce que je voulais te dire, c'est que y'a pas de mode d'emploi pour être mère. C'est dur. Etre parent, c'est la chose la plus dure qui nous soit donnée de faire au cours de notre vie. Parce-que chacune de nos faiblesses nous est balancé à la figure. Pour avoir un enfant, il faut être fort. Il faut être courageux. Parce-que y'a rien de plus angoissant dans le sens où forcément, il y aura un moment où on sera pas à la hauteur. Mais c'est normal. C'est la vie qui veut ça. Et quand on est seul, tout est beaucoup plus difficile. J'avais des bons rapports avec ma mère, mais elle ne m'a jamais expliqué ça. Elle ne m'avait pas prévenu. Elle ne m'a pas épaulée dans mes moments de détresse. Donc moi, j'ai paniqué. Et quand c'est ma fille qui a du vivre ça, eh bien je n'ai pas été meilleure que ma mère. Parce-que tout ça, je l'ai compris en m'occupant de ma petite fille. Parce-que j'avais du recul. Parce-qu' émotionnellement, j'étais plus apaisée qu'à 20 ans. Au vu de ce qu'il s'est passé et de ce que j'ai pu observer, je suis sûre que tu n'as pas été accompagnée quand tu es devenue mère. »
Léonor était encore sous le choc de toutes ces révélations. Tout à coup, elle se rendit compte qu'il lui était plus facile de respirer.
- « Je suis orpheline. J'ai été mise dans une famille d'accueil, mais ils avaient beaucoup d'enfant à s'occuper et j'étais la plus calme. Donc ils m'ont laissée vivre ma vie dans mon coin, et je suis partie à l'université la plus éloignée de chez eux. Ma famille, finalement, ça a été mes amis. J'avais 18 ans quand j'ai rencontré Ryan.
- « Je m'en doutais... Mais comment es-tu tombée enceinte ? »
La question surprit Léonor. S'apercevant de l'hésitation de son interlocutrice, Fani parti d'un rire franc.
- « Je ne te demande pas le mode d'emploi idiote ! S'exclama-t-elle affectueusement. Je voulais savoir s'il était attendu. »
La jeune femme pouffa et un sourire illumina son visage :
- « Ah... J'suis bête... »
Puis le souvenir douloureux refit surface. Elle souffla alors en levant les yeux au ciel.
- « J'ai du partir pour un boulot pendant une semaine. En arrivant, je me suis aperçue que j'avais oublié ma plaquette de pilules. N'étant pas avec Ryan, je me suis dit bêtement que ça ne risquait rien. Et... Voilà. J'ai failli avorter mais j'ai dépassé le délai légal, vu qu'on s'en est aperçu tard... Ryan ne me l'a jamais vraiment pardonné, je pense... »

Fani la regarda, étonnée :
- "Tu m'étonnes, là... Ryan ? T'en vouloir pour ça ? Mais il est dingue de son fils !
- "Ca s'est gommé avec le temps, mais au début, il ne voulait pas être père. Pas si tôt du moins. Et pas à ce moment de sa vie..."
Après un silence, elle reprit, des trémolos dans la voix :
- "C'est pour ça que pour ce bébé... S'il était encore là, maintenant, alors que tout va mal... Ce serait nous replonger dans la même angoisse que pour Louis... Et... Et... Moi j'en voulais pas de ce bébé... Pardon.............. Pardon........................"
La tête au creux des bras de Fani, Léonor pleurait maintenant à chaudes larmes. Le corps secoué de sanglots, elle se cramponnait à la vieille femme comme si la lâcher allait la faire tomber dans un gouffre.
- "Allez... Vas-y... Pleure. Fais sortir tout ça."
Alors Léonor se laissa aller. La douleur était tellement intense qu'elle en gémissait. Au bout de quelques minutes, la crise laissa la place à un vide apaisant. Bercée par Fani, elle s'assoupit.

