14.


Alors qu'elle s'époussetait pour enlever la neige qu'elle avait un peu partout, la sonnerie de son téléphone la fit arriver au pas de course dans le salon.
- « Allo ?
- « C'est encore moi, répondit Germain Vasseur. Je voulais juste savoir comment ça s'était passé.
- « Comme si vous ne saviez pas ! Le taquina-t-elle.
- « Oh, c'est juste pour avoir votre version des faits...
- « Qu'y a-t-il ? J'ai poussé pépé dans les orties ? Demanda-t-elle, toujours amusée.
- « On dirait bien, dit-il pensif. Mais impossible de savoir ce que vous lui avez dit. Il semblait dans tous ses états. Il m'a demandé ce que vous faisiez toujours ici. Et je me suis aperçu que je ne savais pas quoi répondre. »

Le ton du chef de la police était différent de d'habitude. Il semblait soucieux et cela interpella la jeune femme.



- «  Ça ne va pas Germain ?
- « Si, si. Mais les gens commencent de plus en plus à poser des questions sur ce que vous faites. Ils ont l'impression que vous ne trouvez pas de réponse et que vous tapez au hasard en espérant avoir de la chance. »
Léonor leva les yeux au ciel :
- « C'est tout l'inverse! Et à mon avis, c'est le fait que je ne laisse rien passer qui agace. »
Germain garda le silence avant d'ajouter d'un air las et dédaigneux :
- « Et que cherchez-vous à démontrer aujourd'hui? Que les analyses de sang sont falsifiées? Vous allez interroger les Normand? Vous allez faire déterrer le cadavre pour qu'on refasse les expertises? Vous allez les faire vous-même? »
Léonor ne le reconnaissait plus tant il était agressif dans ses propos. Il ne la taquinait plus, et ses attaques la blessèrent car elle l'appréciait plus qu'elle ne voulait le faire croire. Malgré cela, elle détestait qu'on la prenne de haut et lui répondit sèchement :
- « Eh ben vous l'saurez quand vous serez prêt à l'entendre et en dehors des jupes de la rive droite. »
Sur ces mots, elle raccrocha.




Il avait réussi à l'énerver, elle qui était de si bonne humeur ce jour là. Remontée, Léonor se précipita sur son ordinateur pour consulter les données concernant Eric Ladopthé.

Lui, il ne sait pas encore ce que c'est de se faire chercher les poux...

Malheureusement, il n'y avait rien d’intéressant. Elle était très déçue.Il payait ses factures, son compte en banque était bien approvisionné sans variations suspectes, et les numéros composés à partir de son téléphone étaient tous identifiés comme appartenant à ses voisins de la rive droite, à de la famille ou des personnalités politiques. Fani avait donc été quelque peu mauvaise langue en insinuant qu'il pourrait avoir des aventures extra-conjuguales. Cette dernière pensée lui rappela une phrase de Prys Plènozas : « Mon mari aime beaucoup trop les femmes, croyez-moi! ».

Bon, et lui alors...



Le dossier Plènozas était autrement plus complet : beaucoup de numéros restaient inconnus, de grosses sommes d'argent se trouvaient dans la colonne « débit » de ses relevés bancaires, mais ce qui attira le plus son attention, ce fut le dossier « propriétés ». En effet, Edouard Plènozas possédait un certain nombre de commerces, avec notamment le centre commercial, un club à SimCity, et tout récemment, le « Fever », nouvelle boite de nuit qui devait ouvrir ses portes le lendemain soir. Et en-dessous de ces noms, il y avait :
  • Atlantyc Center : refusé
  • Atlantyc Fitness : refusé
  • Realityc Show : refusé
La liste contenait en tout 14 refus. Ainsi, il ne faisait pas tout ce qu'il voulait, et cela certainement à cause du conseil d'Administration dont lui avait parlé Eric Ladopthé quelques heures plus tôt.

En voilà une bonne raison de vouloir être calife à la place du calife...

