Meet... Max








" Ouais... Ok j'arrive."



6h du mat'.

6h du mat'.

Couché 2 heures auparavant, autant dire qu'il n'était pas de la meilleure des humeurs. 
La silhouette de l'autre côté de la vitre lui rappelle qu'il ne vit pas seul au manoir. Ses horaires étant à l'opposé de ceux des autres occupants de la maison, il oublie parfois qu'il a une famille.


Une famille dont les membres sont à l'image de leurs horaires : incompatibles.

Son parfum. Son allure. 

Elle représente tout ce qu'il déteste.

- " Tu es tombé du lit ?"

Il ne répond pas. Il n'a rien à lui dire.

- " On ne se voit pas si souvent... Tu pourrais me répondre."


Garder son calme. Se retenir de lui exploser à la figure. Se rappeler que la seule limite imposée par son père s'incarne en chair et en os devant lui.

Pas touche à Luna. Même avec des mots.


Alors il l'ignore. Fait comme s'il ne la voyait pas. Il pourrait la bousculer, tellement elle est invisible.

Pas touche à Luna.

Alors il la dépasse, sans l'effleurer.


Max n'a pas besoin de la regarder pour connaître son expression, les traits de son visage qui expriment une éternelle mélancolie. Comme si elle s'apitoyait sur son sort chaque minute de sa vie. Même ses sourires sont tristes. Comme si elle pleurait chaque jour qui passe. Comme si elle cherchait à pleurer pour deux.

Faible. Luna est faible. Et les faibles, Max déteste ça.


Il lève un sourcil tandis qu'elle vient s'installer en face de lui. La bouche pleine, avachi au-dessus de son assiette, il le perçoit comme un outrage.


- " Pourquoi tu te comportes comme ça, Max ?"

Il a tellement envie de la secouer...

Pas touche à Luna.

Alors il finit sa bouchée.

- " Pourquoi fais-tu ça ? Tu ne crois pas qu'il serait temps que l'on se parle ?"

Il renifle, s'adosse contre sa chaise et lui renvoie un regard et un silence dédaigneux.

- " Bon... Tu viendras au cimetière au moins ?"

Le cimetière... C'est aujourd'hui.

Non. Il n'ira pas. Pas plus que l'année dernière. Pas plus que celle d'avant. Et que toutes les autres.

- " Oh salut Max..."

L'intéressé lève les yeux au ciel. Pas moyen de manger tranquille.


- " Tu ne restes pas ?
- " Pour te voir t'empiffrer comme un porc ? J'crois pas, non."

La voix rauque claque comme un fouet contre l'amour propre de son frère.
Son père n'a pas intégré Hugo dans la limite. Alors il rentre ses 85 kilos de muscles dans les 85 kilos de gras - et ses 15 centimètres de moins - de son frère qui occupent le passage.

- " MAX ! " S'indigne leur sœur.


- " C'est pas grave. Il a pas fait exprès."

Max se contente de pouffer. Avec dédain.



***





- " C'est quoi se bordel ?"

L'ambiance est tendue. Un membre de l'équipe n'a pas rejoint le point de rendez-vous.

- " Je suis sûre qu'il va arriver, temporise Charlotte.
- " Ça s'trouve il pionce quelque part, imite son voisin."

Un coup d'oeil à sa droite lui donne la vraie température : 

- " Jane ?
- " Ça pue. Et tu le sais, Cha'. Alors enlève tout de suite ce sourire de ton visage."


- " Ou c'est moi qui le fais."


- " Qu'est-ce-que t'as fais ?
- " Je... Il... Enfin je..."


- " Moi je sais. Elle a oublié de lui laisser un badge.
- " Qu-oi ?
- " Hein Cha' ? On était au spot, on l'attendait, et tu as bien demandé "Pourquoi j'ai deux clés ?"
- " Il est resté enfermé là-bas ? Et Matt ? Qu'est-ce-t'as foutu ?
- " .... J'me suis pas rendu compte tout de suite qu'il ne me suivait pas. Sur le coup j'ai pensé qu'on se rejoindrait au spot... Je savais pas qu'il avait pas sa clé !"

Max sent sa mâchoire se crisper et les yeux se diriger vers le plafond. Jane bout littéralement.


- " C'était pourtant pas compliqué ! T'étais censée lui filer sa carte en arrivant ! PREMIÈRE chose à faire, bordel de merde.
- " Tu m'avais dit...
- " Quoi ?! Qu'est-ce-que je t'ai dit de différent qu'à l'instant ?
- " ... Je pensais qu'on aurait le temps...
- " Ah parce-que tu te crois dans un pic-nic là ?!
- " ... Et après je me suis retournée et il était déjà parti...
- " Putain Je rêve..."


- " Je suis désolée..."


