Mission to Sixam 3






- " Tu te sens de continuer ?"

Lin avait hoché la tête. Puisque tout était normal !
Ils continuèrent donc leur récolte, évoluant méthodiquement dans la nature faussement paisible de Sixam. Car si tout y était calme, l'oppression était là... Elle enserrait les jambes, les bras, les mains, la poitrine, la gorge. Lin s'en accommodait bien jusqu'à ce que sa mésaventure la rappelle à l'ordre. Ils étaient sur une terre inconnue qui savait se montrer hostile.



- " Euh... Docteur Lalouche ? Est-ce-que c'est bien raisonnable ?" demanda Lenny tandis que le docteur se penchait vers une de ces plantes à globes jaunes.
- " Je ne fais que regarder."



Suspicieux, Lenny observa son patron se livrer à un curieux manège. Il piétinait sur place, regardait fréquemment en direction du Docteur Muto et se penchait vers la plante dès que cette dernière bougeait. Lorsque le docteur se rendit compte qu'il était observé, il se racla la gorge et dit :

- " Vous pouvez y aller Lenny.
- " Hein ? Mais...
- " Vous pouvez y aller je vous dis. On n'en a pas pour longtemps.
- " Mais le règlement...
- " Le règlement c'est moi qui l'ai fait donc vous faites ce que je vous dis.
- " Et moi je vous dis que ne pas respecter un protocole...
- " C'est un ordre Leonardo Marchisello !"

L'agent de sécurité cligna des yeux. Il vit le Docteur Muto se retourner, aussi surprise que lui. N'ayant pas tellement le choix, il répondit :

- " ... Très bien Docteur Lalouche."

Il ne bougea pas instantanément cependant, comme si son corps refusait d'agir à l'encontre des règles de sécurité les plus élémentaires. Les sourcils froncés, il se décida à partir quand il vit le Docteur Lalouche sur le point de l'enguirlander. Il tournait le dos pour rentrer en trottinant, heureux de retrouver Coumba plus tôt que prévu malgré tout, quand son patron le héla :

- " Lenny ! Tenez. Donnez ça à Coumba. Il me faut l'analyse pour ce soir.
- " Ce soir ? Faut que je lui donne toudsuite toudsuite ?
- " ... Oouuiii... Il y a un problème?"

Lenny déglutit.

- " Nooooonnnn.
- " Bon allez, rentrez vite, ça demande du temps."



- " C'est vraiment trop injuste."





- " Que se passe-t-il Lazlo ?"

Il ne répondit pas instantanément, son regard fixant un point dans leur dos, et coupa la communication avec la base avant de dire :

- " Écoute... Ça fait un moment que j'y réfléchis..."

Ce fut à peine perceptible mais il sentit qu'elle était déjà en train de se fermer : Elle savait ce qu'il allait dire. Il ne se découragea pas pour autant.

- " Lin...
- " Lazlo s'il te plaît...
- " J'en peux plus de cette situation."



- " Tu ne peux pas rester éternellement sur la défensive comme ça. Tu es en train de disparaître. Petit à petit. Quand je t'ai connue...
- " Arrête...
- " Non. Tu as besoin de l'entendre. L'incident de tout à l'heure m'a rappelé que la vie est trop courte. Que tu gâches tes plus belles années...
- " Laisse-moi."

Elle se détourna mais il lui attrapa l'avant bras et la retourna vers lui :

- " Non. Quand je t'ai connue, tu étais pleine de vie, si lumineuse... Et depuis...
- " TAIS-TOI !" Dit-elle en dégageant son bras.
- " NAN LIN ! Regarde-toi ! Tu n'es plus qu'une ombre ! Je t'ai laissé du temps, mais...
- " Ce n'est pas ton problème ! J'accepte tes critiques sur mon boulot, POINT ! Pour le reste, tu me fous la paix !
- " Mais je peux pas ! Ça me fout en l'air de te voir comme ça !
- " Tu es surtout capricieux et tu ne supportes pas qu'on te dise non !
- " Qu... Quoi ?
- " Avoue que c'est de ça dont il s'agit !"



Il marqua un temps avant de répondre. Il s'était préparé à ce que la discussion dégénère, mais pas à cette vitesse, et certainement pas par le biais d'attaques aussi basses :

- "... Tu es tellement en colère que tu ne vois même plus quand on essaie de t'aider..."