Mais par quel moyen ? Pouvait-il prétendre au trône par le biais de sa femme, malgré ce que tout le monde disait ? Ou allait-il se servir de Ladopthé ? Mais était-ce vraiment possible ? En fait, la vraie question était :

Qui va être nommé à la tête du Quartier une fois que tout sera rentré dans l'ordre ?



 Elle entreprit alors d'agir avec méthode : elle attrapa le livre prêté par François Faivre, lança un logiciel de dessin et commença à taper des noms et à tracer des traits entre eux pour bien comprendre leurs liens. Cela lui prit toute l'après-midi, mais à 18h, elle avait un arbre généalogique, abrégé juste ce qu'il fallait pour qu'il soit compréhensible.
Ainsi, la plus vieille parente connue originaire d'Atlantys était une certaine Eve, mariée à un Hugues. Ces deux là avaient eu 2 fils : Jorys et Elys. L'aîné avait donc été nommé à la tête de la famille, comme tous les premiers nés suivants, et ce jusqu'à Nyls d'Atlantys. Le cadet Elys quant à lui avait été marié à Léopoldine des Rivières et le premier fils de chaque génération nous amenait à Alexy d'Atlantys.

OK... Donc si ce n'est pas Prys, je dirais que ce serait lui qui devrait être nommé. Mais selon Germain, c'est pas sûr qu'il accepte. Surtout que s'il passe sa vie à l'étranger... Donc les autres doivent calculer leur pourcentage de sang royal. Commençons par Germain, tiens... Descendant de Pryssilia d'Atlantys qui a été mariée à un certain Aurélien Vasseur. Ascendance assez ancienne, donc. La famille Atlantys-des Rivières donne ensuite deux autres héritiers potentiels, qui sont des cousins éloignés d'Alexy d'Atlantys : Jack Munrow et Philippe Auger. Leurs chances sont minces, mais quand même... Si on suit la descendance de Jorys, on voit que sa fille Bérénys a été mariée à un Martin des Plaines. Leur lignée amène à Damien des Plaines. Il n'y a ensuite que des enfants uniques, jusquà Morys d'Atlantys qui a d'abord une fille, Prys, puis un garçon, Antonys, aujourd'hui décédé. Mais Prys ne pourrait-elle vraiment pas gouverner ? A mon avis, son mariage avec Plènozas ne doit pas plaider en sa faveur, vu sa côte de popularité...

Léonor se gratta la tête :

Alors là...

En effet, si Alexy d'Atlantys refusait, ce serait un vrai casse-tête de trouver l'héritier légitime. 

Mais peut-on vraiment refuser ? Après tout, François Faivre l'a bien fait. Oui mais... 

La jeune femme fut interrompue dans ses pensées par la sonnerie de son téléphone.



« Angès.
« Bonsoir, c'est Prys d'Atla... Plènozas. J'aurai besoin de vous parler.
« Seule ?
« Edouard est absent. Pouvez-vous passer dans la soirée ?
« J'arrive tout de suite, répondit la jeune femme qui était ravie de voir quelqu'un qui pourrait peut-être répondre à ses questions. »



Prys accueillit Léonor du mieux qu'elle put, mais la jeune femme vit tout de suite que son hôte était bouleversée. Elles se dirigèrent vers un petit salon tout de suite à droite de l'entrée et prirent place sur de somptueux canapés.
- « Je suis navrée de vous avoir fait venir à une heure si tardive, mais... mais j'ai trouvé quelque chose. »
Elle se leva alors et prit une liasse de papier dans un tiroir avant de la tendre à Léonor. Il s'agissait d'un exemplaire de l'arbre généalogique de la famille de Prys.
- « Et qu'avez-vous découvert ?
- « Eh bien ça ! S'exclama-t-elle en désignant les papiers. Depuis notre dernière rencontre, je ne pouvais plus ignorer mes doutes. Je me suis donc mise à fouiller dans les affaires d'Edouard, pour voir si je trouvais quoi que ce soit qui l'accuse. Et j'ai trouvé cela dans un des tiroirs de son bureau. Comment a-t-il osé ! Finit-elle en haussant le ton.
- « Je ne comprends pas bien... Je croyais que tout le monde vérifiait ses ascendances... En quoi le fait de...
- « Tout le monde sauf moi ! Je me contrefiche bien de tout ce cirque ! Et Edouard le sait parfaitement. Il sait aussi que certains documents ne sont pas consultables par les étrangers."
Léonor cligna des yeux :
- « Mais c'est votre mari...
- « Peu importe. Sur ce coup là, Damien a été négligent. Je suppose qu'Edouard les a demandé en mon nom, et que par correction, il n'a pas vérifié. »



