Mission to Sixam 1























- " Ça va Joseph ? Ça commence à faire long c'est ça ?"

La voix de Coumba claqua dans l'air et interrompit le chant de grillons persuadés jusque là d'être seuls.
Le jeune homme à sa gauche haussa les épaules avec un petit sourire triste. Le bleu faisait ce qu'il pouvait pour conserver une allure normale mais ces minutes d'inaction lui faisaient perdre les pédales du petit vélo qu'il avait dans la tête. Les mains moites, une posture différente toutes les 3 secondes, des jambes impatientes... Dans peu de temps il allait se mettre à hyperventiler.

- " J'aime pas attendre. Ça me fait stresser. C'est pour ça que j'suis toujours en retard...
- " C'est pour ça qu'il est toujours en retard..."

L'écho provenait du doyen de l'expédition, Eric, qui se trouvait être le colocataire de Joseph dans leur logement de fonction. Le moins que l'on puisse dire, c'était que l'association n'était pas très heureuse... Joseph était le dernier arrivé dans l'équipe, et son intégration avait été plutôt précipitée. En effet, leur ingénieur en maintenance aéronautique, Gustave, avait été victime d'un accident lors d'une mission spatiale, deux ans auparavant. Une fois rétabli, il avait été plutôt clair qu'il n'était plus le même qu'avant. Après discussion, il avait finalement accepté de former la personne qui allait le remplacer avant de partir. Or, les appartements étaient complets. Tous ? Pas vraiment. Eric et Coumba étaient les seuls à ne pas partager leurs logements, mais celui d'Eric, contrairement à celui de sa collègue, comportait un bureau. Inutile de dire que ce grand maniaque solitaire avait protesté énergiquement à l'annonce de l'arrivée de Joseph ! Une véritable partie de Tetris avait alors eu lieu : toutes les configurations possibles et imaginables avaient été proposées, provoquant systématiquement des levées de boucliers ici et là. Devant cette impasse, il avait été répondu au doyen : "Faites de la place dans le bureau."
Prenant sur lui, il avait fait contre mauvaise fortune bon cœur : avec un peu de chance, son colocataire serait discret, propre, et organisé ? Discret oui, dans une certaine mesure, quand son côté bordélique ne ruinait pas tous ses efforts pour se faire oublier. Et le plus dingue, c'est que c'était uniquement chez lui ! Dans l'appartement impeccable d'Eric ! Parce-qu'au travail, irréprochable le Joseph ! Une fée de la mécanique et du rangement ! Alors quand le doyen entendait le jeune ingénieur prétendre être en retard pour ne pas attendre, cela le faisait bien rire puisque le bleu passait les trois quarts de son temps d'éveil à chercher ses affaires...




Toujours moins que Lenny, responsable de la sécurité de l'équipage, qui ne perdait jamais une occasion de l'asticoter :

- " Qu'est-ce-qu'il y a Eric ? Tu n'es pas heureux de connaître la raison de ses retards ? Le pauvre est stressé ! Je te comprends mec - s'adressant à Joseph - moi aussi je stresse à ne rien faire.
- " Ce qu'il ne faut pas entendre...
- " Tu es... Ah non !" Se reprend Lenny, plein de zèle : "Ce que tu dis est désagréable. Cela me fait de la peine." Puis, s'adressant aux autres : "J'suis sorti avec une psy, il parait qu'il ne faut pas dire "tu es méchant", mais plutôt "ce que tu dis est méchant". C'est moins agressif et ça préserve le dialogue.
- " Ça n'a pas l'air de marcher, constata Coumba.
- "Hein ?! Eric ? Tu fais la tête ? Mais ça marche pas son truc ! J'ai bien fait de la larguer...
- " Lenny...
- " Oh pardon Coumba. Je sais que tu n'aimes pas quand je parle comme ça devant toi..."



- " Je n'aime pas quand tu parles comme ça tout court... Ça va se retourner contre toi un jour. D'une manière ou d'une autre ce qu'on fait subir aux autres nous est renvoyé en pleine figure à un moment donné.
- " Coumba... Cela voudrait dire qu'un jour une fille me plaquera...
- " Ca arrivera un jour, Lenny...
- " Eh ben je serai plus rapide qu'elles ! Problème résolu !"

Et il afficha un grand sourire vainqueur.
De son côté, Joseph cherchait à tromper son angoisse :

- " C'est ta combientième mission Philippe ?
- " La 6ème.
- " Et t'es toujours là...
- " Bien observé gamin...
- " Nan mais j'voulais dire..."

Philippe rit avec affection :

- " Je sais Joseph. Je te taquine. Tout ira bien, ne t'en fais pas."



- " Je suis vraiment contente que tu sois du voyage Philippe. Ta présence me rassure.
- " C'est très gentil Coumba.
- " Ouais, moi aussi Phil. J'ai même dit que je ne partais pas sans toi.
- " Je ne te ferai pas des pâtes tous les jours, Lenny.
- " Rooooooo..."

