0.20











Cela faisait 2 jours qu'il était prostré sur son lit. Il avait à peine bu, n'avait pas mangé. Heureusement, sinon Silvia n'aurait pas eu assez pour terminer la semaine.
Seulement, aujourd'hui, le frigo était vide.
Elle avait longtemps hésité avant de venir le déranger. Mais demain, c'était dimanche, et rien ne serait ouvert. Donc il fallait faire quelque chose.
Elle avait timidement tapé à la porte, et avait pénétré dans la pièce car elle savait qu'elle n'aurait pas de réponse. Une désagréable odeur de renfermé lui fit plisser le nez.

- « Dan...
- « …
- « Dan... On a plus rien à manger...
- « …
- « Tu n'as plus de billet dans ton porte-feuille.
- « …
- « Dan... Réponds-moi... »

La lèvre inférieure de l'enfant commença à trembler. Elle poussa malgré elle un petit gémissement en prononçant :

- « Dan... »

Elle étouffa un sanglot et continua :

- « Dan... J'ai peur... »

Son frère poussa un soupir.

- « Laisse-moi Nadia. Je suis pas d'humeur. »

La douleur qu'elle ressentit alors lui crispa le visage. Elle maîtrisa tant bien que mal un spasme qui allait lui arracher des larmes en plaquant sa main sur sa bouche et partit en courant vers sa chambre.

Dans un état second, non conscient de ce qu'il venait de dire, il ajouta :

- « J'arrive. Laisse-moi encore un peu de temps. »


Et alors, après ce bref instant de répit, la douleur s'engouffra à nouveau dans sa poitrine, avec une telle violence qu'il en serra le poing. Soudainement pris d'un haut-le-coeur, il se redressa vivement et son estomac tenta de se débarrasser d'un contenu imaginaire. Étourdi, il bascula ses jambes en dehors du lit de manière à être face à leur photo.


Cela faisait deux jours, et pourtant cela lui paraissait comme une éternité. Ils avaient déjà été séparés beaucoup plus longtemps, alors comment cela se faisait-il qu'il soit en manque à ce point ?

Ils avaient l'air tellement heureux sur cette photo...

Lui l'était, en tout cas. Son bonheur était quelque peu ternis par son incertitude concernant l'avenir, mais quand elle était là...





Brutal...



Cela avait été tellement... Brutal...





***





Silvia était terrorisée.
Sous les couvertures, elle essayait de faire le moins de bruit possible en pleurant.
Lin partie, c'est tout leur oxygène qui leur avait été enlevé. Il ne leur restait plus que l'angoisse du lendemain, des questions, et de la peur. Il ne leur restait plus qu'à... suffoquer... Lentement.

Alors qu'elle commençait à être étourdie par le dioxyde de carbone qui s'accumulait sous les draps, une sensation désagréable lui parvint de ses doigts.
Elle sortit de sa cachette, s'assit sur le lit, et observa sa paume, fébrile.


Noooonnnnn... Non non non non non...





***







 Cela aurait-il pu se passer autrement ? Avait-il réagi de manière disproportionnée ? Pourquoi s'était-il mis en colère déjà ?

Ah oui...



Cette façon qu'elle avait eu de parler de son père.
Cela l'avait énormément blessé. Et embarrassé. Embarrassé de l'image qu'elle se faisait de son père. Il pensait être en colère contre eux. Mais dans le regard bleu azur de la femme qu'il aimait, son reflet lui avait renvoyé de la honte. C'était bien ce sentiment qu'elle avait provoqué chez lui : la honte de ses origines. Et il n'avait pas supporté. Surtout après la lueur d'espoir qui s'était mise à scintiller quelque part au fond de lui, quand il avait lu dans la lettre que toute cette histoire, c'était pour Silvia. Pour la sauver. S'ils les avaient laissés, c'était pour les protéger.

A cet instant, sa mère s'imposa à lui.


En premier lieu, la dernière image qu'il avait d'elle s'associa à son souvenir, comme c'était le cas à chaque fois depuis 6 ans. Mais il la chassa. A la place, il repensa à cette soirée où elle s'était préparée pour un gala de charité auquel elle avait été conviée par un de ses amis.


Elle était radieuse. Et pour cause. Elle venait d'apprendre qu'elle était enceinte... de Silvia. Tout était tellement doux à cette époque... Son regard lui manquait atrocement... Cet amour qu'une mère pouvait éprouver pour son enfant...

Était-elle vraiment... Morte ?