Léonor garda le silence un instant avant de dire :
- « Mais ça prouve juste qu'il surfe sur la vague, pas qu'il est à l'origine de la disparition de votre neveu. »
L'expression de Prys changea du tout au tout : sa mimique sévère laissa place à une bouche tremblotante, ses paupières se plissèrent et elle renifla légèrement :
- « Sauf que... Sauf que j'ai appelé Damien pour savoir quand il l'avait demandé... Et... Et c'était 4 mois avant la mort de Nyls !! »
A ces mots, elle plongea la tête dans ses mains et pleura à chaudes larmes. Léonor, quant à elle, était stupéfaite.

Mais alors... Ses chances seraient si bonnes que ça ?

Il fallait absolument s'en assurer. Parce-que s'il n'y avait aucun espoir pour qu'il prenne la tête du Quartier, le mobile disparaissait. Usant de toute la délicatesse dont elle était capable, Léonor sortit l'arbre généalogique simplifié qu'elle avait imprimé avant de partir et demanda :
- « Excusez-moi mais... »
Prys tenta de se reprendre et s'essuya le visage avant d'indiquer qu'elle était prête à l'écouter.
- « Pouvez-vous jeter un œil à ceci ? Ce sont les informations que j'ai réussi à récolter. Selon moi, c'est Alexy d'Atlantys qui aura les faveurs du conseil d'administration. Mais des rumeurs prétendent qu'il n'acceptera pas. Que savez-vous la dessus ? »



Son hôte prit connaissance du document et dit en hochant légèrement la tête :
- « Je sais que s'il y a bien quelqu'un que je respecte pour son intégrité, c'est bien Alexy. Je ne sais pas si vous insinuez qu'il aurait pu attenter à la vie de Nyls, mais je vous assure que ce n'est pas du tout dans sa nature. Concernant le fait qu'il puisse refuser, eh bien ce n'est pas impossible. Alexy a été bercé toute son enfance par les récits de son père, qui avant de prendre ses fonctions de Général voyageait énormément. Cependant, dès qu'il est arrivé à son poste, Charly a laissé tomber les excursions pour s'occuper de sa famille. Ce qui n'est pas le cas d'Alexy, qui dès qu'il y a une mission à l'étranger ou qu'il a des congés, prend son sac à dos et part pour plusieurs semaines. C'est quelqu'un qui n'est pas fait pour rester au même endroit toute sa vie. Il veut bouger, découvrir, vivre des aventures... Alors accepter d'être l'héritier d'Atlantys et mettre sa vie entre parenthèses pour s'occuper de celle des autres... Je ne suis pas sûre que ce soit dans ses cordes. »