Coumba profita du boucan de Lenny s'écoutant parler pour montrer du menton Gustave et interroger doucement son voisin de droite :

- " Tu crois que c'est une bonne idée de l'amener ?"







Elle vit le médecin déglutir et hausser les sourcils.

- " Nous n'avons pas le choix. Joseph doit être formé rapidement et Gus a beau ne plus être le même, il reste très compétent...
- " Mais ça ne risque pas de réveiller des choses en lui ?
- " ... Le conseil l'a déclaré apte...
- " Et toi ? Qu'en penses-tu ?
- " ... J'en pense qu'on fera ce qu'il faut pour que tout se passe bien."

Le jeune quinquagénaire fit alors un clin d'œil affectueux à la jeune femme, ce qui dissipa la boule qu'elle avait dans le ventre depuis ce matin. Elle était persuadée que Philippe avait un don. Le médecin imposait le respect avec une douce et bienveillante autorité. À ses côtés, elle pouvait sentir une espèce de chaleur réconfortante qui lui donnait envie de se blottir dans ses bras comme elle l'aurait fait avec feu son père. L'arrivée de leur patron l'empêcha in-extremis de joindre l'acte à la pensée.




- " Bonsoir à tous.
- " Bonsoir Docteur Lalouche, répondirent-ils en cœur.
- " Je suis navré pour l'attente, des détails de dernière minute à régler. La navette va arriver... Où est Lin ?"

Les membres de l'équipe se regardèrent tour à tour, visiblement sans réponse à donner.
- " Je suis là."



La jeune femme s'approcha du groupe devenu silencieux et s'installa à coté de Gustave. Le Docteur Lalouche se mit dans un coin, de manière à être vu par tous, et s'apprêtait à parler quand il entendit le portail s'ouvrir.



La découverte de l'invitée surprise étonna tout le monde, bien que Lenny ne resta pas muet bien longtemps :

- " Jo' c'est pour toi à mon avis. Et je sais pas ce que tu lui as fait maaaaiiiiissss...
- " Un problème Rosita ? Demanda Lazlo Lalouche.
- " Je suis désolée de vous déranger, mais si je pouvais parler à Joseph une petite minute... Je sais que le moment est mal choisi mais...
- " Ne t'en fais pas. Joseph, tu peux y aller. On te dira ce que tu as besoin de savoir dans la navette."



L’intéressé se leva et s'engagea à la suite de la jolie brune puis s'interrompit une seconde pour regarder en arrière.

- " Je dirais bien qu'elle va pas te bouffer, le taquina Lenny, maaaaaiiiissss...
- " Demande lui pardon, conseilla Coumba. Vu sa tête t'as forcément fait un truc de travers et comme à tous les coups tu sais pas quoi... Ça t'évitera de t'enfoncer."

Pas plus rassuré, il continua sa route et vint s'asseoir aux côtés de la jeune femme avec précaution. Il hésita quelques instants... Devait-il lui demander ce qui n'allait pas en premier ou demander pardon ?

- " Je...
- " Bon écoute. Ce n'est pas le moment, je sais. Mais tu vas partir 8 mois alors...
- " 6 mois..."

Rosita rit jaune.

- " Ouais, ouais... Mais on sait comment ça se passe..."

Joseph écarquilla les yeux mais n'eut pas le temps de flipper davantage :

- " J'suis censée faire quoi, moi, pendant ce temps là ?"

Les yeux déjà grand ouverts, le jeune homme ne put pas faire plus.
Evidemment, elle vit qu'il ne comprenait pas le sens de la question. Une grenade cachée dans son cerveau sembla dégoupiller :



- " Ah ouais... Tu ne vois même pas de quoi je parle !"

Pris de panique, il sortit la première chose qui lui vint :

- " Pardon !
- " Que... Ah bah j'ai ma réponse à ma question !
- " Mais...
- " QUOI MAIS !"



- " Mais je comprends rien à ce que tu dis !
- " C'est bien ça le problème, Joseph. Ce n'est pas la peine de revenir me voir à ton retour, si l'envie te prenait de...
- " Mais attends... C'est pas ça ! Je n'avais même pas idée du fait que tu attendais quelque chose de moi !
- " Tu es en train de me traiter de quoi, là, au juste ?"

Son signal d'alerte redoubla d'intensité. Il aurait bien dit "pardon", encore, mais un pressentiment l'en dissuada.

- " Mais de rien du tout ! C'est juste que... je... Enfin je savais pas que tu étais attachée à moi... je pensais que ... Moi j'étais content parce-que je t'aime bien donc je prenais ce qu'il y avait à prendre mais à aucun moment j'ai pensé que j'avais un quelconque intérêt pour toi...
- " Mais enfin comment tu peux penser ça ?
- " Bah jsais pas... Y'a pas grand monde qui m'ait montré de l'intérêt en fait. A part ma mère et ma grand-mère quoi..."



