29.


Elle n'avait pas dormi de la nuit. Tournant et retournant dans son lit, froissant les draps, se plongeant la tête dans les oreillers, grognant d'exaspération, tapant des poings contre le matelas : impossible de trouver le sommeil. Le matin, à l'aube, elle était plus que prête. Après avoir perdu sa famille, son bébé, son emploi, et une partie de son visage, elle était là, au volant de sa voiture, les mains crispées et tremblantes, sur le chemin qu'elle voulait de la rédemption. Car on ne perdait pas sa vie en vain. C'est tout du moins ce dont elle essaya de se persuader durant les 4 heures et 26 minutes de route qui la séparaient du domicile de Kérine Hébert. 




Arrivée dans la bonne rue et devant le bon numéro, elle gara sa petite citadine bleue sur une place de parking sur le trottoir d'en face. Alors qu'elle s'apprêtait à en descendre, elle interrompit son geste. Quelqu'un sortait de l'appartement.




Son sang ne fit qu'un tour lorsqu'elle reconnu l'homme qui descendait les escaliers.

Edouard Plènozas...


Ainsi, ils se voyaient toujours. Il était donc au moins fidèle à sa maîtresse. Léonor résista tant bien que mal à l'envie de lui sauter à la gorge. Une fois qu'il eut disparu, elle se rendit chez l'amante.




Léonor frappa la porte de trois petits coups secs. Elle fixa alors le judas, qu'elle vit s'assombrir puis briller.
Une voix chaude lui répondit :
- « C'est pour quoi ? »
Léonor alla droit au but :
- « C'est au sujet d'Edouard Plènozas.
- « Je ne le connais pas.
- « Kérine voyons... Il vient de sortir de chez vous... »
Silence de l'autre coté de la porte. La jeune femme reprit :
- « Je vous demande juste de m'écouter, vous déciderez ensuite de répondre à mes questions ou non. »
Aucun son ne lui répondit. Puis, une voix moins assurée se fit entendre :
- « Je n'ai rien à dire. Partez ou j'appelle la police ! »
L'oeilleton s'assombrit de nouveau, et Léonor le fixa alors de son regard le plus dur :
- « Je sais pour Nyls. »
Le judas brilla et elle perçut un léger bruit sourd contre la porte. Au bout de quelques secondes qui parurent être une éternité pour Léonor, la poignée se mit à tourner.




C'est alors qu'une "brune élancée et athlétique" apparut dans l'embrasure. Le visage exprimant une tristesse indicible, elle déclara :
- « Je n'ai jamais voulu ça. »




Léonor fut invitée à entrer et Kérine Hébert lui proposa à boire. Elle refusa. Profitant du fait que son hôte lui tournait le dos, elle passa rapidement l'appartement en revue.




Un tableau en liège était accroché sur un des murs près de l'entrée. Des notes y étaient épinglées, ainsi que ce qui ressemblait à un billet de train. Faisant mine de regarder son téléphone, elle prit le tableau en photo et alla rejoindre Kérine qui venait de s'asseoir et qui l'invitait à en faire autant.




L'entretien du attendre quelques gorgées de plus. Les sens en éveil de Léonor ne supportèrent pas le bruit de la bouche sur le métal de la canette, ni celui des déglutitions, et encore moins celui du soupir qui s'en suivit. Il fallait qu'elle parle.




Seulement, son précieux témoin ne semblait pas pressé.

Encore une entre le marteau et l'enclume.

- « S'il vous plaît, l'encouragea Léonor. Pouvons-nous commencer ? »
Le regard de cette belle brune devait être magnifique autrefois. Aujourd'hui, il était comme voilé. Kérine Hébert avait du en perdre l'éclat en route.




Elle posa alors sa boisson et ferma les yeux. Il fallu encore quelques secondes de patience à Léonor pour entendre à nouveau le son de sa voix.
- « Que voulez-vous savoir ?
- « Depuis quand entretenez-vous cette liaison avec Edouard Plènozas ?
- « 12 ans, à peu près.
- « Quelles étaient vos relations avec Nyls d'Atlantys ?
- « Nous étions... amants.
- « Combien de temps cela a-t-il duré ?
- « 6 Ans... 5 ans de relation... charnelle... Et 1 année avait précédé où cela n'était que platonique. »




5 ans... Mais il avait quel âge ?

Léonor fit rapidement le calcul dans sa tête. Il avait 17 ans, tout au plus. 

Détournement de mineur... De mieux en mieux...