La voix posée, teintée de rauque, aurait du alerter la jeune femme qui persista sans en faire cas :

- " Et c'est toi qui va m'aider peut-être ? C'est toi qui vas m'accorder le salut ? Je vais me donner à toi et le Grand Lazlo Lalouche va régler tous mes problèmes ? Ça n'a pas marché la première fois, pourquoi je devrais recommencer ?"



Les iris de Lazlo vacillèrent, son corps se raidit imperceptiblement vers l'arrière. Elle l'avait blessé. La tristesse de son regard parvint finalement jusqu'à elle et elle tenta de faire machine arrière, un peu tard :

- " C'est pas...
- " Laisse-tomber."

Machinalement, il réajusta son casque avant de continuer :



- " J'essayais juste d'être ton ami. Te dire que tu dévalais la mauvaise pente. Oui c'est vrai, je suis triste que tu ne partages pas mes sentiments. Parce-que je trouve qu'on fait une belle équipe tous les deux. Mais tu as été claire, tu ne m'aimes pas de la même façon. Soit. Je ne pensais pas que ça m'empêchait de me faire du soucis pour toi. Le message est passé. 5 sur 5. Allez. On rentre."





***





Les jours qui suivirent furent un peu chaotiques, les membres de l'équipe croulant sous le travail et s'y plongeant à corps perdu. Pendant plusieurs semaines, il fut rare que tout le monde soit à table en même temps. C'est pourquoi, ce soir là, l'humeur était à la fête.



Lin et Lazlo s'étaient évités après leur dernière discussion. Tout le monde avait remarqué qu'un froid s'était installé entre eux, surtout après que Coumba se soit sentie obligée de parler à toute l'équipe de l'attitude étrange du Docteur Lalouche en présence de Lin. Il suffisait qu'elle soit dans une pièce pour qu'il en sorte ou fasse demi-tour.

Lin, de son côté, était partagée entre son envie d'aller lui présenter des excuses pour son comportement et sa raison qui lui dictait de rester éloignée pour ne pas lui donner de faux espoirs. Elle n'avait rien à lui donner.



Ce soir là, cependant, l'envie se faisait plus forte et elle cherchait du regard un Lazlo à l'attitude éloquente : la pilule avait du mal à passer. Le malaise était palpable et il n'était pas amélioré par les tourtereaux de l'équipe qui passaient leur temps à roucouler sous leur nez, comme s'ils cherchaient à enfoncer un peu plus le clou.







Au moins, cela détournait l'attention des autres membres de l'équipe qui semblaient moins concernés par leur brouille.



- " Qu'est-ce-qu'il peut m'agacer..." Se plaignit Eric tandis qu'il débarrassait la table à la fin du repas. "Toujours à laisser traîner ses affaires... Sales en plus ! Je passe ma vie à passer derrière lui.
- " Tu parles du mug ? Demanda Lin.
- " Oui.
- " C'est le mien. Pardon."



- " Oh c'est rien.
- " C'est rien ? Avec Lenny c'est une cause de conflit sur 13 générations et avec Lin c'est "rien" ?" Se moqua gentillement Philippe.
- " C'est parce-que j'adore Lin."

L’intéressée rougit légèrement, sous le regard affectueux des deux hommes.



- " Ah Lin ! S'exclama Coumba, faisant presque sursauter ses 3 collègues. Tu viens faire une petite partie ?
- " Non merci. Je vais lire un peu.
- " Oh c'est dommage...
- " Tu as besoin d'aide sinon pour les analyses ?
- " Nan nan c'est bon, là j'en ai lancé une qui devrait se terminer dans 1 heure. Après c'est de la compilation...
- " Et moi ? Je peux t'aider ? demanda Lenny avec un grand sourire enthousiaste.
- " Surtout pas !"

Et elle gloussa.



Lenny et Jo' s'installèrent de leur côté pour une partie en réseau...

- " Eric tu regarderas le courrier du cœur plus tard, hein. On a des choses de bonhomme à faire avec Jo'.
- " Je crois que je vais avoir besoin d'une séance de méditation."



- " Lenny... C'est de l'anti-jeu...
- " C'est toi qui l'dis !"


... tandis que Lin, comme à son habitude, allait s'isoler dans sa chambre.
Seulement, au bout d'une demi heure, une annonce perturba sa retraite :



"Le Docteur Muto est attendue au cabinet médical d'ici 10 minutes. Je répète. Le Docteur Muto est attendue au cabinet médical d'ici 10 minutes."