- « D'accord... Donc ni lui ni François Faivre ne sont intéressés. Ensuite, j'ai l'impression que ça se joue entre Vous, Germain Vasseur et Damien des Plaines... D'après vous, qui a le plus de chance d'être nommé ?
- « Entre nous trois, je dirais Damien des Plaines.
- « Pourtant, si on regarde la généalogie, Germain Vasseur a une ascendance plus ancienne. Tout comme Jack Munrow et Philippe Auger, d'ailleurs.
- « Peut-être, mais je pense que le conseil va faire le choix de la raison. Ce n'est un secret pour personne que Germain, aussi gentil soit-il, n'a pas la carrure pour une telle fonction. Quant à Jack et Philippe, Jack est dans la musique, donc autant dire qu'il est à des années lumières de la politique, et Philippe... Philippe est formé pour faire partie de l'état-major, sous le commandement de Charly, puis d'Alexy d'Atlantys. Je vois mal un sub-alterne donner des instructions à son supérieur ! Ce serait curieux ! Non vraiment, le seul qui ait toutes les qualités requises, comme la respectabilité, le niveau d'étude, la noblesse du sang, et la carrure d'un homme politique, c'est Damien des Plaines. Mais je doute que...
- « Sauf votre respect, Mme Plènozas, je ne peux me baser sur votre sympathie pour régler cette affaire, répondit la jeune femme chaleureusement. J'ai parfaitement compris où vous vouliez en venir, à savoir le fait que votre mari doive s'expliquer sur certaines choses. Mais très franchement, le fait que Damien des Plaines soit l'Héritier potentiel le met au même titre que les autres sur la liste noire. Et pour 3 raisons supplémentaires : la première est qu'il a toujours eu accès à la généalogie du quartier,  la seconde est que je trouve qu'il avait l'air plutôt ravi de me dire au-revoir quand je l'ai vu et pour terminer, n'oublions pas que ce sont eux qui se sont occupé du corps de Nyls. Honnêtement, vous êtes une des rares a vouloir connaître la vérité. Votre mari, bon, vous savez qu'il est louche, son petit copain Ladopthé est trop mielleux pour être honnête, Germain me pousse vers la sortie depuis que je suis arrivée, Karine d'Atlantys, n'en parlons pas... S'ils étaient tous comme vous, ...
- « S'ils étaient tous comme moi, Nyls serait encore vivant, termina Prys amèrement. »
Léonor poussa un soupir.
Puis, en regardant l'heure de la pendule qui trônait dans la pièce et se levant :
- « Je vais devoir y aller, mais je vous tiens au courant. Si vous apprenez quelque chose d'autre...
- « Je vous le dis. Merci beaucoup. Merci de ne pas avoir abandonné alors que tout vous poussait à le faire.
- « Je vous en prie. Je ne fais que mon travail. »
La jeune femme n'avait pu s'empêcher de poser une main réconfortante sur le bras de Prys. Cette dernière lui avait alors adressé un sourire triste mais plein de reconnaissance.

Je sens que je vais refaire un tour au Domaine des Plaines, moi.

Commentaires

Missing a dit…
Et si c'était Prys ? Elle essaie peut-être d'attirer la sympathie et de brouiller les pistes. Et elle essaie simplement de se débarrasser de son mari. Toute occasion est bonne à prendre !
Et en fait tout le monde dans le quartier est plus ou moins de la même famille ?
GGO a dit…
Oui, à peu près lol. Mais rassure-toi, ils ne se marient pas entre eux ! :-p Les PNJ et les townies sont là pour ça !

Pour Prys : eh bien oui, elle pourrait vouloir se débarrasser de son mari, si elle n'était pas aussi gourde ! XD (ouh la vilaine)
Sakura5192 a dit…
C'est vrai qu'elle n'est pas dégourdie...c'est sans doute pour ça que Plénozas l'a épousée : une femme qui pose pas de questions, cool pour un type comme lui à faire des magouilles...
Mathoo a dit…
Hum hum, nous avons donc un peloton de tête... Oui, mais et Karine d'Atlantys là-dedans ? Avec un mari sans arrêt en vadrouille, on peut jouer les petites reines sans problème !
Arf, tu nous fais durer le mystère avec brio ! J'adore ! :D
GGO a dit…
Saku : tout à fait ! Il allait pas épouser un génie quand même ! lol

Mathoo : Merci beaucoup beaucoup pour tes messages et tes encouragements. ça me fait vraiment très plaisir de ça te plaise. C'est dur de faire une intrigue qui tienne la route ! J'espère franchement y arriver et ne pas vous décevoir. :-)