- " Mais on n'en a rien à foutre que tu sois désolée  ! Pourquoi attendre d'être là-bas ? Il fallait lui donner dans le camion ! C'est pas possible d'être aussi conne ! Et l'autre abruti qui entre sans clé aussi...
- " C'est bon."

C'est Dan, un des gars de l'équipe de Jane qui a parlé.

- " Quoi ?
- " Il a réussi à sortir. Il arrive."

Tout le monde souffle, Charlotte en premier.


Jane demande :

- " Ça a marché ?"

Il hoche la tête.


- " Bien joué Dan."

Quelque chose dans le ton de sa voisine ramène Max à lui tandis qu'il est en train de pester contre l'amateurisme des membre de l'équipe.

- " Qu'est-ce-qui a marché ?
- " Dan a demandé à Arthur de couper l’électricité de la zone et de la relancer plusieurs fois. On comptait sur un bug du système d'alarme. 
- " Il a réussi à la faire sonner 3 fois. Du coup elle a été désactivée le temps que les problèmes électriques soient réglés et il a pu sortir."


Un type malin. C'est bien. Cela fait deux, trois fois qu'il le voit. un mec discret, qui ne parle presque pas. Il a tout ce qu'il faut pour être une bonne recrue... Pourtant...


- " Allez prenez votre part et dégagez de ma vue."

Il lance un regard sur sa droite et ajoute : 

- " Sauf toi, Jane."

Il la connaît depuis 5 ou 6  ans. Ils se sont retrouvés à braquer le même convoi en provenance d'Oasis Springs et à Destination de Windenburg. Quand lui et son équipe l'ont intercepté, Jane était déjà à l'intérieur et avait cracké le code du coffre avec son hacker. Il s'en était fallu de peu. Une fraction de seconde, le temps de leur échange de regards pour comprendre qu'ils pourraient s'entendre. Si chacun restait prudent, même presque 6 ans après, ni l'un ni l'autre ne pouvait nier le respect qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.


- " Qu'est-ce-qu'il y a ?
- " J'aime pas ton gars.
- " ... Dan ?"

Jane sourit, moqueuse.

- " Je me demande bien pourquoi."


- " J'rigole pas. Tu sais très bien que les mecs trop malins sont pas bons pour respecter les ordres.
- " Pas de risque de ce côté-là, il est maté.
- " T'es sûre ? Il fait profil bas à chaque fois mais... J'sais pas... J'le sens pas. C'est vrai c'qu'on dit sur son père ?
- " ... On saura jamais, j'imagine. En tout cas Dan a fait ses preuves. J'en ai été témoin personnellement."

Ce sourire provocateur l'agace plus qu'il ne le voudrait. Il se rapproche, menaçant : 

- " J'ai entendu dire qu'il était avec ta soeur. Dis-moi qu'on peut compter là-dessus."

Jane, pas impressionnée le moins du monde, réplique : 

- " Tu en entends des choses décidément..."

L'attitude de la jeune femme finit de le mettre sur les nerfs. Il lui attrape fermement la mâchoire et articule à quelques centimètres de son visage : 

- " Me cherche pas, Jane."

Mais rien à faire, rien ne vacille.

- " Je le gère."

Leurs visages sont si proches... Il aimerait croire qu'il la domine, du haut de son mètre quatre-vingt-dix, mais il s'étonne à chaque fois que la force ne soit pas toujours là où on le suppose.

- " Tu devrais y aller. " Reprend-elle, insensible à sa démonstration de mâle dominant.

- " Il ne faudrait pas qu'ils se fassent des idées..."



Et sans qu'il ne le veuille vraiment, ses doigts glissent le long de son menton et tombent lourdement, frustrés.


Max capitule.
Tous deux savent qu'elle n'a rien à craindre de lui. Parce-que ce n'est pas dans son intérêt.
Malgré tout, il ordonne : 

- " Ne viens plus avec lui. Tu prends Adio ou Julio. Mais pas lui.
- " Ok."

Voilà pourquoi ils s'entendent si bien. C'est fluide, entre eux. Ils peuvent ne pas être d'accord, mais ils trouvent toujours une solution.

- " J'y vais. J'ai quelques rencards. Tu rentres quand ?
- " Maintenant.
- " Nan. Dan n'a qu'à rentrer, j'ai encore des trucs à voir avec toi.
- " Je ne suis pas à ton service. Si tu as besoin de moi, tu me le demandes gentillement sinon tu vas te faire...
- " Tu peux rester ce soir, s'il te plaît ?"

Max rit jaune. C'est qu'il n'a pas l'habitude.

- " Avec plaisir, Max."

Il aimerait tellement se persuader qu'il déteste ce sourire sur son visage.