La jeune femme fronça les sourcils, perplexe.



- " Merci d'être venue, Lin.
- " Il y a un problème ?
- " Non. Rassure-toi. Un petit contrôle de routine et... Je voulais avoir une petite discussio avec toi.
- " À quel sujet ?
- " Je t'en prie assis-toi...
- " Non, je préfère rester debout."

Philippe rit doucement.

- " Voilà. C'est de ça dont je voudrais te parler."

Il fit tourner son siège pour lui faire face, s'appuya contre son dossier pour mieux s'installer et se racla la gorge. Les coudes posés sur les accoudoirs et les doigts croisés, il avait l'air de prendre son élan :

-"Tu n'es pas sans savoir que les profils psychologiques des employés sont étudiés de près à leur embauche, mais aussi quand ils sont susceptibles d'être envoyés en mission ici-même."

Lin hocha la tête.

- " Quand je me suis penché sur ton dossier, j'ai été assez étonné de voir une telle différence entre la première analyse psychologique et celles qui ont suivi..."

Le regard de la jeune femme se durcit instantanément.



Elle était là, statique, la tête penchée et perchée sur une nuque raide, telle un prédateur prêt à lui sauter à la gorge s'il ne choisissait pas ses mots avec précaution. Visiblement, elle était parfaitement consciente du changement et le ou les événements perturbateurs étaient chasse gardée. Il se redressa et se tortilla sur son siège. Elle le rendait mal à l'aise, constat très inattendu pour cet homme qui avait toujours été proche des autres.

- " Allez, allez, viens t'asseoir. Viens..."

Il se leva, lui indiqua un tabouret et s'assit sur une fesse, de profil, les mains croisées sur un de ses genoux.
Elle le suivit, visiblement de mauvaise grâce.

- " Lin. L'idée c'est qu'on discute. Je t'ai faite venir ici pour qu'on soit tranquille. Tu t'imagines, en bas, avec Lenny risquant de débarquer à tout bout de champ pour nous demander où est Coumba ou qui a mangé le dernier gâteau ?"

Il rit, pas elle. Décidément, le contact n'était pas aisé. Il n'était pas étonné qu'elle ait une telle réputation au sein de l'entreprise.

- " Comment tu te sens, Lin ? Ici, pour commencer. Tu vis bien le voyage ?
- " Oui.
- " C'est le 3ème, c'est ça ? Tu étais volontaire il me semble ?
- " Oui.
- " Tu dors bien ?
- " Oui.
- " Tu n'as pas mal à la tête, au ventre... Tu te sens bien ?
- " Mes analyses sont anormales ?
- " Non non...
- " Tout va bien. Je n'ai mal nulle part.
- " Bon... J'aimerais discuter de ces analyses psychologique."

Il la vit serrer les dents.

- " Tu voudrais bien en parler ? Tu n'es visiblement pas surprise qu'on ait noté des changements...
- " Je ne comprends pas l'intérêt de cet interrogatoire.
- " Ce n'est pas un inter...
- " Mon dossier est passé, j'ai été autorisée à décoller. Je ne vois pas pourquoi je parlerais d'une analyse qui a été faite il y a des années maintenant."



- " Doucement, Lin. Doucement... Je ne cherche pas à t'attaquer ou à te juger..."

Philippe pesta intérieurement contre lui-même, contrarié d'avoir perdu le contrôle de la conversation, et ce quasiment dès le début. Il réfléchissait à toute allure sur le moyen de reprendre un fil plus amical, et, ce faisant, se leva pour s'approcher et tenter d'apaiser la jeune femme quand elle lui posa la question qui fâche :

- " C'est Lazlo qui t'a demandé de me faire parler ?
- " Il est un peu inquiet, oui..."

Elle leva les yeux au ciel.

- " Il outrepasse ses fonctions.
- " Nan, Lin. Il se soucie des membres de son équipe. C'est le rôle d'un leader. Et il se trouve être aussi ton ami.
- " Et il s'est dit que ce que je ne lui dis pas à lui, je vais le confier à un étranger ?
- " Je ne sais pas ce qu'il pense, Lin, mais..."



- " Tu lui diras d'aller se faire voir. On a fini ?"



- " Oui. Tu peux disposer. Je suis vraiment navré que tu le prennes comme ça..."