3 heures plus tard, elle revînt à elle, les joues roses et les yeux gonflés. Fani lui caressait les cheveux. Elle resta quelques minutes ainsi, en faisant semblant de dormir encore pour ne pas rompre le charme. Elle était si bien... La sensation qu'elle ressentait était indescriptible. Elle se sentait comprise. Elle se sentait enfant. Enfant et protégée. Quelque part, au fond d'elle-même, elle sentit une petite porte s'ouvrir.
Puis il fut temps de se reprendre. Elle se leva et adressa un sourire gêné qui rencontra celui de Fani, empli de tendresse.
- "Merci...
- "Je t'en prie Léonor..."
Un bruit de sonnette interrompit leur échange de regard :

- « Oh mince ! S'exclama Fani. J'ai oublié de faire le dîner! Ma fille et ma petite fille viennent manger ici. »




La vieille femme alla accueillir ses invitées, et la porte s'ouvrit sur un visage connu :
- « Mais Léonor, qu'est-ce-que tu fais là ! On était mortes d'inquiétude ! J'étais venue pour annuler !"

La jeune femme eut un moment d'absence.

Sa fille... C'était toi ?

- "Remarque j'aurais du m'en douter... Tu... Tu as vu Louis ? Continua-t-elle.
- "N... Non... Je... Je ne savais pas que vous étiez parentes.
- "Je ne parle pas beaucoup de ma mère..."
Anaïs avait levé les yeux au ciel en soupirant puis l'avait dévisagée.
- "Ça va, toi ?"



Léonor sourit et répondit par l'affirmative en hochant la tête.
Son amie se rapprocha alors, et lui dit avec affection : 
- « Tant mieux. 
- « Des pâtes, ça va à tout le monde ? » Cria Fani de la cuisine.




Alice avait donc été invitée à les rejoindre, et Léonor n'était pas mécontente de se retrouver dans une ambiance un peu plus légère. Elle trouva d'ailleurs l'adolescente plus gaie que d'habitude, et semblait vraiment très attachée à sa grand-mère. En revanche, Anaïs était moins bavarde qu'à l'accoutumée.
- « Et alors ma petite chérie ? Comment va Sébastien ? Demanda Fani.
- « Bien, répondit-la concernée sans plus de précision.
- « Vous êtes allés à la patinoire ? Celle juste à coté ? Il paraît qu'elle est rudement bien!
- « Non... On se voit surtout pour le travail.
- « Eh bien vous devriez. Vous travaillez trop tous les deux. En plus c'est un bel endroit pour les amoureux. Surtout que le printemps ne va plus trop tarder.
- « Et avec, l'examen qui va être déterminant pour son futur. Alors j'apprécierais que tu ne lui bourres pas le crâne avec ces bêtises. »





Le ton d'Anaïs tranchait vivement avec le climat amical de la soirée.
- « Mais enfin, tout le monde sait qu'on est plus efficace quand on est détendu, rétorqua Fani en gardant son calme.
- « Oui, oui, d'accord. Mais tu sais parfaitement de quoi je veux parler.
- « Pas du tout. Je ne vois pas du tout à quoi tu fais allusion. Je lui dis simplement de profiter des gens qui sont là pour elle, parce-que je trouve qu'elle a un petit coté ermite.
- « Mais c'est fait exprès! Elle fera ce qu'elle voudra quand elle aura un diplôme digne de ce nom. En attendant, elle bosse. Et elle ne va certainement pas s'afficher comme ces dévergondés d'aujourd'hui. C'est outrancier.
- « Mais je leur dis d'aller faire du patin à glace ! Commença à s'agacer l'aînée. Mais toi tu entends « patin », alors tu comprends « avec la langue » ! Tu as vraiment l'esprit mal tourné !
- « C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Venant de  la "traînée du quartier " ! »



Léonor en eut le souffle coupé. Elle sentit ses joues rougir devant l'insulte alors qu'elle ne lui était même pas destinée. Elle jeta un regard discret vers l'agressée, qui après une seconde de déstabilisation – marquée par une déglutition marquée – répondit :
- « Je suis passée devant Véra ? Pas mal pour une vieille ! »



Elle souriait, mais ses yeux verts s'étaient noircis de manière inquiétante. Le bruit de la fourchette – qu'Anaïs venait de jeter – fit sursauter Léonor.
- « Tout n'est qu'une grosse blague pour toi ! Rien n'est sérieux, tout est prétexte à la dérision. Mais il y a des sujets graves, maman, et surtout, des choses qui se respectent ! Mais à ton âge, tu es... »



Léonor n'écoutait plus. Elle n'était pas encore prête à absorber autant de haine et de rancœur. Cette déferlante de reproches la remit l'espace d'un instant face à Ryan, qui ne lui pardonnait pas, qui en avait assez d'elle. 