***










- "Je ne suis pas d'accord. J'ai l'impression d'être la seule à jour.
- "Wolf aura une semaine de retard.
- "Wolf a toujours du retard.
- "Facile à dire pour toi princesse. T'as vu dans quoi il vit ? Et pourtant il donne autant que toi qui bouge pas tes fesses de ton fauteuil à 10000 boules.
- "Si mes fesses rapportent autant sans bouger, t'imagines ce que ça donne quand je me lève ?"

- "C'est une proposition?"

- "Dans tes rêves, Max. Mais ne me sous estime pas.
- "Ouais, ok. Ben je crois que c'que j'vois. Tout de suite, toi et ton cul vous devez 5000.
- "Et Oruscant ?"

Qu'elle est pénible... Il grimace, excédé :

- "T'occupes. C'est moi qui gère.
- "Il est fini. Je vois pas pourquoi on s'encombre.
- "Moi je vois et ça me suffit.
- "On devrait se rapprocher du cousin plutôt.
- "Le Golden Kid ? Dam's n'est pas pour.
- "Et tu t'es pas demandé pourquoi ? Dam's est sur un siège éjectable depuis qu'il est revenu en catastrophe d'Oasis Springs. Son père est à deux doigts de le déshériter et de placer ses billes sur son neveu."

Décidément, si même ses sbires riches se mettent à cogiter...

- "Si tu veux tout savoir, j'ai déjà tenté de l'approcher. Il est hors cadre.
- "Ok. Alors attends qu'il goûte au pouvoir. Et retente. Ça marchera."

Max se demande bien ce qu'ont les nanas aujourd'hui à lui tenir tête.

- "Tu connais mal Dam's si tu penses qu'il va laisser faire. Et je te conseille de ne pas ébruiter le fait que tu veuilles l'évincer parce-que tu connais son respect pour les femmes... Alors t'arrêtes tes embrouilles si tu veux pas que je m'énerve. J'm'appelle pas Oruscant mais j'peux faire semblant si tu me les casses trop."

Les iris vacillent, la mâchoire se crispe, elle déglutit. Bon ! Enfin une réaction normale. Suivie d'une autre : elle se lève, lisse sa robe le long de ses hanches à l'endroit elle se trouve très ajustée et fait onduler ses courbes quasiment sous son nez tandis qu'elle va chercher l'argent. Visiblement ses rêves sont à portée de main finalement...

Mais Max a mieux à faire.

Il retrouve sa bande quelques heures plus tard et constate que Jane est toujours là, et parfaitement à son aise. Si ce n'est peut-être Charlotte qui essaie de regagner des points et qui doit sérieusement lui taper sur le système. 

De son côté, il discute, checke, fait des selfies. Il descend quelques shots au bar. Pas trop. La soirée n'est pas finie et il doit être en forme. Quand il estime qu'il s'est suffisamment montré, il s’éclipse, non sans avoir capté le regard de Jane. Ils ont encore des choses à se dire.

Elle monte dans sa voiture quelques instants après lui et se dirigent ensemble vers le manoir Villareal.

Il ne faut pas plus de 2 minutes pour que la carapace craque et laisse monter pression et température. Si bien que Max est obligé de se ranger sur le bas côté, pris d'assaut par Jane et assailli à l'intérieur par ses propres pulsions.









*** 










Ils ont fini par arriver au manoir, ivres l'un de l'autre, mais pas rassasiés.
C'est le petit matin qui les trouvera exténués, mais aussi heureux que leur nature le permet.

Max lutte, justement. Et ça marche quand il la regarde dans les yeux et qu'elle le garde à distance. Il se rappelle alors qu'elle ne se donne pas à lui. Elle le tolère dans son espace. Et même si d'une certaine façon il est privilégié, cela ne lui suffit pas. Il veut plus. Alors les iris bleus acier de Jane le rappellent à l'ordre. Il ne doit pas perdre pieds.
Il a peur Max. Pour la deuxième fois de sa vie il a peur. Peur de se laisser aller. Peur de succomber car il se sent frappé de plus en plus fort, à l'intérieur. Au début, c'était juste physique. Mais très vite l'intensité de leurs regards l'avait bouleversé. Ouais bouleversé, lui ce gros dur de Max Villareal. Et il avait compris qu'il était fini quand il avait surpris un de ses cauchemars. Elle gémissait un prénom. Se lamentait. Pleurait parfois.

Chloé. Chloé. Chloé.

La première fois qu'elle s'était endormie à ses côtés - n'étant jamais restée auparavant après leurs ébats - l'avait vue se réveiller en sursaut puis entrer dans une rage folle, ne supportant pas de s'être livrée à son insu. En colère contre elle, mais le faisant payer lui. Lui qui avait encaissé, cette fois et les suivantes. Parce-qu'il était sûr de leur lien. Si bien que petit à petit, elle avait fini par rester dans le lit. Muette, mais là.