Elle se leva sèchement de son tabouret qui roula vers l'arrière sous l'impulsion et se dirigea d'un pas décidé vers la sortie. Assaillie par une multitude de pensées et de souvenirs, Lin, une fois seule, avait toutes les peines du monde à retenir ses larmes. Mais il le fallait. Véritable palais des glaces et de big brother, elle pouvait se faire surprendre à tout instant.
Dans l'ascenseur qui la ramenait au deuxième sous-sol, l'expression triste de Lazlo s'imposa à elle. Agacée, elle balaya l'image. Qui revint à la charge dans le couloir. Les lèvres tremblotantes, elle hâta le pas pour atteindre les premiers WC accessibles, dernier rempart à l'intimité. Une fois à l'intérieur, un sanglot lui arracha la gorge. Adossée, acculée contre la porte, elle tenta de se reprendre. Décidée à rester silencieuse, elle prit une grande goulée d'air pour absorber le second, qui lui fit plisser les yeux et gémir les cordes vocales. Puis ce fut la nuit à Granite Falls qui s'inscrivit derrière ses paupières, la tendresse dont Lazlo avait fait preuve, mélangée aux reliquats de ce qu'elle avait ressenti pour son ex-amant. Une crampe abdominale la courba en deux. La bouche grande ouverte, elle roula sur le côté pour se retrouver face contre mur et fesses par terre quand ses genoux lâchèrent. Sa mâchoire se mit à trembloter et une plainte força le passage de ses lèvres, qu'elle recouvrit d'une main tandis que l'autre vint enserrer ses jambes qu'elle avait ramenées à elle. C'était le chaos, à l'intérieur. Passé et présent se bousculaient, s'enchevêtraient, tentaient de prendre le dessus l'un sur l'autre... Lin, quant à elle, s'évertuait à les faire taire tous les deux. Mais plus elle luttait, plus souvenirs et émotions gagnaient en intensité, et plus les larmes coulaient.

Au bout d'un certain temps, alors que la tempête s'était calmée, elle s'aperçut qu'elle était dans le noir. Ankylosée, rincée, elle se mit péniblement debout et se traîna jusqu'aux toilettes. La reconnaissance faciale se déclencha et elle fut accueillie par un "Bonjour Docteur Muto. Merci de bien vouloir piquer votre doigt avec l'aiguille."
Une petite seringue sortit du mur sur laquelle elle appliqua son doigt.

"Taux de cortisol au dessus de la normal. Les résultats sont transmis au Docteur Lambert. Veuillez vous rapprocher de ce dernier pour interprétation des résultats. Si vous éprouvez des difficultés particulières au cours de votre séjour, comme du stress, par exemple, n'hésitez pas à lui en parler. Votre médecin est là pour vous."

A ce moment là, elle évalua le rapport bénéfice / douleur qu'il résulterait de la destruction de ces chiottes de luxe.





***









- " Hey les gars ! Vous avez vu Coumba ?"



Un brouhaha mécontent lui répondit.



- " Bah quoi ?
- " Comment te le dire gentiment ?" Commença Eric. "Tu nous saoules.
- " Pas mieux." renchérit Lazlo.

Philippe eut un petit rire léger, teinté de jaune, Lin, à l'autre bout de la table haussa un sourcil en triturant son set de table et Gus... Gus ne dit rien, comme d'habitude.

- " Vous êtes jaloux. Vous aimeriez bien avoir une Coumba aussi."



- " Punaise... Si elle entendait ça...
- " Bah quoi ? J'dis rien de mal !
- " Si tu pouvais ne rien dire DU TOUT, ce serait encore mieux.
- " Ce n'est pas parce-que tu es frustré que je vais bouder mon plaisir."



- " Et frustré de quoi, je te prie ?
- " Tu veux vraiment qu'on en parle ?
- " Lenny... Attention..." Tenta de tempérer Philippe.
- " Attention à quoi ? Il me cherche il va me trouver.
- " C'est tout l'inverse, je cherche à t'oublier, figure-toi. Mais c'est pas facile comme tu la ramènes pour tout et n'importe quoi. Pour dire des conneries en plus..."



- " Ah excusez-moi Môsieur si mes interventions font baisser le niveau général des conversations !
- " Je n'aurais pas dit mieux."