"Je suis parti à cause de toi."

Troublée, elle quitta la table - dans le sillage d'Alice - et pénétra dans le salon, laissant les deux adversaires régler leurs comptes.



De l'autre coté, l'adolescente s'était installée et regardait la télévision avec un air blasé. Léonor alla prendre place à ses cotés.
- « Désolée que tu assistes à ça... S'excusa la jeune fille. Ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé. Maman a du entendre les derniers exploits de ma grand-mère, et à chaque fois, ça termine comme ça. Mamie a du se trouver un nouveau copain... »



Une bonne demi-heure plus tard, le programme étant terminé, les éclats de voix prirent le dessus sur la musique de fin.
- « ... ce que ça me fait ? Hein ? Quand j'entends tous ces gens déblatérer sur toi ! Et dire que tu es la mère spirituelle de Véra ?! C'est INSUPPORTABLE ! C'est pour ça que je limite au maximum tes entrevues avec Alice. Tu imagines si c'était elle qui était entrée dans la chambre la veille de mon départ ? Le genre de leçon qu'elle aurait apprise ?
- « Ca fait 10 ans Anaïs. Remets t'en.
- « Mais ne me prends par pour une idiote ! Je vous ai vu pas plus tard que ce midi ! Vous vous voyez toujours ! Sous le nez de sa femme, de son fils, et de tout Atlantys !
- « Personne n'est au courant. Toi tu le sais, c'est parce-que tu nous a vu. Et change de disque si tu veux pas que notre invitée, que l'on sait curieuse, ouvre une enquête. »
Silence. 
Léonor se sentit rougir.



Quelques instant plus tard, la porte s'ouvrit sèchement et Anaïs signifia à sa fille et à Léonor qu'elles partaient.
- « Je ne veux plus que tu vois Alice jusqu'à son examen de fin d'année. »
Tant d'émotions se mêlaient au regard que lui lança sa mère ! Déception, colère, dégoût, lassitude...





Puis quand elles eurent franchi le seuil, une infinie tristesse les remplaça toutes.
Mortifiée, Léonor s'était déplacée à pas de loup et avait posé une main solidaire sur l'épaule frêle de son hôte avant de prendre congé. Sur le chemin du retour, la jeune femme tenta de s'expliquer le brusque changement de caractère de son amie. Ce n'était pourtant pas son genre de faire des esclandres en public et d'être aussi violente.



En entrant dans la pièce, elle la trouva allongée sur le canapé. Après avoir doucement refermé la porte, elle se dirigea vers elle.




La jeune femme s'était assise et avait attendu un signe de la part d'Anaïs. Cette dernière ne sortant pas de ses pensées, elle lui indiqua qu'elle était là si elle avait besoin de parler.



Pour toute réponse, Anaïs se releva péniblement, les yeux rivés au sol, et partit s'isoler dans sa chambre. Léonor, depuis qu'elle vivait ici, dormait dans le canapé-lit du salon. Après s'être occupée de son couchage, elle décida d'aller voir son amie. Elle se demanda en chemin s'il n'était pas temps qu'elle aille parasiter quelqu'un d'autre, ou mieux, qu'elle se reprenne en main afin de ne plus être une charge supplémentaire pour personne.



Léonor savait qu'elle ne dormait pas. Mais son silence quand elle avait ouvert la porte n'était pas bon signe.
- « Parle-moi Anaïs... Ne reste pas comme ça... » Dit-elle doucement.
Elle l'entendit alors renifler. Il n'y avait pas beaucoup plus généreux que cette femme là. Paradoxalement, elle était à la fois très entourée et extrêmement seule. Dans sa tentative de se protéger elle et sa fille, elle avait maladroitement ériger une véritable muraille de Chansimla entre elles-deux et les autres. C'est pourquoi Léonor décida qu'il était temps de lui montrer que quelqu'un pouvait aussi être là pour elle. Elle se déshabilla alors, ne gardant que son T-shirt et ses sous-vêtements, et se glissa sous les couvertures.