- « Comment avez-vous connu Nyls d'Atlantys ?
- « J'ai été engagée comme femme de ménage au Domaine.
- « Il y a 6 ans de cela ?
- « Presque 7.
- « Est-ce-qu'Edouard Plènozas a joué un rôle pour l'obtention du poste ?
- « Oui. Je me suis faite engagée par et grâce à lui.
- « Dans quel but ?
- « Afin de séduire le jeune Nyls et... Et de l'éloigner de son statut d'héritier.
- « Avez-vous réussi ? »
Kérine baissa la tête :
- « Malheureusement, oui.
- « Avez-vous un lien avec sa disparition ?
- « NON ! CE N'ETAIT PAS CE QUI DEVAIT SE PASSER !! »
Le cri avait fait sursauté Léonor. Les yeux agards, les lèvres tremblotantes, la belle brune articula de nouveau :
- « Ça ne devait pas se passer comme ça... »
Et elle baissa de nouveau le regard.
- « Quel était le plan ?
- « Je... On devait s'enfuir ensemble. Il était sensé retirer une grosse somme d'argent et on devait partir. Enfin... C'est ce que je devais lui faire croire... Une fois le liquide à portée de main, je devais le dépouiller et refaire ma vie.
- « Que s'est-il passé en réalité ?"
Le regard de Kérine se troubla. 
Elle lui fit alors le récit de leur dernière rencontre, de la dernière fois où elle avait vu Nyls d'Atlantys.




- « Il m'avait faite venir de toute urgence à une adresse que je ne connaissais pas, dans un des coupe-gorges de la ville. Quand je suis arrivée, il était en train de se faire soutirer de l'argent et une camée regardait ses fringues griffées d'un oeil plutôt intéressé... Lui ne se rendait compte de rien, évidemment."




- « Dès qu'il m'a vue, il s'est jeté sur moi pour m'embrasser. Il ne tenait pas en place. »




- « C'est une fois à l'intérieur qu'il m'a tout expliqué. Il venait de signer un bail de location d'un taudis dont il comptait payer le loyer avec les quelques simflouzs qu'il allait gagner en faisant cuire des frites."





- « J'étais hors de moi. Comment ça, il comptait faire cuire des frites ? Où était mon palace ? Où était mon argent ?Tous mes rêves s'évanouissaient parce-que Nyls pensait pouvoir vivre d'amour et d'eau fraîche. »
Un malaise s'insinua au plus profond de Léonor. N'en laissant rien paraître, elle écouta la suite du récit.




- « J'ai été très dure avec lui. Aussi dure que j'étais frustrée et en colère. Toute ma vie j'attendais ce moment, et il voulait tout foutre en l'air avec sa fleur au fusil. Alors je lui ai dit de retourner chez lui et d'attendre sagement qu'il prenne ses fonctions pour débloquer le pactole qui nous permettrait de nous enfuir. Il m'a répondu qu'il ne pouvait pas faire ça à sa famille. Que s'il partait, c'était pour être autonome. Comme il abandonnait ses responsabilités, il ne se voyait pas partir avec de l'argent qui ne lui revenait que s'il prenait la direction du Quartier. J'ai tout essayé pour le convaincre. Tout." 




- "Quand j'ai vu qu'il ne changeait pas d'avis, qu'il ne prendrait jamais l'argent...»




- « ... J'ai explosé. Je lui ai donné une série de gifles et de coups, je lui ai hurlé qu'il avait tout gâché, je le ai jeté la bague qu'il m'avait offerte à la figure et je suis partie."
- « Mais là, il était bien vivant... » commença Léonor, de plus en plus mal à l'aise.
Kérine lui fit signe qu'elle y venait.