- " Stooooooopppppp messieurs s'il vous plait ça va dégénérer !
- " C'est bon arrête de te la raconter, tu crois que tu m'impressionnes ? Tu crois que je t'admire en secret ? Prends pas ton cas pour une généralité !
- " Lenny !
- " Mais qu'est-ce-que tu crois Lenny ? Même à ce niveau là les mecs comme toi je les fuis... Ça en fait des tonnes et ça n'assure jamais. Ce sont ceux qui en parlent le plus...
- " Je te prouverais bien le contraire mais..."

Un violent coup sur la table les fit tous sursauter. Philippe venait de sortir de ses gonds.



- " Ça suffit ! Eric tu te tais et Lenny c'est la dernière fois tu m'entends que tu penses une seule seconde à lui manquer de respect de la sorte ! Surtout que tes propos peuvent souvent flirter avec l'homophobie ou la misogynie donc tu ferais bien de faire attention parce-que sinon je te jure que je m'occuperai de ton cas.
- " Misogyne ?! Homophobe ?! MOI ?! Tu plaisantes ? J'adore les gays ! Ce sont mes meilleurs potes ! Les seuls qui risquent pas de me piquer mes copines !"

Philippe baissa le ton, qui n'en devint que plus menaçant :

- " Dégage avant que je t'en colle une."

Cette fois, le message passa. Lenny ne craignait pas grand monde, mais Philippe, formé comme lui au combat rapproché durant son passage dans l'armée faisait partie de ceux à qui il préférait ne pas se frotter.
Le bec de son rival enfin cloué, Eric crut bon d'ajouter :

- " Et tu diras à Coumba d'arrêter de tortiller son derrière partout comme une chatte en chaleur. Y'en a marre."

L'air se figea d'un coup, et Lenny, qui remarqua le changement instantanément, suivit les regards et se retourna :



Personne n'osa parler, ni bouger.
Coumba rompit le charme en tournant les talons.

- " Et ça donne des leçons..." Cracha Lenny. "Coumba ! Héla-t-il en se lançant à sa suite. Coumba l'écoute pas ! Ton derrière est parfait comme il est !"



- " Coumba mais attends !"

Elle se retourna sèchement et dit :

- " Je crois qu'il vaut mieux qu'on arrête de se voir pendant quelques temps."

Avant de lui tourner à nouveau de le dos...

- " Hein ? Mais !"

... puis de lui claquer la porte au nez.



- " Coumba t'es pas sérieuse ?! Tu vas pas faire attention à ce que dit Eric !"

Elle rouvrit brusquement la porte et dit :

- " Eh ben si ! Justement ! Et tu ferais bien de faire pareil ! Laisse-moi maintenant ! Faut que je réfléchisse."

Et elle disparut de nouveau.
Lenny sentit une présence derrière lui qui le fit se retourner.



- " Laisse-la un peu Lenny. Elle a envie d'être seule."



- " Bah ! Et toi t'as le droit d'y aller ?
- " C'est aussi ma chambre, Lenny."


- " On a besoin d'un peu d'intimité là !
- " Roooooo..."



- " Ne le prends pas personnellement. C'est horriblement blessant, je ne remets pas ça en doute, mais... Tu sais ce que c'est...
- " ...
- " Les gens commencent à craquer, les mots dépassent la pensée. Ça ne ressemble pas à Eric de parler comme ça...
- " Justement... J'ai du profondément l'agacer !
- " Non, Coumba. Ce n'est pas toi. C'est profondément injuste mais ne t'en fais pas... La seule personne à qui il en veut vraiment c'est Lenny... Je suis sûre qu'il se sent très mal d'avoir dit un truc pareil. Il va vite venir te présenter des excuses.
- " J'ai tellement honte..."

Elle se redressa et Lin en profita pour s'asseoir à ses côtés.

- " C'est tout moi ça ! Je parle, je parle... Et puis je m'aperçois que j'ai fait une gaffe... Je rigole, je rigole, et puis je loupe le moment où je vais trop loin... Je sais pas m'arrêter. Là... J'étais tellement angoissée par ce voyage que mes moments avec Lenny ont été de vraies bouffées d'oxygène ! Je n'avais pas conscience que c'était aussi gênant ! "



- " J'ai tellement honte ! Pour qu'Eric pète une durite comme ça...
- " Il n'y avait pas que ça. Lenny a été particulièrement pénible et il commençait à être odieux.
- " Ils ne peuvent pas s'encadrer ces deux là... Philippe fait tampon d'habitude mais là...
- " Là tout le monde a les nerfs à vif. C'est normal que ça dégénère à un moment. Mais il faut tenir bon, parce-que ce n'est pas terminé."