Une fois dans le lit, elle lui caressa doucement le dos qu'elle sentit tressauter sous ses sanglots. Elles restèrent un moment comme ça, puis, quand les pleurs cessèrent :
- « Tu peux me parler tu sais ? »
Anaïs hocha la tête sur son oreiller.
- « Je suis là pour toi. Je pense que tu gardes beaucoup trop de choses...
- « Et moi je pense que tu n'as pas besoin de mes petits tracas en ce moment.
- « Sans vouloir être désagréable, cela me paraît être un gros tracas quand même... Vas-y, raconte-moi. Comme ça j'arrêterais peut-être de me regarder le nombril.
- « N'importe quoi...
- « Vas-y je te dis...
- « C'est vraiment pas intéressant...
- « Laisse-moi juger. Si je m'ennuie, je te le dis. Promis. »
Toujours la main le long de son dos, elle la sentit pouffer.





Anaïs fit alors demi-tour et entama son récit :
- « D'aussi loin que je m'souvienne, j'ai jamais eu de bons rapports avec ma mère. Je me suis longtemps demandée pourquoi quand j'étais ado, mais j'ai jamais compris. Et ça s'est empiré quand j'ai grandi et que j'ai vu le genre de personne que c'était. Une fois, je me souviens, mon père venait de mourir, et j'ai entendu des bruits dans sa chambre. J'ai écouté et... Bah j'aurais préféré rien savoir. »
Anaïs se tut et Léonor respecta son silence. Enfin c'est ce qu'elle pensait, car son amie se mit à la fixer en baissant les paupières à demi :
- « Dis donc, ça va mieux toi...
- « Bah... Comment ça ?
- « Hier je t'aurais livré le meurtrier de Nyls d'Atlantys tu ne te serais même pas retournée, et là tu veux savoir qui couchait avec ma mère ?
- « Mais non !
- « Mais si! Je le vois bien à ta tête !
- « Mais n'importe quoi ! Je fais une tête de quelqu'un qui respecte que son amie ait des secrets.
- « Ouais, bah vas te regarder dans une glace. T'as une tête de quelqu'un qui se dit « je veux savoir, je veux savoir, dis moi, dis moi, je veux savoir, c'est qui...
- « Oh on a compris ! Coupa-t-elle. »
Puis après un silence :
- « Je contrôle pas très bien mes expressions... »
Ce qui fit rire Anaïs.
- « Je te préfère comme ça. Et pour fêter ton retour parmi nous, je te le dis. C'était François Faivre.
- « OH!
- « Bah ouais.
- « Naaaaaannnnnn...
- « Si.
- « Arrête... François Faivre ? Le bon samaritain d'Atlantys ? Môsieur Génial ?
- « Eh ouais. Comme quoi, hein... Alors évidemment, j'ai réfléchi et je me suis aperçue que ça durait depuis très longtemps. Donc elle a trompé mon père. J'crois que je lui ai jamais pardonné. Déjà que, hein... Alors là... Malheureusement, comme tu le sais, je me suis retrouvée seule pendant ma grossesse. J'étais paumée et j'ai accepté de revenir chez elle pour qu'elle m'aide. Je me demande bien ce qu'il m'était passé par la tête à ce moment là mais bon... Pour être tout à fait honnête, elle s'est pas trop mal débrouillée. Mieux qu'avec moi toujours ! Je ne lui enlèverai pas ça, surtout qu'au final on est restées quelques années."





 Mais un jour où je pensais qu'elle était sortie, je suis allée dans sa chambre pour aller chercher un cachet pour la tête et je suis tombée sur les deux en train de se bécoter sur le lit.
- « Naaaaaaannnnn...
- « Si. 20 ans après ils y étaient encore. Je sais qu'ils se voient toujours, j'en ai eu la confirmation à l'heure du déjeuner. Je comprends pas. Elle a eu bien d'autres aventures ! Et il a fallu qu'elle choisisse le marié, le père d'un très bon ami à moi qui plus est. Je te raconte pas le malaise... C'est pour ça que... J'en peux plus d'elle, en fait. Elle me fait honte."