- « Suite à ça, je suis allée dans l'appartement dans lequel on se retrouvait, Edouard et moi, et où il m'attendait. Je lui ai tout raconté. Au fur et à mesure que les mots sortaient de ma bouche, je me suis rendue compte de ce que je venais de faire. J'étais complètement déboussolée, mais surtout hantée par le visage dévasté de Nyls. Je lui avais brisé le coeur. Toute sa détresse m'est arrivée en pleine figure à ce moment là. A cet instant précis, je me suis aperçue que je tenais plus à lui que je ne le pensais. Après toutes ces années, je m'étais attachée à lui. J'ai ouvert les yeux aussi, sur les réelles intentions d'Edouard. Il ne voulait pas seulement lui prendre sa place, il lui voulait du mal. Il s'était mis à me hurler dessus en me disant de rattraper mes conneries. Quand je lui ai dit d'aller se faire voir, il m'a attrapé par la gorge et m'a dit que visiblement, j'avais compris que Nyls allait y passer. Il ne tenait alors qu'à moi de faire en sorte que ce soit rapide. Si je le lui livrais dans les deux jours, moi j'avais mon pactole, et Nyls avait une fin sans douleur. Dans le cas contraire, je devais me préparer à vivre avec son supplice sur la conscience."
Kérine marqua une longue pause. Le visage pétrifié par la tristesse, elle continua :
- "Le lendemain, j'ai essayé de joindre Nyls, sans succès. Après plusieurs tentatives, j'ai laissé un message en lui disant que je regrettais, et qu'il fallait absolument qu'il me rappelle. Ce qu'il n'a fait que le jour suivant, dans l'après-midi. J'étais tellement soulagée de l'entendre ! Il m'a répété qu'il ne prendrait pas d'argent, mais à ce moment, je ne pensais qu'à le sauver. Je lui ai donc dit que je m'en fichais, qu'il fallait qu'on parte le plus vite possible, qu'on disparaisse. Edouard me faisait extrêmement peur depuis notre dernière entrevue, et si je ne voulais pas la mort de Nyls, je tenais aussi à la vie. Vie qui n'aurait pas été bien longue si je n'obéissais pas à Edouard. Ma panique a du me rendre convaincante car il m'a dit qu'il m'envoyait un billet de train pour la Baie de Belladonna au plus vite."




- « Quand Edouard est venu aux nouvelles, je lui ai dit que tout était rentré dans l'ordre, mais qu'il fallait juste qu'il patiente encore quelques jours le temps qu'il débloque un quelconque livret afin que je bénéficie d'un peu d'argent. Je pensais que ça avait marché mais... Mais... Mais le lendemain, Nyls était mort.»




Un lourd silence pesa dans l'atmosphère.
- « Je vous voyais regarder le tableau en liège tout à l'heure. Vous voyez le billet de train ? »
Léonor aquiesca.
- « Je l'ai reçu le lendemain de sa mort. Tous les matins et tous les soirs, je le regarde, pour ne pas oublier. C'est ma punition. »
La boule dans la gorge de Léonor prenait de plus en plus d'ampleur.
- « Seriez-vous prête à raconter tout ça devant un juge ? »




La jeune femme était suspendue à ses lèvres rouge carmin. Son cœur battait à tout rompre. L'attente était interminable.




- « Non. »
Léonor ferma les yeux et laissa raisonner ce mot si petit et pourtant si dévastateur. Le moment qu'elle redoutait tant depuis quelques minutes était là, ouvrant le sol sous ses pieds. Karine Hébert n'avait aucune preuve et ne faisait pas le poids face à un colosse tel que Plènozas.
- « Je vous ai dit la vérité, se justifia-t-elle. Mais je n'ai que des mots et personne pour me défendre. Nyls est mort, rien de ce que je ferai ne le ramènera. Et j'ai tout à perdre. Ma vie est peut-être minable, mais elle a le mérite d'exister.
- « Ouais... »
Un silence plana quelques instants, puis la jeune enquêtrice se leva de sa chaise pour partir. Arrivée à la porte d'entrée, elle dit par dessus son épaule :
- « Votre vie minable serait considérablement améliorée par la somme de 150000 simflouzs, n'est-ce-pas ? »
Regard figé de l'accusée.
- « C'était pour ça que j'étais venue, à la base. Pour François Faivre. Que fera Edouard Plènozas à votre avis s'il apprend que sa maîtresse fait dans le chantage, au risque de le faire inculper lui... ? »
Kérine leva des yeux implorant vers Léonor qui répondit :
- « Vous avez l'air d'en avoir un petite idée. Donc pour cette histoire de fille cachée, je serais vous, je la mettrais en veilleuse... »




Cette dernière phrase traîna derrière Léonor comme l'ombre de cette dernière lorsqu'elle franchit la porte. Elle était anéantie.
Les yeux dans le vague, elle se demanda subitement l'heure qu'il était. Elle sortit son portable et tomba sur le cliché qu'elle venait de prendre.
Cédant par habitude à sa curiosité, elle zooma, ce qui l'amena directement sur le billet de train. Il portait le numéro HEBERT-01321102014. Juste à droite, il y avait la date et son heure d'émission, écrits en tout petit mais parfaitement lisible grâce au zoom : 20.10.2014 11H54. 