Sur ces mots, Coumba éclata en pleurs.



- " J'en peux plus Lin... Je déteste être ici.
- " Mais pourquoi tu as accepté la mission alors ?
- " Parce-que j'avais peur de refuser ! Nan mais t'imagines ?! J'avais peur de venir, mais aussi de dire non ! Je suis la fille la plus peureuse de tous les temps !"

Lin ne savait pas bien quoi répondre à ça. Elle attendit donc que la jeune femme se calme en lui tendant une boite de mouchoirs.
Après s'être mouchée bien fort, Coumba demanda, les yeux fixés vers le sol :

- " Comment tu fais, toi ?
- " C'est à dire ?
- " Comment tu fais pour rester calme, tout le temps ?"

L'épisode des toilettes lui revint en mémoire.

- " Je ne reste pas calme tout le temps. J'ai craqué il n'y a pas longtemps."



- " Toi ? Craquer ? Ouais... Tu as soupiré, quoi...
- " Je me suis effondrée dans les toilettes et je m'y suis endormie."

Coumba cligna des yeux.

- " Mais qu'est-ce-qu'il s'est passé ?"



- " On m'a contrariée."

Nouveau battement de paupières.

- " Mais encore ?
- " Ce sont des choses dont je n'ai pas envie de parler, Coumba."

Cette dernière regarda le sol à nouveau.

- " Je suis triste pour toi... On dirait que tu en as vraiment bavé...
- " Pas tellement."

À nouveau, sa camarade de chambre parut perplexe.

- " J'ai été protégée toute ma vie. De tout. J'ai des parents qui m'aiment - mon père en particulier - je n'ai jamais manqué de rien, on m'a répété toute ma vie que j'étais intelligente, que j'étais jolie. J'ai eu du succès dans beaucoup de domaines... Je n'ai aucune raison d'être malheureuse."

Coumba plissa légèrement ses yeux tristes et dit :

- " Et pourtant tu l'es..."



Lin déglutit. Une vague d'amertume apparut sur sa langue et coula dans sa gorge.

- " Je suis une ingrate et une capricieuse."

Les sourcils haussés, elle fixait maintenant le carrelage d'un regard vide.

- " Je ne crois pas, moi..." déclara Coumba. "Moi je crois que quelque chose t'a blessée et que tu n'arrives pas à t'en remettre.
- " C'est bien ce que je dis. "s'agaça-t-elle en retour. "C'était y'a plus de 5 ans maintenant ! Pourquoi j'arrive pas à passer à aut'chose ?! "

Son ton la surprit elle-même, mais pas autant le fait que pour la première fois, elle abordait le sujet. Elle réfléchissait à comment couper court mais sa camarade de chambre lui coupa l'herbe sous le pied :

- " Tu sais, embraya Coumba. On dit que le temps arrange les choses, mais je n'en suis pas certaine. Si tu nies, si tu n'acceptes pas ce qu'il s'est passé, ça ne peut pas s'améliorer...
- " Mais je l'ai accepté ! J'veux dire... C'est pas comme si j'attendais qu'on se remette ensemble ou quoi que ce soit ! Je sais même pas ce qu'il est devenu et si ça s'est terminé c'est qu'il avait trop changé... Nan vraiment... Ce n'est plus le garçon dont j'étais tombée amoureuse... Alors je comprends pas pourquoi ça reste bloqué! C'est n'importe quoi ! Une amourette d'ado !
- " Hum... je te trouve très en colère pour une simple amourette... Je pense que tu essaies trop d'analyser avec ta tête. Tu ne peux pas décider de ce qui compte pour toi ou pas. Tu renies ce que tu as ressenti... Et puis si j'écoute ce que tu me dis, il est possible aussi que toi, la grande Lin qui n'a jamais échoué, ne supporte pas ce que tu considères comme un échec... Mais ce n'en est pas un ! Personne ne compte les points en amour ! Encore heureux ! Il suffit de comprendre ce qui a merdouillé avec lui pour faire mieux la prochaine fois... Parce-que là, pardon de te dire ça Lin, mais tu es une vraie porte de prison ! Personne ne sort, et personne n'entre..."

Elle se mit à glousser :

- " Enfin... Passe-moi l'expression..."