- "Et quand je la vois agir avec ma fille, j'ai tellement peur qu'elle l'influence que ça me rend hystérique. »



Après un silence, elles se tournèrent toutes deux sur le dos :
- « Et tu crois que... Tu crois qu'ils sont amoureux ?
Léonor avait parlé prudemment, de peur de provoquer à nouveau la colère de son amie. Cette dernière poussa un soupir :
- « Je n'en sais rien. Mais ils sont adultes... Il a qu'à divorcer s'il préfère être avec ma mère. L'adultère, je trouve ça horrible. Evidemment, surtout pour celle qui en est victime, Mme Faivre en l’occurrence. Je ne sais pas si elle sait, mais le jour où elle l'apprendra, t'imagines ce que ça va lui faire ? Cette trahison qui dure depuis des années ?
- « Je ne dis pas que c'est le cas mais... Tu verrais le nombre d'affaires où la « cocue » est au courant et s'en accommode...
- « Là c'est moi qui te crois pas.
- « Je te jure que si... Surtout quand ça dure dans le temps. SURTOUT quand le mari est plein aux as et a une belle situation.
- « Hum...
- « Ce que je veux dire, c'est qu'on juge vite les gens alors qu'au final, on ne connait pas les détails. T'en as parlé avec ta mère, de tout ça ? De ce que tu ressentais ? Calmement, j'entends...
- « Ça aurait servi à quoi ?
- « Bah... Tu serais peut-être surprise parce-qu'elle te répondrait..
- « Ça m'étonnerait !
- « Mais au moins tu serais fixée.
- « Je suis déjà fixée Léonor. C'est quelqu'un de mauvais. Et puis tu peux parler ! Toi qui refuse tout contact avec Ryan. »
La jeune femme accusa le coup.
- « Vas-y toi lui parler ! Continua-t-elle. Ça va peut-être te surprendre ce qu'il va te dire !
- « Ce n'est pas lui le problème... répondit Léonor d'une voix à peine audible »
En voyant le trouble de son amie, Anaïs se calma :
- « Pardon.
- « C'est pas grave, répondit-elle toujours aussi faiblement. On est mal barrées..., finit-elle en pouffant alors qu'elle commençait à avoir les larmes aux yeux. On est tellement pleines de rancœur...
- « Ouais... Ça se soigne ? »
Léonor pouffa de nouveau et renifla :
- « Je sais pas... 
- « Hum... On est mal barrées...»

Commentaires

Sakura5192 a dit…
Ah, ça fait quand même plaisir de voir qu'elle sort peu à peu de sa torpeur notre Léo <3
GGO a dit…
Petit à petit ;-)
Noogatine a dit…
Raaaah mais qu'est ce que tu m'énerves ! T'arriverai presque à me faire changer d'avis !!!
Il n'empêche que, même si Leo a des circonstances atténuantes, enfance pas forcément heureuse, Louis qui n'était pas désiré, tout ça, il n'empêche qu'elle a quand même pas mal de choses à se faire pardonner. Et qu'il faudrait quand même qu'elle arrête de faire l'autruche. Il y a un moment où elle va devoir regarder la vérité en face et faire face à ses responsabilités dans tout ça... Parce que si je comprend bien, Ryan n'avait pas plus envie de Louis qu'elle, et pourtant lui s'est sacrifié et a sacrifié sa carrière pour son enfant, contrairement à elle. Et si elle ne veut pas que sa relation avec son fils finisse par devenir la même que celle de Fani et Anaïs, il va falloir que se sorte les doigts des fesses !
Enfin bref, pour résumer, je suis toujours pro-Ryan. Et j'attends Missing de pied ferme. :p
GGO a dit…
Mmmooouuuuaaaahhhhaaaaaa ! Ah je suis contente !