Le 20 Octobre 2014. 11h54. Le 20 Octobre 2014 à 11h54. Le...

Fébrile, elle actionna les touches de son téléphone.
Une jeune voix féminine répondit :
« Oui ?
« Bonjour, j'aurais besoin de parler à ton grand-père.
« Euh...
« C'est urgent.
« Bon... D'accord... »
Elle entendit le bruit du combiné que l'on pose puis l'appel strident d'une adolescente :
« Papiiiiiiiiiii ! Y'a une femme qui t'appelle ! Elle dit que c'est urgent ! Papiiiiiiiiiii !
« Je suis là Clara, je suis là ! Va voir Bijou il a pas l'air dans son assiette.
« Ah bon ? Il allait très bien tout à l'heure...
« C'est pour ça que je ne te l'ai pas dit tout à l'heure mais que je te le dis maintenant. Allez, ouste.
« Léonor... Faut pas appeler chez moi, c'est inconvenant...
« L'heure du décès de Nyls ?
« Quoi ?
« L'heure du décès de Nyls !
« Euh... Je sais plus moi... 
" Il était pas mort tôt le matin ?!
" Ah si ! Le décès a été prononcé un peu avant 7h. Pourquoi ? 
" ...
" Allô ? Allô ? J'en ai marre de ces téléphones... Allô!!»















Il est vivant...





















Commentaires

Marina a dit…
Non mais quoi ??? Il aurait fait tout ça pour échapper à sa famille et à son destin d'héritier ? Ben merde alors ! Bon ben Léo n'a plus qu'à écumer toutes les baraques à frites du pays maintenant...
Je suis contente pour Kérine, mon hypothèse était la bonne xD
Pythonroux a dit…
J'adore la dernière phrase ^^ mais c'est franchement pas drôle si le Plénozas ne va pas en tôle....
Par contre, la pauvre Kérine, elle a une vie bien pourrie quand même :(
Pythonroux a dit…
Tu penses qu'il y en a beaucoup des baraques à frites entre SimCity et Atlantys ?
Sakura5192 a dit…
Keuwaaa ??? Nyls ? vivant ?? je comprends rien de rien...(dis rien, j'attendrais le 30 ème chapitre ;p)
GGO a dit…
Y'en a 564. ^^
GGO a dit…
C'est difficile de mettre des types comme Plènozas en tôle...

Saku : ou 31 ? ;-p

Merci à vous 3 d'être passés ! <3
Missing a dit…
Whaaaaaattttttt ? Tu peux pas nous laisser comme ça, le suspens va nous tuer !
C'est quoi cette conspiration ??!!! Tu veux nous tuer avec ce retournement de situation ?????
La visite à Kérine annonçait une tempête, mais qui s'est vite transformée en ouragan !
En tout cas, elle est autant emblématique des Sims 2 que Sonia. Même relookée, je l'ai reconnue tout de suite,
C'est un des trucs qui manquent aux Sims depuis le 2. Les familles pré-fabriquées manquent de profondeur. Mais je m'éloigne !
Bravo pour ce superbe chapitre !
Je reviendrais sûrement pour la suite !
GGO a dit…
Pfiou je suis trop contente. J'avais trop peur de poster ce chapitre.

J'ai bénéficié de la présence de Kérine du fait de la création du quartier qui nous donne les PNJ de MontSimpa, avec l'histoire qui vient avec. Donc même si y'avait pas Don Lothario, son personnage avait une trame toute tracée. C'est en mettant Kérine en tant que femme de ménage au domaine d'Atlantys que le jeu m'a apporté un des personnages les plus importants de l'histoire.

En tout cas, c'est un vrai plaisir de voir ce genre d'exclamations.

Merci!!!!!!
Marina a dit…
Et donc, c'est pour quand cette suite ????? :p
Mathoo a dit…
WHAT ??? WHAT ??? WHAAAAAAAAT ??!!!!! :O
Heureusement que je suis assis, sinon je me serais fêlé le coccyx ! :P
Je dois dire que ce chapitre a été fort en émotions : la tension dès le début, le souffle qui s'est arrêté quand j'ai vu Plènozas, et à nouveau la tension qui monte, qui monte... :O C'est tout simplement génial, je te tire mon chapeau ! ;)
GGO a dit…
Holala...Que demander de plus, sérieux, quand je vous voir réagir à ce que j'écris... C'est bon pour l'ego, ça ! XD

Merci beaucoup. :-)