C'était le moment.


Elle gémit un prénom.

Chloé. Chloé. Chloé.

Elle se lamente.
Il s'approche. Il pose sa large main sur son visage et essuie la première larme avec son pouce. La tête en appui sur son avant bras, il l'accueille avec un :

- "T'avais une poussière dans l’œil." Tandis qu'elle se réveille.

Elle rit doucement, le tape mollement, et se retourne.
Lui se colle et plonge la tête dans sa nuque.

- "Je te préviens, maugrée-t-elle. Ne tombe pas amoureux. J'ai pas que ça à faire.
- "Pour qui tu m'prends ?"

Sur ces mots, il sombre lui aussi jusqu'à ce que le soleil insiste pour qu'il ouvre les paupières. Elle est déjà debout, prête à partir. Sans lui dire au revoir.
Il se lève promptement et la colle contre le placard, les bras en l'air et le cou offert. Il meurt d'envie de lui demander quand est-ce-qu'elle revient. Mais il ne le fait pas. Il ne manquerait plus qu'il paraisse désespéré...

- "Vire Dan."

Chassez le naturel...

Elle rit. Elle sait.

- "Nan."

Il lui sert les poignets, presse son front contre sa tempe :

- "Vire-le.
- "Non.
- "Alors je vais m'en occuper."

Là, elle redresse la tête, son sourire évanoui :

- "Tu ne touches pas à Dan."

Il lâche son emprise et un "pourquoi" :

- "Parce-que ma sœur est avec lui."

Max veut se retenir mais il n'y parvient pas :

- "Ta sœur ou toi ? Il parait que vous partagez tout. Tu crois que je t'ai pas vue hier ?!"

Max enrage, contre lui mais veut la faire payer elle. Il balance son poing contre le bois de la porte qui craque à son contact. Pas Jane. Au contraire, elle semble encore plus forte. Comme si elle se nourrissait de sa colère. Pour la retourner contre lui.
Ses yeux s'assombrissent et le ton est sans équivoque :

- "Je ne t'appartiens pas, Max. Je couche avec qui je veux. Je gère mon équipe comme je l'entends. Et je ne supporterai pas une putain de crise de jalousie. T'as intérêt à te reprendre parce-que je te jure que..."

Elle n'a pas le temps de finir sa phrase, il a fondu sur elle pour la faire taire.
Il la soulève puis enroule ses jambes autour de sa taille et lui fait comprendre que le message est passé. Elle a raison. Il déraille, Max. Pas de sentiment. C'est la base. Juste du corps à corps.
Dans la bataille, ils perdent un peu l'équilibre et se retrouvent à moitié dans le placard.


Ils rient, s'embrassent, enlèvent ce qui doit être enlevé et repartent pour un round.
Mais Max est Max. Il est distrait par cette histoire avec Dan. Alors il repart à la charge :

- "Je ne le sens pas, Jane."

Elle lève les yeux au ciel et entreprend de se dégager mais il l'en empêche :

- "Regarde-moi.
- "Tu me saoules.
- "Regarde-moi. Ce mec attend son heure. Il la boucle pour l'instant mais à un moment il va se désolidariser. Je le sens. Il est hors cadre. Il est pas comme nous. Tu sais quoi ? Non seulement il ne nous craint pas, mais en plus il nous méprise. C'est dangereux de le garder."

Jane détourne le regard. Il a marqué un point. Sa peau se perle et elle enroule ses bras autour de son cou, faisant disparaître son visage.

- "Ok. Tu as raison. C'est vrai."

Elle relève la tête, soucieuse, les yeux tournés sur le côté.

- "C'est vrai qu'il nous méprise. Je lui en ai fait tellement voir que je me dis que c'est pas possible qu'il... J'avais vraiment l'impression de l'avoir brisé. Mais... Mais je vois ce que tu veux dire."

Elle hausse les sourcils, soupire et lance un désinvolte et inattendu :

- "Tant pis !"


Elle sourit alors à nouveau, celui dont elle a le secret :

- " Mais on va le faire à ma façon. Pour l'instant, Sharon fait barrage. Et il reste avec elle parce-qu'il se sent protégé. Mais il va se lasser. Et rapidement, tellement elle est lourde. Ce qu'il ne sait pas, c'est que Sharon DÉTESTE se faire larguer. Donc quand on aura sa bénédiction, et uniquement à ce moment là, on l'éliminera. Deal ?"

Max soupire. Traiter avec Jane c'est comme évoluer sur des montagnes russes. La puissance des émotions qu'elle lui fait ressentir n'a pas son pareil. Un coup oui, un coup non, un coup chaud, un coup froid...


Et ce moment de plénitude quand ils tombent d'accord... Nan. Max n'est pas amoureux. Il est juste accro.










Commentaires