Son père divaguait tellement au moment de cette déclaration... L'avait-il vraiment tuée ?
Il se prit la tête dans les mains. Il avait encore tellement de questions... Dont la plus importante... Qu'était-il arrivé à Silvia ? Voilà deux ans qu'ils vivaient ensemble, et rien ne s'était produit. Personne n'était venue la chercher, aucune maladie étrange ne s'était déclarée, elle avait grandit sans problème, elle réagissait tout à fait normalement pour une enfant de 9 ans... Peut-être qu'elle faisait réellement partie du groupe témoin. Ou peut-être... Il esquissa un sourire désabusé. Ou peut-être que ce n'était que du flan. Peut-être que pour une raison qu'il ne connaissait pas, on leur avait retiré Silvia et qu'ils étaient retournés la chercher. Peut-être que c'était eux, ses parents, qui l'avaient enlevée.

Il prit alors conscience d'une chose. Il ne savait pas, en réalité. Les deux versions pouvaient être vraies, il n'avait aucune preuve de l'une, ou de l'autre. Et il avait quitté Lin pour une incertitude. Ce fait lui fit l'effet d'une gifle.


J'ai... J'ai tout gâché... Alors que je ne sais rien ?

Le cœur battant, il tâta ses poches pour attraper son portable, mais il n'y était pas.
Il fallait qu'il répare ce qu'il avait fait.
Le cœur battant, il se dirigea vers la commode où était posé le smartphone.
Il fallait qu'il la voit, qu'il la serre contre lui, qu'il l'embrasse.
Le cœur battant, il déverrouilla l'écran et entreprit de composer le numéro.
Il fallait qu'il lui dise à quel point il l'aimait, à quel point plus jamais il ne la quitterait.
Le cœur battant, il allait appuyer sur le petit téléphone vert quand un cri strident de terreur perça l'atmosphère.


Pris de panique, il traversa la cabane en quelques enjambées jusqu'à la chambre de Silvia.
A première vue, elle était seule et allait bien.

A première vue. Car les secondes qui passaient lui apportaient des informations moins rassurantes. Elle semblait éteinte. Le silence qui régnait dans la pièce lui faisait froid dans le dos. Puis il se rendit compte qu'elle fixait quelque chose.

Un jouet ? Non... Pourquoi elle porte ce... Qu'est-ce-que c'est...

Une forme en mouvement sur l'avant- bras de sa sœur le fit sursauter.

Ça bouge...

Et alors, il comprit ce qu'il voyait.


La peau de Silvia changeait peu à peu de couleur.
Il se rendit compte alors qu'elle chuchotait, et qu'elle avait commencé à se balancer d'avant en arrière.

- « Shhhhhhh... Disait-elle. Shhhhhhh... Calme-toi... Shhhhhhhhh. »

Petit à petit, la progression de la peau bleue ralentit pour venir s'arrêter comme des flammes auraient perdu de leur vigueur.

La voix étonnamment calme, Silvia s'adressa alors à lui :

- « Voilà. Tu sais tout. »

Perplexe, il répondit :

- « Je ne comprends rien...
- « Je ne faisais pas partie du groupe témoin.
- « Et que t'ont-ils fait alors ?
- « Tu crois que je le sais ? »

Sa façon de parler était différente. Elle articulait chaque mot.

- « Pourquoi tu parles comme ça ?
- « J'essaie de rester calme. Plus je panique, plus je me transforme vite.
- « Trans... Transforme ? En quoi ?
- « Je ne sais pas. Ça n'est jamais allé jusqu'au bout. »

Un silence s'installa entre eux, durant lequel il put observer que les petites flammes bleues s'étaient remises à ramper et atteignaient maintenait le coude.

- « Silvia... Tenta-t-il de l'avertir. »

Elle le regarda alors droit dans les yeux, les iris troubles :

- « Tu vas partir ? »

Elle renifla, une larme coula le long de sa joue, et son bras se fit prendre d’assaut par la laque bleutée :

- « Tu as peur ? Tu vas partir maintenant, c'est ça ? »

Alors que l'épaule allait à son tour changer de couleur, il s'agenouilla en face d'elle et, surmontant son appréhension, enserra le haut du bras de sa sœur dont il fit le tour sans problème avec ses doigts et planta à ton tour son regard dans le sien :

- « Je ne vais aller nulle part, Silvia. Je te jure qu'on aura le fin mot de cette histoire. Je te le jure. »

Les yeux de l'enfant perdirent de leur intensité, et elle poussa un petit soupir.

Daniel regarda sa main gauche, et nota que l'épaule était toujours rose. Il déplia lentement ses phalanges et vit la peau retrouver sa couleur originelle peu à peu.