Sinon, pour Ryan, attention... Il a pas vraiment sacrifié sa carrière... C'est le fait qu'il se soit blessé qui l'a gardé à la maison. Il se trouve que Louis est arrivé, et que comme c'est un type bien, il s'est secoué et s'en est occupé. Alors certes, il y en aurait eu pleins qui se seraient morfondus et se seraient pas occupés de leur gosse, donc il a au moins le mérite de l'avoir fait et de l'avoir BIEN fait. MAIS, rien ne dit que s'il avait été footballeur professionnel, il aurait sacrifié sa carrière. Entre nous, je n'en suis pas bien sûre...
Pythonroux a dit…
Elle est super émouvante cette suite, j'adore. Merci beaucoup GGOf ;)
Noogatine a dit…
Peut être mais il n'empêche que s'il n'a pas pu la reprendre, sa carrière, après sa blessure, c'est bien parce qu'il fallait s’occuper du gosse, non ??
Pythonroux a dit…
Tu oublies que sa blessure a mis plusieurs années pour se réparer... et que malgré tout son talent au lycée, les équipes professionnelles n'ont pas voulu le prendre car ils ne savaient pas quand ils seraient aptes à jouer et s'il retrouverait son niveau d'avant....
Donc, oui, Ryan, s'est très bien occupé de son fils mais il n'avait rien d'autres à faire sur le moment.... et puis s'il voulait reprendre une fois que c'était cicatrisé/consolidé, il pouvait ouvrir sa bouche pour discuter :p
GGO a dit…
Je pense qu'il s'est un peu caché derrière ça. Il a été bien secoué quand il a vu les portes des grands clubs se fermer, et comme il n'était pas coaché, il avait peur d'essuyer de nouveaux refus. Il avait complètement perdu confiance en lui. Donc il est resté à la maison pour s'occuper de son fils.
GGO a dit…
Merci beaucoup :-)
Noogatine a dit…
Oui, mais Leo n'a rien fait pour l'aider, ça l'arrangeait bien cette situation ! (genre la fille qui ne lâche jamais le morceau :p)
Parthenia a dit…
Ayez, je suis à jour !!! pfiou, c'était captivant ! (au fait, tu t'étais arrêtée à quel chapitre sur le forum bleu ?)
C'était passionnant de suivre ainsi les états d'âme de chaque protagoniste, même si on a surtout la vision de Léonor, qui est peut-être un déformée... mais c'était également stressant, tellement les situations, et notamment les crises du couple, sonnaient justes...
je suis un peu comme Noog, je suis pro-Ryan, même si je comprends certaines des réactions de Léonor, qui de par son passé, n'a pas forcément les bons repères pour avoir les bonnes réactions...

en tout cas, concernant l'enquête elle-même, je suis toute perdue, mais je reste persuadée que je tomberai de haut quand on apprendra le nom du ou des coupable(s)...

merci de continuer ton histoire, ce fut un régal de retrouver les personnages ! :)
GGO a dit…
Noog : Ah oui, ça l'arrangeait bien on est d'accord !

Simorette (plus court :-p) : Oh je suis trop contente de te revoir ici !! Sur le bleu je m'étais arrêtée tôt, mais j'avais continué sur un blog. Ca se terminait après sa crise de folie au moment où elle quitte Prys Plènozas. ;-)
Pour Léo c'est exactement ça : elle n'a pas les bons repères. Donc elle est de bonne foi, mais ses angoisses déforment un peu les faits et ont forcément un impact sur ces réactions.
Pour l'enquête, c'est normal XD
Et merci de me (re)suivre !! <3
Mathoo a dit…
Eh ben dis donc, c'était le chapitre des confidences ! :O
En tout cas, ça fait du bien de voir que Léonor reprend du poil de la bestiole, petit à petit ! :) Et toutes ces confidences, ça devrait lui redonner le goût de l'investigation ! ^^ (celui qui ne pense qu'à l'enquête :P )
Missing a dit…
C'était intéressant de découvrir le passé de deux personnages secondaires.
Et surtout le conflit pour Leonor qui ne sait pas trop quoi faire en voyant que ces deux personnes qu'elle apprécie sont liées mais ne s'entendent pas du tout.
Je me demande quel lien cela va avoir avec le reste de l'histoire. Aucun détail n'est anodin ici !

Et puis connaître un peu plus le passé de Leonor, c'est bien aussi. Après la video de l'autre fois, je me demandais comment le bébé était arrivé.
Et donc Ryan n'en voulait pas ? Ça peut expliquer pourquoi il en veut tant à Leonor.
Mais bon il a quand même choisi de vivre cette vie si j'en crois ce que je lis ...
GGO a dit…
C'est vrai que c'était pas facile pour elle vu que les deux personnes dont elle se sent le plus proche actuellement se déchirent ! Elle ne trouve pas de socle sur lequel s'appuyer... Encore ;-)

Eh oui les détails... ^^

Un choix un peu contraint malgré tout... Et vu comment il est en colère, peut-être qu'il ne l'avait pas vraiment assumé, finalement...