- " Mais comment ça... ?
- " Bah euh... Je... Ben... T'es... Euh..."

Tout penaud, gêné, il bafouilla en détournant le regard :

- " T'esmapremière..."

La jeune femme senti sa nuque prendre du recul. Elle fronça les sourcils, cherchant le rapport avec tout ça et analysant l'information qui venait de lui être donnée.

- " Et alors ? Finit-elle par dire.
- " Beh euh... Je sais pas... T'es belle, intelligente, t'es populaire... À aucun moment j'ai pensé que je pouvais t’intéresser... Je comprenais pas bien ce que tu me trouvais déjà alors... venir te voir et te faire des adieux amoureux... Je me trouvais ridicule d'y penser c'est tout... "

Il entendit Rosita inspirer doucement puis relâcher l'air lentement.

- " C'est moi qui suis ridicule. En fait... Bon. Tu me plais beaucoup Joseph. Mais tu as 20 ans, j'en ai 7 de plus que toi... J'avais besoin de savoir si je devais passer ces 8 mois...
- " 6.
- " ... 6 mois à t'attendre ou non.
- " ... J'aimerais bien."



La jeune femme sentit ses joues s'empourprer et ses yeux s'humidifier.

- " J'serai encore plus vieille quand tu reviendras...
- " Moi plus. J'ai 21 an le mois prochain. Quand je reviendrai dans 6 mois, on aura plus que 6 ans d'écart."

Elle pouffa.







- " T'es plus fâchée ?"



- " Tu vas me manquer."

Joseph déglutit.

- " Ça ne m'arrange pas trop... Avant que tu viennes, j'avais peur de partir mais je n'avais pas si hâte de revenir et voir que tu avais quelqu'un d'autre. Là... J'ai carrément plus envie d'y aller.
- " Elle va t'aider cette mission ?
- " Professionnellement ? 
- " Oui... Je serai titulaire au retour.
- " C'est une super opportunité, Joseph. C'est ton rêve. Tu dois ne penser qu'à ça.
- " J'ai peur Rosita."



- " C'est normal. Mais tu es avec une super équipe. Et tu vas pas voir le temps passer avec Lenny. Phil et Coumba seront là pour toi aussi. Et moi..."



- "... Moi je serai là à ton retour."



- " Bon les amoureux ! C'est pas comme si on a avait une fusée à prendre, hein !
- " La navette va arriver Joseph !"





- " Alors ? J'ai loupé quoi ?"



- " Je te ferai rattraper."

Tous s'avancèrent sur le trottoir, tandis que Joseph raccompagnait Rosita par la main de l'autre côté de la rue.



- " Ça va ? Tu n'appréhendes pas trop ? Demanda Lazlo à Lin.
- " ... Un peu...
- " Je suis content que tu...
- " Eh les gars regardez ! Y'a du mouvement chez Gerold !"





La nuque de Lin vit tous ses poils se redresser.



- " T'es sûre que c'est pas sa femme ? Elle lui ressemble..." Observa Coumba.
- " AH NON ! C'est pas sa femme, je te le garantis !" Répliqua Lenny.
- " Comment tu peux savoir de là ?
- " Cette fille n'est pas l'ex Madame Gerold. Elle est bien trop jolie celle-ci.
- " N'importe quoi elle est de dos.
- " Fais moi confiance, Coumba. Je sens ces choses là."

En effet. Ce n'était pas Madame Gerold. La silhouette qui allait à la rencontre du policier ? Lin la reconnaîtrait entre toutes.



- " Eh ben ! Il aura pas mis longtemps à s'en remettre de son divorce le père Gerold ! Commenta l'agent de sécurité.
- " Tu crois que... que c'est une..." Demande Coumba.
- " Habillée comme ça ? Noooonnnn... Je la trouve quand même un peu jeune pour lui... Mais bon. Les femmes aiment les hommes plus âgés il parait.
- " N'importe quoi."



Lin détestait les sauts dans le passé comme ça. Cela la ramenait toujours vers des questions sans réponse, des regrets et de l'amertume. De la colère aussi parfois. Ainsi, une nouvelle interrogation allait la tarauder : que faisait Nadia Magnolia, sensée avoir déménagé à San Myshuno, au domicile du Lieutenant Gerold à cette heure tardive ?

- " Docteur Muto ! Vous m'entendez ?" La héla le conducteur du bus qui attendait qu'elle monte.
- " Lin ? Tout va bien ?"

La jeune femme sortit de ses pensées et croisa le regard inquiet de Lazlo. Elle hocha rapidement la tête et grimpa dans le minibus.



- " Allez les amoureux ! Jo' ! Ne rêve pas, on part pas sans toi, hein !"














Note : Lazlo Lalouche est une reproduction du personnage sims 2 par @Fouffi , que j'ai modifiée légèrement pour les besoins de l'histoire.












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