***





Voilà. Il savait.
Elle avait eu tellement peur...
Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu de « crise ». La dernière fois, c'était quand son père était revenu à moitié fou. Elle ne s'était pas maîtrisée et sa main avait changé de couleur. 
Quand il l'avait enlevée, s'étaient ses doigts, mais elle avait réussi à le dissimuler.
Elle poussa un petit soupir angoissé : cela empirait à chaque fois.
Elle jeta un regard anxieux à son frère qui s'était relevé et lui tournait à présent le dos. 




***





Il connaissait cette sensation. Il l'avait déjà touchée du doigt.
Jusqu'à aujourd'hui, il avait réussi à la garder à distance.

Seulement, ses garde-fous, représentés par son incertitude quant à la cause de l'implosion de sa famille et l'amour de Lin, avaient volé en éclats.

Il se souviendrait toute sa vie de ce moment précis. Cet instant où il avait décidé d'embrasser...



… Sa rage.







































Commentaires

Anonyme a dit…
J'adore! Continue! Je veux la suite poupette!
Anonyme a dit…
Oups ! J'ai oublié de signer xD
C'est Elfy ^-^
Pythonroux a dit…
C'est bien demain la suite ???? parce que sinon, je boude ;)

Encore un très bon chapitre, tu te surpasses toujours autant, alors comme cela Sylvia serait à moitié génétiquement modifiée.... il y en a qui risque de passer un sale quart d'heure quand ils auront été retrouvé ;)
GGO a dit…
lol merci !

La suite, pas tout de suite malheureusement.

Un peu de patience !

Mais merci de m'avoir suivie et pour tes messages toujours enthousiastes.

A bientot sur le forum !!
GGO a dit…
Merci mon petit Python *bisou*

Pour la suite, toi tu sais déjà ;-)
Mathoo a dit…
Tonton ton tonton ton tonton. Tonton ton tonton ton tonton !!!!
Si tu n'avais pas reconnu, c'était la marche impériale :D
Dan, je suis... TA SOEUR !
Bref, trêve de plaisanteries idiotes. Franchement bravo pour tout ce travail, aussi bien d'écriture que de mise en scène, c'est vraiment super et c'est un sans-faute ! :D
J'ai hâte de voir comment tu vas intégrer Vivre Ensemble à tout ça ! ^^ Et j'ai hâte de lire la suite, forcément ^^
Unknown a dit…
Argh ! La suite ?! Elle est où ? :(
J'étais tellement à fond dans ton histoire et voilà que je ne trouve pas la suite ! Tu compte la faire bientôt ? Je ne peux pas ne pas connaître la suite !
GGO a dit…
Elle est pas jouée encore ! :-/ Je prépare actuellement le cadre, et je ne vais pas tarder à faire une petite partie sur Nadia. Quand tout sera prêt, je l'annoncerai sur le site officiel ;-)

Merci beaucoup pour ton intérêt, ça me motive !
Unknown a dit…
J'ai hâte de découvrir ce que tu nous réserve !

De rien; c'est une excellente histoire :D
gamemagg a dit…
Coucou GGO, je suis revenue vers ton histoire que j'avais arrêté en chemin ... Je ne sais pas pourquoi. Mais j'ai peut-être bien fait, l' attente sera moins longue pour moi xD.
On a quand même quelques indices pas négligeable ;)
GGO a dit…
Eh coucou !

Merci d'être repassée et... à bientôt ? ^^
Simagrees a dit…
ça a failli ! Il était à un cheveu de la réconciliation avec Lin. Après la discussion où chacun défend son point de vue, ils doivent tous les deux souffrir de la rupture et ça aurait été le moment idéal pour trouver un terrain d'entente. Le moment M est passé... à jamais. Et Silvia, pauvre poussin, abrite un énorme secret en son corps.
GGO a dit…
Oui, même moi j'y ai cru XD

Quant à Silvia, c'est en effet un lourd secret pour son âge.

Je te remercie d'être repassée, et puis c'est toujours agréable de lire les commentaires.

Je ne sais pas si tu sais (je n'ai pas mis à jour le sommaire), mais j'ai aussi écrit ce qu'il advenait de Nadia. Si tu fais défiler l'écran jusqu'en bas, tu trouves les archives du blog et c'est regroupé sur le mois d'Octobre 2014. J'en suis au chapitre 16 et y'aura une vingtaine de chapitre au final. Donc si ça te dit... :-)

Encore merci et... à bientôt ? :-D