Lin ferma les paupières à demi. On avait retrouvé Coumba, et sa proximité avec Lenny prenait tout son sens...

- " Ce que je veux dire c'est que tu as à côté de toi quelqu'un qui meeeeuuuuurrree d'amour pour toi et tu lui mets des vents chaque seconde qui passe... Ce qui m'ennuie, c'est que je ne suis même pas sûre que tu lui ais laissé une chance. Vous êtes très proches. Ça se voit. Tu ne te rends pas compte mais tu as une façon très tendre de le regarder. Mais dès qu'il pose les yeux sur toi... PAF ! La porte de prison, "Circulez y'a rien à voir !" Je pense sincèrement que tu as des sentiments pour lui mais que tu ne t'autorises pas à les ressentir, comme tu t'interdis de ressentir de la peine. Mais il te reste quoi, du coup ? Et puis après tout... Tu es une scientifique... Tu vas quand même pas t'arrêter à une expérience non concluante ?"

Lin sentit ses commissures remonter, un peu malgré elle.



- " Ah je préfère ça... Tu vas y penser pour Lazlo ?
- " Oh je sais pas... On est un peu en froid en ce moment...
- " Hun hun... ? Et ce dont on vient de parler là... ça pourrait pas réchauffer l'atmosphère?"

Coumba haussa rapidement les sourcils.
Lin pouffa. Mais pas longtemps.

- " Oh je sais pas... J'ai pas envie de lui faire miroiter des choses...
- " Nan mais attends... Personne ne t'a demandé de lui demander sa main la semaine prochaine ! Commence par t'autoriser à ressentir des trucs, là" Elle pointa sa poitrine de son index. "On verra plus tard pour les grandes décisions, hein..."

Lin sourit de nouveau et dit :

- " Et dire que j'étais venue pour te remonter le moral..."

Coumba sembla revenir subitement dans le présent et leva les yeux au ciel :

- " Oh lala... Je vais plus pouvoir les regarder en face...
- " Tu n'as vraiment pas à t'en faire. Comme je te l'ai dit, Eric va venir s'excuser avant la fin de la journée. Surtout qu'il t'aime beaucoup. Tu as pris pour Lenny malheureusement...
- " Oui, il est pas très finaud des fois...
- " " Des fois ?" S'étrangla Lin.
- " Oui, oui, je sais... Mais tu sais, il a vécu des choses très dures en tant que soldat. Faire l'idiot, c'est sa façon de repousser ses souvenirs. Parce-qu'ils sont là, tout le temps, comme un calque devant ses yeux. Et s'il va trop loin, c'est qu'il a mis des verrous qui brouillent certains signaux... Mais Lenny est quelqu'un de gentil, attentionné. Il fait le malin avec les filles mais s'il ne s'attache pas, c'est juste qu'il n'a pas trouvé quelqu'un qui lui donne envie de le faire...
- " Et... Tu penses être cette personne ?"

La jeune femme eut un sourire tendre.

- " J'aime à le croire..."

Le cœur de Lin se serra. De peur, que Coumba se trompe sur le compte de Lenny, mais de tristesse aussi, pour ne plus ressentir ce genre d'émotions qui réchauffe de l'intérieur.
Sans qu'elle ne le commande vraiment, son bras passa derrière les épaules de Coumba et vint lui ceinturer doucement la taille pour l'amener à elle.



Lin ne savait pas bien si c'était son amie qu'elle cherchait à réconforter ou bien elle-même, mais à cet instant, elle décida de juste savourer le contact humain.

- " Merci, Lin.
- " Merci Coumba. Tu es pleine de courage, tu sais... Sinon tu ne serais pas là. Et tu ne ferais pas ton boulot comme tu le fais. Tu es un élément essentiel de cette équipe. Et je dois reconnaître que le duo que tu formes avec Lenny, quoiqu'on en dise, nous rend les jours moins longs..."

La jeune femme prit une inspiration qui lui gonfla la poitrine et relâcha l'air d'un seul coup.

- " Oh merci Lin... Ça me fait du bien ce que tu dis."

Elle enserra à son tour cette dernière.

- " Mais on va mettre la pédale douce, avec Lenny, promis. Et tout va bien se passer. Tout."

Et elle fit pivoter rapidement son étreinte de gauche à droite et inversement en poussant un petit gémissement satisfait.




***



Pendant ce temps là, au premier sous-sol...


















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